August 11, 2025

REPORTAGE. "Même pour deux melons, ils sortent la carte" : montres connectées, téléphones… au marché, le cash a presque disparu

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Au marché de Lectoure, les billets se font de plus en plus rares. Entre les stands de viande, de fruits et de vêtements, la carte bancaire s’impose comme la norme. Pratique pour les clients, parfois contraignante pour les commerçants : le cash, lui, tente encore de résister. Reportage.

“Vous prenez la carte bleue ?” Cette question, Sarah l’entend plusieurs fois par jour. Derrière son stand de viande au marché de Lectoure, elle tend machinalement son terminal : “oui, madame, c’est possible”, répond-elle. Depuis qu’elle fait le marché, refuser n’a jamais été une option. “La demande est trop forte pour l’ignorer”, glisse-t-elle en installant un rôti d’agneau dans sa vitrine. Devant elle, les clients défilent, panier au bras, et si quelques billets circulent encore, c’est bien la carte bleue qui reste la plus utilisée.

Dans les allées, le phénomène saute aux yeux : rares sont les commerçants qui ne possèdent pas de terminal de paiement. “Même pour deux melons et trois tomates, les gens sortent la carte bleue”, constate Amélie, maraîchère. Une demande qui ne date pas d’hier. Marie-France, vendeuse de macarons, s’est équipée dès 2019 : “Aujourd’hui, les gens veulent payer en carte, peu importe le montant. Les jeunes surtout… Ils sont hyperconnectés, ils paient directement avec leur téléphone”, raconte-t-elle en riant.

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“On n’a pas le choix”

Tous ne vivent pas cette transition avec enthousiasme. Audrey, vendeuse de fruits et légumes sur plusieurs marchés d’Occitanie, regrette les espèces. “On n’a pas le choix, on est obligé d’accepter les paiements par carte même si ce n’est pas ce qu’on préfère”, explique-t-elle. Pour elle, le problème ce sont les commissions sur les paiements par carte. “Il faut être honnête, à la fin de l’année on est moins rentable, mais pour les clients, c’est plus pratique… Alors on s’adapte”, dit-elle en haussant les épaules.

Franck, vendeur de vêtements en lin, se montre plus direct. “Le liquide, c’est fini. Et c’est nous les perdants. Les gens payent même avec leur montre, c’est n’importe quoi. Sortir la carte pour des petits paiements c’est complètement stupide”, s’agace-t-il. Pour les derniers retardataires la transition est pour bientôt. Moul, maraîcher qui fréquente aussi les grands marchés de Bordeaux, est sur le point de s’équiper : “on l’a commandé mais on ne l’a pas reçu. Les clients nous le demandent tout le temps et sans ça, on perd des ventes donc on saute le pas.”

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“Je préfère refuser la carte”

Chez certains artisans, l’équation devient intenable. Catherine, qui vend des produits de cosmétique locale, a dû revoir ses règles. “Avant, je prenais la carte même pour 2 euros. Depuis l’inflation, je ne l’accepte plus en dessous de 15 euros. Les matières premières ont augmenté, et je perdais trop avec les paiements par carte”, explique-t-elle. Même lorsqu’un jeune homme s’avance pour lui acheter un shampoing solide à 9 euros, la commerçante reste ferme. “Vous avez une banque à dix mètres”, lance-t-elle avec un sourire. Elle sait qu’il ne reviendra peut-être pas, mais assume sa décision : “Je préfère refuser la carte que de perdre de l’argent.”

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À quelques pas de là, devant la Banque Populaire, la file est pourtant longue. Un signe que, malgré l’omniprésence du sans contact, le liquide garde encore quelques adeptes. Nicole, habituée du marché, ne veut pas entendre parler de carte bancaire. “Moi, je préfère payer en liquide, on a toujours fait comme ça et ça ne va pas changer. Et puis c’est important pour les commerçants”, dit-elle en serrant son porte-monnaie. Un peu plus loin, une famille avec deux enfants adopte la même méthode. “C’est un moyen de mieux gérer le budget. Avec les petits, c’est trop tentant de craquer à la moindre demande”, explique la mère, en jetant un œil complice aux churros que ses enfants dégustent déjà. De quoi rappeler que le billet n’a peut-être pas dit son dernier mot.

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