August 2, 2025

"L’État est hors-la-loi et au lieu de la respecter, il la change": tour de passe-passe autour des ralentisseurs illégaux

l’essentiel
L’implantation de la plupart des 450 000 ralentisseurs installés en France contrevient à une vieille réglementation et un décret de 1994, comme l’a reconnu l’an dernier le Conseil d’État. Pour sortir de l’illégalité, le ministre des Transports veut changer les règles du jeu. L’association “Pour une mobilité sereine et durable” crie au scandale.

” C’est un tour de passe-passe scandaleux ! Plutôt que de respecter la loi, on la change “! Depuis qu’ils ont appris, début juillet, que le ministre des Transports, Philippe Tabarot, envisageait de modifier la réglementation sur l’implantation des ralentisseurs pour sortir d’une impasse légale, Antonin Morelle et Thierry Modolo-Dominati, respectivement président et porte parole de l’association “Pour Une Mobilité Sereine et Durable” (PUMSD), sont vent debout contre ce projet de régularisation “d’équipements illégaux”. Eux qui ont obtenu, l’an dernier, de la justice administrative la destruction de deux ralentisseurs dans le Var, militent toujours pour le démantèlement pur et simple des ouvrages qui ne respectent pas les normes, en l’occurrence le décret n° 94-447 du 27 mai 1994.

Pour l’association « Pour une mobilité sereine et durable », les 450 000 ralentisseurs installés en France ne respectent pas la réglementation en vigueur.
Pour l’association « Pour une mobilité sereine et durable », les 450 000 ralentisseurs installés en France ne respectent pas la réglementation en vigueur.
DDM – THIERRY BORDAS

” Si l’on s’en tient à ce texte, 95 % des 450 0000 ralentisseurs installés en France sont hors-jeu, assure Thierry Modolo-Dominati et leur implantation en zone urbaine contrevient à la sécurité routière et à la protection des riverains”. Même le Conseil d’État a exhumé les prescriptions de ce décret “oublié”, qui exclut notamment de ces aménagements, les rues et routes où le trafic routier est supérieur à 3 000 véhicules par jour, celles qui sont empruntées par les transports publics ou encore qui jouxtent des hôpitaux… Ce qui en élimine beaucoup.

Des enjeux environnementaux

Car le problème porte moins sur la conception des ralentisseurs que sur leur emplacement et sur leur environnement direct. Vibrations, nuisances sonores massives et permanentes, voire fissures dans les murs d’habitation proches, peuvent rendre le quotidien invivable, selon l’association. Qui explique que le passage d’une voiture sur un ralentisseur correspond à 25 % de consommation de carburant et 27 % d’émissions de CO2 en plus. Sans parler des particules fines émises par les freins, les pneus ou l’échappement, qui augmenteraient de 300 à 1 000 %.
“90 % des dossiers que nous accompagnons concernent des maisons riveraines impactées, confirme Thierry Modolo-Dominati. Les 10 % restant correspondent à des accidents corporels très graves et des sinistres sur des véhicules quand les dimensions des plateaux ne sont pas respectées”. Et l’enjeu est pour lui considérable.

” Si l’État valide le parc de ralentisseurs illégaux existant au lieu de les supprimer, ce sont des centaines de milliers de propriétaires qui vont perdre 20 à 25 % de la valeur de leur bien immobilier, plaide Thierry Modolo-Dominati. Soit au bas mot 43 milliards d’euros au total, à cause de cette manipulation”. Il faut dire qu’en adaptant les textes, les pouvoirs publics s’évitent un vaste chantier et économiserait les coûts colossaux de destruction des ralentisseurs et de remise en état des routes…

“On veut une application stricte de la loi”

À Toulouse, au vu des développements judiciaires récents, Grégoire Carneiro, vice-président de la métropole chargé de la voirie a déjà lancé une étude qualitative pour recenser toutes les infrastructures existantes et contrôler leur conformité. ” Pour établir, dit-il, une banque de données et voir ensuite s’il est nécessaire ou non d’intervenir sur certains ralentisseurs qui ne seraient pas aux normes “. Un recensement devenu inutile ? Pas pour Thierry Modolo-Dominati qui demande encore et toujours l’application stricte du décret « de restrictions d’implantations », ainsi que la publication de la norme de construction NF P 98-300 au Journal Officiel, “pour la rendre pleinement opposable devant les tribunaux”. En prime, son association demande la dissolution de le CEREMA, l’organisme public chargé de faire respecter les réglementations et dont ” la mission a été dévoyée”. Bref, le ministère des Transports n’a qu’à bien se tenir. La partie n’est pas gagnée d’avance…


Une réglementation très stricte, loin d’être toujours respectée

Les ralentisseurs ne doivent être implantés que sur des zones à 30 km/h et doivent impérativement êtres signalés par un panneau indicateur. Il faut distinguer le coussin berlinois, une plaque carrée en plastique rouge de 6 à 7 cm de hauteur et d’environ 1,80 m de largeur, à bords obliques, qui est placé au milieu de la voie, dans chaque sens de circulation ; le plateau ou ralentisseur trapézoïdal qui est une surélévation de la chaussée de 10 cm de hauteur maximum avec deux pentes de deux pentes de 1 à 1,4 mètre de longueur et un passage piéton, et le dos-d’âne, de forme circulaire, dont la hauteur ne peut excéder 10 cm, d’une longueur de 4 mètres et dont la saillie d’attaque est inférieure à 5 mm. Les collectivités ont un délai de 5 ans pour adapter des ralentisseurs non conformes. Un délai ramené à un an pour ceux dont la hauteur est supérieure à treize centimètres ou dont la saillie d’attaque est supérieure à deux centimètres.

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