L’affaire, qui obsède sa base partisane, embarrasse depuis des mois Donald Trump. STAFF / AFP
Sur la liste des passagers de l’avion d’Epstein, dans un échange de mails graveleux… Le nom de Donald Trump apparaît à de multiples reprises dans une nouvelle volée de 11 000 documents de l’affaire Epstein publiés ce mardi 23 décembre, qui illustrent ses liens passés avec le criminel sexuel, retrouvé pendu dans sa cellule en 2019. Dans la foulée, son ministère de la Justice a publié une salve de communiqués défendant le président.
Donald Trump qui reconnaît l’avoir fréquenté dans les années 1990, quand tous deux étaient des figures mondaines de la jet-set new-yorkaise affirme avoir coupé les liens avec lui avant qu’il ne soit inquiété par la justice, et maintient par ailleurs que leur relation n’était pas spécialement étroite. Il apparaît pourtant huit fois sur la liste des passagers de l’avion privé de Jeffrey Epstein entre 1993 et 1996, dont une fois avec comme seuls autres voyageurs l’ancien financier et une personne âgée de 20 ans, affirme en 2020 un enquêteur dans un courriel rendu public mardi.
Deux autres nouveaux documents étaient particulièrement commentés ce mardi : le premier est une lettre apparemment signée de Jeffrey Epstein et destinée à Larry Nassar, ex-médecin de l’équipe américaine de gymnastique condamné à la prison à vie pour des centaines d’agressions sexuelles. Donald Trump y est décrit comme « partageant aussi notre amour des jeunes filles nubiles ».
« Quand une jeune beauté passait devant lui, il adorait “attraper [sa] chatte” », poursuit la lettre attribuée à l’ancien homme d’affaires – l’expression « attraper les femmes par la chatte » avait déjà été utilisée par Trump lui-même dans un enregistrement révélé lors de sa campagne de 2016. Après sa publication, le ministère de la Justice a souligné être en train d’examiner l’origine de cette lettre, assurant que certains éléments remettaient en question son authenticité, dont le cachet postal qui y est apposé.
Une liste de complices présumés évoquée
Une autre pièce saillante est un échange de courriers électroniques en 2019 entre agents du FBI évoquant l’existence de 10 « complices » présumés de Jeffrey Epstein aux Etats-Unis.
D’autres fichiers documentent une requête émise en 2021 par les procureurs envers le club Mar-a-Lago que possède Donald Trump en Floride, les autorités cherchant alors à récupérer des documents pouvant être potentiellement utiles à la procédure judiciaire menée contre la complice de Jeffrey Epstein.
D’autres documents encore décrivent des témoignages reçus par le FBI lors de son enquête. L’un d’entre eux, dont rien ne dit qu’il a été corroboré, mentionne une fête « pour prostituées » qui semble avoir été organisée par Jeffrey Epstein en 2000 à Mar-a-Lago, la résidence de Donald Trump en Floride.
Outre le président Trump, ces documents font aussi apparaître une correspondance entre un homme semblant être l’ex-prince Andrew et Ghislaine Maxwell, datant de 2001 et 2002 et envoyée depuis un compte utilisant le pseudonyme « The Invisible Man » et signé « A ». Dans un message d’août 2001, l’auteur indique qu’il séjourne à Balmoral, la résidence d’été de la famille royale britannique en Écosse, et demande à Maxwell : « M’as-tu trouvé de nouveaux amis inappropriés ? » Même si l’auteur du message n’est pas nommé, d’autres indices semblent renvoyer vers l’ancien prince, privé en octobre de son titre royal pour ses liens avec Jeffrey Epstein. Il est ainsi fait mention d’un valet qui servait cette personne depuis l’enfance, et d’un départ de la « RN », une référence probable à la Royal Navy qu’Andrew a quittée en juillet 2001.
Le gouvernement dénonce des affirmations « fausses et sensationnalistes »
Ces nouveaux documents ont fait bondir l’opposition. « Le ministère de la Justice doit faire davantage la lumière sur qui était sur la liste [des complices d’Epstein], sur leur implication et sur sa décision de ne pas poursuivre » ces personnes, s’est indigné dans un communiqué le chef de file des sénateurs démocrates, Chuck Schumer.
Le ministère de la Justice justifie, lui, le tempo de la diffusion et les modifications – des pages entières, des photos ainsi que de longs passages ont été caviardés – par la volonté de protéger l’identité des victimes. Samedi, plusieurs photos publiées avaient été supprimées dont l’une montrait diverses photos disposées sur un meuble et dans un tiroir, dont au moins une avec Donald Trump. Le cliché a néanmoins été republié dimanche par le ministère de la Justice, qui a expliqué l’avoir momentanément retiré pour réaliser des vérifications supplémentaires.
L’affaire, qui obsède sa base partisane, embarrasse depuis des mois Donald Trump, qui a tenté en vain d’empêcher la publication de l’intégralité du dossier Epstein. Son gouvernement publie ces documents sous la contrainte d’une loi votée au Congrès.
Le ministère américain de la Justice a affirmé que certaines de ces pièces, dont l’une montre que le président américain aurait voyagé plusieurs fois dans l’avion de Jeffrey Epstein, contenaient des affirmations « fausses et sensationnalistes ». « Si elles avaient la moindre crédibilité, elles auraient déjà été utilisées » contre Donald Trump, assure le ministère, qui publie tous ces documents sous la contrainte d’une loi votée au Congrès.
Le principal intéressé, qui passait la matinée mardi dans l’un de ses golfs en Floride (sud), n’a pas immédiatement réagi à la diffusion de ces 11 000 nouvelles pièces. Donald Trump, qui n’a jamais été accusé d’actes criminels en rapport avec Jeffrey Epstein, s’est bien exprimé mardi sur son réseau Truth Social, mais pour saluer la publication de bons chiffres de la croissance. Il a aussi fait la promotion d’une soirée de gala qui sera diffusée mardi soir à la télévision et qu’il a animée.
« Innocemment rencontré »
Le milliardaire de 79 ans, qui passe les fêtes dans sa résidence de Mar-a-Lago, s’était exprimé lundi pour la première fois depuis le début vendredi de la publication du dossier. Il avait dit craindre que ces documents n’affectent « l’image » de personnes « ayant innocemment rencontré » Jeffrey Epstein dans des soirées.
Jeffrey Epstein était accusé d’avoir monté un vaste réseau d’exploitation sexuelle de jeunes filles mineures. Il s’est suicidé en prison en août 2019 selon les autorités, avant d’être jugé pour ces crimes. Son ancienne collaboratrice Ghislaine Maxwell, accusée par plusieurs victimes présumées d’avoir aidé à les recruter, est la seule autre personne poursuivie dans cette affaire. Elle purge actuellement une peine de 20 ans de prison aux Etats-Unis.
Plus de dix ans auparavant, le financier avait été accusé en Floride de recourir aux services de prostituées mineures et condamné en 2008 à une peine aménagée de prison de 13 mois, selon un accord secret passé avec un procureur, qui lui avait épargné des poursuites fédérales.
Le ministère avait déjà publié vendredi environ 4 000 fichiers liés au dossier Epstein, mais pas l’intégralité, comme l’exige la loi votée par le Congrès. Une quinzaine de victimes du criminel sexuel s’étaient plaintes lundi dans un communiqué publié sur X d’un caviardage « anormal et extrême » de cette première salve de documents.

