August 11, 2025

ENTRETIEN. "J’aurais aimé que mon fils coure dans mes bras sur Armandie", regrette Thibaud Mazzoléni, après son année au SU Agen

l’essentiel
Futur joueur de l’AS Layrac, Thibaud Mazzoléni vient de vivre une saison douloureuse avec le SUA. Après cinq petits matchs de Pro D2, dont aucun disputé à Armandie, le champion du monde à 7 revient en longueur sur une aventure laissant un goût d’inachevé.

Thibaud, pouvez-vous tout d’abord revenir sur votre signature au club ?

Mon agent était en échange avec Thomas Léger, qui était partant à l’idée de me faire revenir. Sébastien Calvet a décidé de me mettre à l’essai, pour être évalué par Barry Maddocks. C’était une semaine de match, donc je n’ai pas trop tourné, ce qui est normal. Après cela, mon agent a eu un refus de Thomas, disant qu’ils n’avaient pas le budget. C’était fin avril. Mon agent me le dit juste avant le tournoi de Hong Kong. Je commence alors à performer avec l’équipe de France. Jérôme Daret (NDLR : le sélectionneur) m’appelle pour m’annoncer que je suis sélectionné pour Madrid. Le lendemain, je vais faire ma séance de physique à Armandie. Sébastien est venu m’interrompre pour me dire qu’il me faisait un contrat d’un an, et que cela avait été validé par le président.

À lire aussi :
EN IMAGES. Pro D2 : retour sur le premier match de préparation du SU Agen, battu à Casteljaloux par Colomiers Rugby

C’était une surprise ?

En deux jours, on me dit « Tu vas faire la finale du World Series et tu signes à Agen. » Là, j’avais un totem d’immunité sur ma tête. J’avais envie de pleurer. C’était beaucoup d’émotion, déjà pour mon rêve d’enfant, et puis aussi pour ma famille parce qu’on voulait construire quelque chose, et ne plus bouger. Je n’avais pas de perspective d’avenir, et on ne savait pas ce qu’on allait faire. Cela a été assez libérateur.

À lire aussi :
DÉCRYPTAGE. Pro D2 : “une baisse d’intensité” fatale… Le SU Agen a surpris de bonne et de mauvaise manière contre Colomiers

Pourquoi ce revirement de situation ?

Je pense que c’est Sébastien. Il y a peut-être les articles, peut-être la pression des gens, je ne sais pas… Je clamais haut et fort vouloir rejoindre le SUA, donc peut-être qu’ils se sont dit que c’était une bonne solution.

À lire aussi :
Pro D2 : “C’est un poison !” Les frères Martins se sont affrontés pour la première fois de leur vie avec le SU Agen et Colomiers

Comment se passent vos débuts ?

Déjà, je n’ai eu que onze jours de vacances, sur lesquels il y en a eu quatre où j’étais à Paris pour les JO. Je n’ai pas trop reposé mon esprit. Ensuite, je suis arrivé sur la pointe des pieds, parce que je ne savais pas trop quelle place prendre. J’arrive avec l’expérience du très haut niveau, mais cela faisait sept ans que je n‘avais pas fait de rugby à quinze.

À lire aussi :
Pro D2 : des petits pépins, mais “rien de méchant” pour le SU Agen lors du premier match de préparation face à Colomiers

Quelles sont vos premières impressions ?

Tout a changé. On a un centre d’entraînement exceptionnel. En termes d’infrastructures, le SUA n’a rien à envier à personne. Pas mal d’équipes de Top 14 peuvent envier le SUA. C’est au-dessus du lot.

À lire aussi :
ENTRETIEN. Pro D2 : “On est en construction…” L’analyse de Mauricio Reggiardo après la défaite du SU Agen contre Colomiers

Vient ensuite le match amical contre Dax…

Je n’avais que trois jours d’entraînement en sept ans. J’étais très excité parce que c’était un match avec une saveur particulière. Capbreton représentait beaucoup de choses, et c’était beau de pouvoir commencer là-bas.

À lire aussi :
Pro D2 : “L’état d’esprit est là, et c’est le plus important…” Les réactions après le revers du SU Agen contre Colomiers

Vous évoluez au poste d’ailier. Comment vous sentez-vous ?

Je ne pense pas être un ailier. Je le savais déjà, mais c’était une année de transition pour moi. J’aurais préféré jouer à l’arrière. J’ai eu des opportunités à l’aile parce qu’il y a eu quelques blessures. Cela m’a permis de jouer, mais ce n’est pas mon poste. Ma qualité première n’est pas la finition ou la vitesse pure.

À lire aussi :
Pro D2 : le SU Agen s’écroule en fin de match, et concède une défaite contre Colomiers pour les débuts de Mauricio Reggiardo

Puis vient votre premier match officiel à Valence-Romans (5e journée). Vous attendiez-vous à jouer aussi vite ?

Pas du tout. Sébastien n’avait pas prévu de me faire jouer sur le premier bloc, ce qui est normal par rapport aux objectifs, à l’équipe, et à moi afin de ne pas m’exposer trop tôt. Mais il y a eu l’opportunité. Je me sentais prêt, tout le monde me sentait prêt, donc c’est arrivé un peu plus vite. Mais ce n’était pas prévu que je joue sur le premier bloc. Je ne devais jouer qu’à Grenoble.

À lire aussi :
VIDÉO. Pro D2 : du “bleu” à domicile et du “blanc” à l’extérieur… Découvrez les nouveaux maillots du SU Agen pour la saison 2025-2026

Et vous plantez un doublé…

Sachant que je ne suis pas un finisseur de base, je me suis dit que je pouvais avoir cette casquette. Sur le match, j’ai fini à dix ou onze plaquages en 70 minutes. J’étais vraiment rentré dans le bain. J’ai marqué les points que je devais marquer.

À lire aussi :
Pro D2 : “Il fallait garantir la validation des contrats…” Le président du SU Agen Jean-François Fonteneau injecte 700 000 euros

Que vous dites-vous à ce moment-là ?

Que je n’ai pas été timide. J’ai fait ce que j’avais à faire. On avait eu quelques jours de repos à la fin du premier bloc. Je repartais avec le plein de confiance. C’est ce dont j’avais besoin, mais j’ai été très déçu de ne pas enchaîner sur un match à domicile.

À lire aussi :
Rugby amateur – Fédérale 1 : Dans les coulisses de la venue de Thibaud Mazzoléni à Layrac

Avez-vous eu des explications ?

Pas forcément. J’avais des échanges avec Barry. Il disait que c’était bien, mais il y avait une hiérarchie qui était en place. C’est le sport professionnel. Même les premiers matchs, je savais que je n’allais pas jouer, mais j’espérais voir mon nom sur la composition alors que ce n’était pas prévu.

À lire aussi :
Rugby amateur – Fédérale 1 : “Cela fait bizarre de se sentir vieux…” L’AS Layrac “monte en puissance” avec plusieurs jeunes

Vous faites plusieurs matchs, y compris à Béziers, où vous êtes remplaçant au sein d’une équipe quasiment type…

Déjà à Biarritz, je suis sur l’équipe quasiment type. Je rentrais dans la rotation. Je m’étais fixé un objectif de faire dix matchs dans l’année. On arrive en novembre, je suis déjà à quatre. J’allais arriver à mes dix matchs. Puis, Sébastien m’a dit que j’allais avoir une proposition de prolongation de contrat.

Sur quel type de contrat ?

Je suis venu pour l’amour du maillot. Cela a été une année très difficile financièrement. J’ai fait beaucoup de sacrifices sur mon ancien contrat pour pouvoir vivre mon rêve d’enfant, et parce que j’aime mon club.

À lire aussi :
“C’est une sensation bizarre !” Un joueur de l’AS Layrac en Lot-et-Garonne sacré champion d’Europe de beach-rugby à plaquer

En fin d’année, vous avez moins de temps de jeu. Est-ce que vous savez pourquoi ?

Pas tellement. À un moment donné, on m’a parlé des ballons aériens, et que je n’apportais pas de sûreté. Pourtant, à sept, on le bossait… Je n’ai jamais eu d’explications. Je ne suis pas quelqu’un qui va toquer dans le bureau du coach. Ce n’est pas cela qui va faire changer sa décision.

Après Nevers, vous disparaissez du groupe jusqu’à la fin de la saison…

Cela a été très long. Heureusement qu’on était plusieurs à être ensemble sans trop matcher. On essayait de se donner la banane. Les jeudis et vendredis, on était les trois, quatre ou cinq mêmes joueurs à devoir venir le matin, en sachant qu’on n’allait pas jouer la semaine d’après… Au final, je travaillais plus pour moi, parce que je suis un besogneux, et que je n’ai jamais voulu tirer l’équipe et les autres joueurs vers le bas sur les débuts de semaine. Il fallait que je reste en forme. Le club était déjà dans une situation assez difficile. Je n’avais pas envie non plus d’être un frein, ou d’être une personne négative pour le groupe.

À lire aussi :
Rugby amateur – Fédérale 1 : Première à Sarlat pour Layrac, réception de Soustons pour 4 Cantons-BHAP… Le premier bloc sera déterminant

Avez-vous cru avoir une chance en fin de saison ?

Peut-être à Colomiers. Au final, non. C’est à ce moment-là où l’équipe de France est revenue vers moi. Je suis parti quatre jours. Ce n’était pas mon objectif. Mais on fait cela aussi pour le plaisir parce qu’on aime ce jeu, et ce n’était plus forcément un jeu. Je ne prenais pas de plaisir à faire du rugby. La sélection m’a fait énormément de bien, d’autant plus qu’on a eu un titre où je me suis senti respecté, en tant que joueur de rugby, mais surtout en tant qu’homme. Le joueur de rugby, cela reste une chose. C’est le jeu, c’est le sport de haut niveau. Mais des fois, quand tu as l’impression que cela touche l’homme, c’est très difficile.. Je pense que je n’ai pas été quelqu’un qui a lâché. J’ai toujours travaillé et je n’ai jamais tiré personne vers le bas, mais cela m’a puisé beaucoup d’énergie parce que c’était mon club, et je ne sais pas si j’aurais pu tenir comme cela si c’était ailleurs.

Votre fin de contrat approche également. Comment gérez-vous la chose ?

Tout était très stressant parce que depuis novembre, on m’avait dit que j’allais prolonger. De novembre à mars, c’était oui, cela va arriver… Je m’étais dit que l’année prochaine, financièrement, cela allait être un peu plus stable. Il y avait cette pression qui était partie de se dire que tu ne joues plus ta vie. C’est notre travail, c’est ce qui nous permet de vivre, et surtout d’avoir des enfants. C’est cela qui me faisait le plus peur.

Et ce n’est jamais arrivé…

On ne me l’a jamais clairement dit. Au final, je l’ai appris officiellement dans le vestiaire après le dernier match, sans avoir été forcément prévenu auparavant.

Vous parliez de respect. En avez-vous manqué de la part de certaines personnes au club ?

J’ai une certaine éthique. Mes valeurs de base sont le travail et la résilience, mais aussi le respect, et tenir ses paroles. Je ne suis pas venu pour qu’on me vende du rêve ou qu’on me fasse des promesses. J’avais juste envie d’être sur le terrain, et d’aider à sauver le club. Malheureusement, ce n’est pas arrivé. De la rancœur ? Non, parce que c’est passé, et que j’ai aussi dit ce que j’avais à dire. Mais c’est la fin qui me fait du mal, parce qu’on m’avait dit que j’allais avoir une prolongation de contrat.

Quel bilan faites-vous de votre saison ?

Cela a été très difficile. J’avais envie d’écrire une autre histoire. Je suis reconnaissant d’avoir pu jouer en pro avec le SUA parce que c’était mon rêve d’enfant. Mais ce qui me fait mal au cœur, et j’ai pu le dire à certaines personnes concernées, c’est le fait de ne pas avoir joué à Armandie. Je le mets aussi haut, voire plus haut que la déception de ne pas avoir fait les Jeux Olympiques. Faire les JO est devenu un rêve au cours des années. Jouer à Armandie en pro était mon rêve d’enfant. D’autant plus que je suis jeune papa. (Emu…) J’aurais aimé, qu’à la fin du match, mon fils court dans mes bras sur le terrain d’Armandie. C’est ce qui a été le plus douloureux, parce que je ne demandais pas grand-chose. Au moins un match à Armandie aurait pu sauver mon plaisir et mon amour pour tout.

Comment voyez-vous l’avenir du SUA ?

En début d’année, j’aurais aimé m’inscrire dans le club. Julien Guiard m’avait dit que j’intégrerais le staff des Cadets Alamercery. Cela me plaisait énormément parce qu’il faut savoir que, tous les mercredis après-midi, après l’entraînement, je restais au stade pour coacher les U15, les U16 et les Cadettes. Cela me plaisait énormément d’être là, d’aider, et de me servir de mon expérience. Aujourd’hui, je ne serai pas dans le staff des Cadets. Je l’ai su parce que le responsable de l’équipe, avec qui je suis ami, me l’a dit, mais les personnes au-dessus ne m’ont jamais tenu au courant. C’est au détour d’une conversation que je l’ai appris. Forcément, je suis un peu inquiet parce qu’on voit que le SUA est dans le dur. Très honnêtement, j’ai envie que le club s’en sorte, parce que je ne suis pas quelqu’un de méchant et de mauvais.

source

TAGS: