La France s’inquiète de sa situation démographique. Sa population vieillit et le nombre d’enfants voyant le jour ne cesse de reculer. Vincent Touzé, économiste à l’OFCE, décrypte les effets de ce vieillissement et de la baisse de la natalité sur l’économie du pays.
Vieillissement, baisse de la natalité… Que signifient ces tendances pour l’économie française ?
Elles bouleversent tout l’équilibre démographique. Nous vivons plus longtemps grâce aux progrès de la médecine et aux meilleures conditions de vie, mais nous faisons moins d’enfants. La pyramide des âges se renverse : elle s’élargit en haut, se resserre en bas. Résultat : moins d’actifs pour financer les retraites et, demain, la dépendance. Deux âges sont critiques pour les finances publiques : le départ à la retraite et la perte d’autonomie, qui arrive souvent autour de 80-85 ans. Les baby-boomers atteindront cet âge dès 2025-2030 : il faut s’y préparer sans attendre.
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Concrètement, quels besoins ce vieillissement va-t-il créer ?
Des besoins massifs d’accueil et d’accompagnement. On vit plus longtemps, mais avec des soins plus longs et plus coûteux. C’est une bonne nouvelle – preuve de notre progrès collectif – mais cela impose d’adapter notre société : postes de travail repensés, formation continue, passage progressif à la retraite au lieu d’un arrêt brutal, soutien des aidants familiaux…
Et la baisse des naissances, qu’implique-t-elle ?
Moins de naissances, c’est moins d’actifs demain. Ce recul s’est accéléré depuis dix ans. Il peut refléter des progrès sociaux – émancipation féminine, parentalité choisie – mais aussi un malaise : emploi précaire, logement cher, inquiétudes climatiques. Ces difficultés à se projeter créent un cercle vicieux : une jeunesse inquiète fait moins d’enfants, ce qui accentue encore le vieillissement. Cela interroge sur notre capacité collective à redonner confiance dans l’avenir.
L’immigration peut-elle compenser ce manque d’actifs ?
Elle peut aider, mais elle ne suffira pas. Le vieillissement n’est pas homogène dans le monde : certaines zones connaissent une transition démographique rapide, d’autres beaucoup plus lente. Ce décalage crée des pressions migratoires naturelles : d’un côté, des pays qui manquent de main-d’œuvre ; de l’autre, des pays dont la jeunesse reste nombreuse. Ces flux pèseront forcément sur nos politiques dans les années qui viennent et sur notre façon de concevoir la solidarité internationale.
Comment les autres pays s’organisent-ils face à ce vieillissement ?
Les approches varient fortement. La Chine a mis fin à la politique de l’enfant unique, mais la natalité ne redécolle pas. Le Japon, lui, investit massivement dans la robotisation et des technologies très avancées pour assister les personnes âgées, jusqu’aux androïdes. Ces exemples montrent qu’il n’existe pas de solution unique et que chaque pays cherche sa propre voie.
Ce choc démographique peut-il se combiner avec d’autres crises ?
Oui, le vieillissement s’ajoute aux tensions liées au climat, aux ressources et aux inégalités entre régions du monde. Une population mondiale qui atteindra bientôt 10 milliards d’habitants posera des questions de stabilité et de durabilité. La baisse de la fécondité globale est plutôt rassurante, mais il faut éviter que les ajustements se fassent par des crises violentes – famines, conflits, épidémies.
Quel sera l’enjeu pour la France ?
Trouver un équilibre. Il faudra protéger les aînés sans sacrifier la jeunesse. Investir dans la formation, la recherche, la transition écologique tout en assurant un accompagnement digne des personnes âgées. Et surtout, éviter que les choix budgétaires soient dictés par les générations les plus nombreuses : il faut garder une vision à 20 ou 30 ans. Le vieillissement n’est pas une fatalité : bien anticipé, il peut même devenir une chance.