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Le Nouvel Obs avec AFP
Le prince héritier et Premier ministre d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane (surnommé « MBS »), le 10 décembre 2019 à Riyad BANDAR AL-JALOUD / AFP
Avec plus de 200 exécutions depuis janvier, l’Arabie saoudite applique la peine de mort à un rythme effréné, alimenté par sa campagne de lutte contre la drogue, selon des experts, et pourrait cette année dépasser le record de 2024.
Les autorités ont lancé en 2023 une campagne pour lutter contre le trafic de stupéfiants et la consommation croissante de captagon, une drogue de la famille des amphétamines très populaire au Moyen-Orient.
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Le royaume pourrait cette année dépasser les 338 exécutions de 2024, un record depuis que les organisations de défense des droits humains ont commencé à recenser les cas au début des années 1990.
Un des principaux marchés du captagon
Sur les 217 personnes exécutées depuis le début de l’année, 144 ont été condamnées dans des affaires liées à la drogue.
L’Arabie saoudite a recommencé à appliquer la peine de mort dans les affaires de drogue à la fin 2022, après un moratoire d’environ trois ans, exécutant 19 personnes en 2022, deux en 2023 et 117 en 2024, selon un décompte de l’AFP.
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Le royaume, première économie du monde arabe, est l’un des principaux marchés pour le captagon, selon l’ONU. Depuis 2023, les contrôles de police ont été renforcés sur les autoroutes et aux postes-frontières, où des millions de pilules ont été confisquées et des dizaines de trafiquants arrêtés.
« Il est clair que l’Arabie saoudite a choisi de redoubler d’efforts au niveau des arrestations (…) et des sanctions appliquées à l’encontre de ceux qui sont perçus comme liés au trafic de drogue », affirme Caroline Rose, du New Lines Institute à Washington.
Les étrangers en majorité parmi les condamnés
Les étrangers ont été, jusque-là, les plus touchés par cette campagne.
L’Arabie saoudite accueille des millions de travailleurs étrangers, employés sur les chantiers, dans le secteur des services ou dans les maisons.
Or « les ressortissants étrangers sont particulièrement vulnérables aux violations du droit à un procès équitable », souligne Jeed Basyouni, de l’organisation de défense des droits humains Reprieve, basée à Londres.
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Ils sont 121 à avoir été exécutés cette année, la plupart pour des crimes liés à la drogue.
Amnesty International a dénoncé récemment cette flambée des cas.
« Nous assistons à une tendance vraiment effroyable, avec des ressortissants étrangers condamnés à mort à un rythme alarmant pour des crimes qui ne devraient jamais être passibles de la peine capitale », a dit la directrice adjointe pour la région, Kristine Beckerle.
Cette année, 96 Saoudiens ont également été exécutés, dont trois condamnés pour terrorisme au cours de la semaine écoulée.
Difficile à dire. Le ministre saoudien de l’Intérieur, le prince Abdulaziz ben Saud ben Nayef, a promis au début de la campagne que « les trafiquants et les contrebandiers de drogue n’y survivraient pas ».
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En juin, le directeur de la sécurité publique, Mohammed Al-Bassami, a fait état de « résultats positifs tangibles, avec des coups durs portés aux trafiquants et aux contrebandiers », selon le journal Okaz. Mais peu de données sont fournies pour étayer ces affirmations et les arrestations quotidiennes se poursuivent dans tout le pays.
« Il n’y a aucune preuve permettant de justifier le recours à la peine de mort comme moyen de dissuasion, en particulier pour les crimes liés à la drogue », a déclaré M. Basyouni.
« MBS » encensé par Donald Trump
Le premier exportateur de pétrole au monde investit massivement dans les infrastructures touristiques et les grands événements sportifs tels que la Coupe du monde 2034, dans le but de diversifier son économie.
Pour les défenseurs des droits humains, le maintien de la peine capitale nuit à l’image de tolérance et de modernité que le royaume cherche à véhiculer.
Les autorités saoudiennes affirment que la peine de mort est nécessaire au maintien de l’ordre public et qu’elle n’est appliquée qu’après épuisement de toutes les voies de recours.
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