En grève, la plupart des pharmacies ariégeoises seront fermées ce samedi 16 août, à l’exception des pharmacies de garde. Dans les officines, les patients, inquiets du risque de voir disparaître des pharmacies de proximité dont ils ont besoin, expriment un soutien unanime.

Les pharmacies ariégeoises sont-elles en grève ou simplement fermées, ce samedi 16 août ? Les deux, sans que cela fasse une grande différence pour les patients. Car si toutes les officines du département se déclarent en grève pour dénoncer la baisse, le 1er septembre, de la “remise générique” qui assure une part importante de leur revenu, leur ouverture le samedi n’est pas une obligation.
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“L’ARS (Agence régionale de santé, NDLR) m’a appelé hier soir (le 14 août, NDLR), ils voulaient réquisitionner des pharmacies, indique ainsi Stéphane Mas, le président du Syndicat des pharmaciens de l’Ariège. Mais nous sommes profession libérale, on ouvre quand on veut. Au final, il y aura cinq pharmacies ouvertes en Ariège* ce samedi”.
La véritable crainte de la profession ? Que cette baisse de leur revenu entraîne la disparition de nombreuses officines de proximité – jusqu’à 6 000 en France, estiment les syndicats, affectant 20 000 à 30 000 emplois – touchant un service essentiel pour tous. La Pharmacie du Jardin en est un bon exemple : installée à Foix, mais en périphérie de la ville, sa clientèle vient plus des petites communes alentour que du centre-ville. Et elle partage les craintes des pharmaciens.
“On a besoin de médicaments, quand même…”
À 68 ans, Marie-Madeleine a besoin de traitements permanents qui l’amènent régulièrement dans l’officine. “J’habite à Vernajoul, à côté, et une pharmacie pas loin c’est important pour moi, souligne-t-elle. Si les pharmacies disparaissent, comment est-ce qu’on va pouvoir se soigner ? Parce qu’on a besoin de médicaments, quand même, alors je les comprends tout à fait et je les soutiens. Mais tout change…”
Une situation exemplaire aux yeux de Stéphane Mas, dont l’officine est installée à Val-de-Sos, un petit village de la haute Ariège : “On a une population vieillissante, avec des gens qui n’ont pas de voiture ou qui ne peuvent plus conduire. Si je ferme, la plus proche pharmacie est à Tarascon, à 15 kilomètres. C’est pareil à La Bastide-de-Sérou : si la pharmacie disparaît, il n’y a rien sur 45 kilomètres entre Foix et Saint-Girons.”
“Si j’en ai besoin, je suis à 20 minutes de la plus proche pharmacie”
Le client qui suit a la meilleure raison de partager la même inquiétude : il est infirmier libéral. “Je vais dans toutes les pharmacies, en milieu rural surtout. Toutes sont dans cette crainte, il y a déjà eu pas mal de fermetures”, témoigne-t-il. Avec une vision plus professionnelle de la question : “On fait des économies sur le dos des pharmacies alors que le problème, ce sont les gros traitements chers, qui doivent être amortis rapidement par les laboratoires. 1 % des médicaments représentent 42 % du budget de la Sécurité sociale. Il y a des médicaments qui ne rapportent pas assez, il y a des pénuries, et ça va continuer.”
Gilbert entre, un poignet bandé. “Je viens une fois tous les 36 du mois, plutôt pour le premier secours, indique-t-il, et comme je vis dans un micro-village au-dessus de Serres-sur-Arget, je comprends qu’il n’y ait pas de pharmacie. Mais si j’en ai besoin, je suis à 20 minutes de la plus proche pharmacie. Là ça va, c’est convenable, mais s’il n’y a plus de pharmacie dans la ville préfecture, c’est inquiétant.”
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Le flot ne tarit pas et une nouvelle cliente se présente, une touriste de Montpellier qui pointe un autre aspect essentiel à ses yeux. “Au-delà de vendre des médicaments, une pharmacie, c’est du conseil et du lien, relève-t-elle, c’est cette proximité et ce lien qu’il faut préserver.” Un lien qu’elle ne demande qu’à défendre, aussi impuissante que cette dernière patiente qui lance : “À part aller à la pharmacie, qu’est-ce qu’on peut faire ? Ce n’est pas nous qui allons nous mettre en grève.”
“Si on perd encore des pharmacies, le système va exploser”
Des pharmacies ferment, c’est un fait, mais à quel rythme ? Difficile à dire tant les chiffres de l’Insee, de l’Ordre des pharmaciens et des syndicats sont disparates, mesurés à des dates non concordantes et fondés sur des critères différents.
Stéphane Mas, le président du Syndicat des pharmaciens de l’Ariège, tranche : “Quand je suis arrivé en Ariège il y a 30 ans, on était 62 officines, on n’est plus que 48 (49 en 2024 selon l’Insee, 47 selon l’Ordre des pharmaciens, chiffre mis à jour le 6 août 2025). Il y avait 9 pharmacies sur le secteur de garde de Vicdessos, on est 5. Si on perd encore des pharmacies, comment on va faire ? Les gardes vont devenir impossibles, le système va exploser.”

Le nombre d’officines baissant, celles qui restent voient leur clientèle augmenter : d’environ 2 500 clients par pharmacie quand elles étaient une soixantaine, il est monté à 3 305 en 2025, selon l’Ordre des pharmaciens. Et ce n’est pas une bonne nouvelle, comme le souligne une préparatrice d’une pharmacie fuxéenne : “Ça se répercute sur la charge des autres pharmacies. Aujourd’hui à midi, on avait la pharmacie pleine alors qu’on ferme à 12 h 15. On prend quand même le temps de s’en occuper, bien sûr, mais ça pèse.”
La solution la plus évidente pour les officines serait de recruter. “Avec nos conditions commerciales, on ne pourra pas, rétorque Stéphane Mas. Pire, si leurs finances sont amputées, les pharmacies ne tiendront pas au niveau salarial et seront obligées de licencier. Ce qui me fait le plus mal au cœur c’est ça, c’est notre personnel.”
Plus d’actes, et toujours plus d’économies demandées
Le cœur du mouvement de ce 16 août est donc la remise générique, cette marge spécifique attribuée aux pharmacies afin de favoriser la vente de médicaments génériques. Avec déjà pour objectif, à l’époque de sa mise en place il y a 30 ans (1994), d’alléger le poids du remboursement des médicaments sur le budget de la Sécurité sociale.
Une marge importante en apparence, mais qui s’applique à des médicaments peu coûteux, et qui va donc être réduite. Actuellement de 40 %, elle va tomber à 30 % le 1er septembre… et ce n’est pas fini : “Il y aura une deuxième vague le 1er juillet 2026, où elle passera à 25 %, puis une autre au 1er janvier 2027 où ce sera 20 %”, annonce Stéphane Mas.
Une préparatrice pointe de son côté la question des franchises, cette part du prix non remboursée par la Sécurité sociale. De 50 centimes par boîte il y a peu, elle est passée à un euro, “et bientôt ce sera deux euros.” “Plus les vaccinations, les tests urinaires, la distribution des tests colorectaux…, énumère la professionnelle. Tout ça, c’est du temps pour des choses qu’on n’avait pas avant et on gagne moins. J’ai 58 ans et je peux vous dire, quand j’ai commencé, on n’avait pas le même métier.”