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Le Nouvel Obs avec AFP
Des pompiers combattent un incendie à Veiga das Meas, dans le nord-ouest de l’Espagne, samedi 16 août 2025 LALO R. VILLAR/AP/SIPA
En ce mois d’août, l’Espagne se bat contre une vague de feux de forêt concentrés dans des zones qui ont connu un exode massif de population, comme la province d’Ourense, en Galice, où celles de León et Zamora, en Castille-et-Léon, dans la partie nord-ouest du pays, où deux personnes ont perdu la vie.
Les experts expliquent que le réchauffement climatique provoqué par les activités humaines font que les phénomènes météorologiques extrêmes, comme les sécheresses, les vagues de canicule et les incendies, sont plus fréquents, plus intenses et plus longs. Mais il y a aussi des facteurs locaux qui créent des conditions propices à ces incendies gigantesques.
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Des autoroutes pour le feu
« Si (la campagne) est propre, on peut arrêter le feu », explique Ángel Román, maire de Ferreruela, un village de la province de Zamora. L’édile déplore le manque d’agriculture et d’élevage, des activités qui nettoyaient les champs des broussailles et créaient des barrières contre les incendies.
Là où autrefois il y avait des moutons et des cultures, et où le terrain était aménagé comme une mosaïque, il y a aujourd’hui des étendues interminables de pins et d’eucalyptus desséchés par une chaleur suffocante, véritables autoroutes pour le feu.
Selon l’ONU, plus de 1,6 milliard de personnes dépendent des forêts dans le monde entier, et l’Accord de Paris sur le changement climatique de 2015 a posé un cadre pour freiner leur disparition, qui progresse à un rythme de dix millions d’hectares par an.
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Mais en Espagne, on observe le phénomène inverse : tandis que la déforestation et la désertification inquiètent dans le monde, dans ce pays, la surface forestière est passée de sept millions d’hectares en 1930 à 28 millions aujourd’hui, selon le Fonds mondial pour la Nature (WWF).
Manque d’équipes stables de pompiers
José Ramón Jiménez, responsable des questions d’environnement dans le secteur public du syndicat Commissions Ouvrières en Castille-et-León, considère que le dépeuplement est impossible à inverser en raison de « la pauvreté structurelle de certaines régions », mais s’évertue à réclamer plus de moyens pour lutter contre les incendies.
« Un pompier forestier doit être un professionnel qui se forme et qui entretient un lien avec la forêt tout au long de l’année », dit-il, ce qui n’est pas le cas dans la région de Castille-et-Léon, où les moyens varient et où il n’y a pas de définition des exigences nécessaires pour travailler à l’extinction des incendies.
« Les gens tournent parce que les conditions sont mauvaises », renchérit Miguel Ángel Villalba, agent forestier. D’où l’impossibilité d’avoir une équipe stable et professionnalisée pour éteindre les incendies de l’été.
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En outre, les feux sont de plus en plus agressifs, évoquant ceux que l’on voit en Australie, en Californie ou au Canada, attisés par une chaleur saharienne qui dure désormais tout l’été.
Selon Miguel Ángel Villalba, qui travaille dans la forêt depuis 30 ans, la montagne est plus sèche aujourd’hui et quand il y a une canicule et une absence de pluies, « cela facilite grandement la propagation du feu ».
2022, année terrible
L’année 2022 avait été terrible en matière d’incendies en Europe, surtout en Espagne, qui avait été le pays le plus touché, avec quelque 307 000 hectares brûlés, soit près de 40 % de la superficie brûlée dans l’UE, selon le Système européen d’information sur les incendies de forêt (EFFIS).
Ces derniers jours, plus de 70 000 hectares ont brûlé en Espagne – et plus de 157 000 depuis le début de l’année -, des chiffres qui continuent d’augmenter quotidiennement.
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Dans ces zones à la population vieillissante, les incendies accentuent la sensation d’abandon, alimentant le sentiment qu’un certain mode de vie est en train de disparaître.
« C’est très douloureux d’évacuer les personnes âgées », explique à l’AFP María Andrés, 68 ans, habitante de Sesnández de Tábara, un village de 136 habitants de la province de Zamora qu’elle a dû quitter à la hâte devant les flammes et qui se souvient avoir dû en partir avec son père de 92 ans – aujourd’hui décédé – lors des incendies de 2022.
Le Premier ministre espagnol, qui visitait ce dimanche Ourense en Galice (nord-ouest), une des régions les plus touchées par les incendies, a annoncé un « pacte national pour l’urgence climatique » qui mette de côté « luttes partisanes et questions idéologiques ».
Une stratégie face au changement climatique
« Le gouvernement d’Espagne va travailler dès à présent pour qu’en septembre nous puissions disposer des bases de ce pacte national pour atténuer et s’adapter à l’urgence climatique », a déclaré Pedro Sánchez, assurant vouloir « faire tout notre possible et encore davantage » pour que les victimes des incendies retrouvent « une vie normale ».
Le Premier ministre a ainsi appelé à se « concentrer sur les preuves scientifiques et agir en conséquence (…) » face à l’aggravation et l’accélération des effets du changement climatique dans notre pays«
Cela concerne, a-t-il précisé « toutes les administrations publiques, mais pas seulement. Les groupes parlementaires, l’ensemble de la société civile, la science, les entreprises, les syndicats, en définitive, l’ensemble du pays ».
« La réponse aux incendies qui ravagent l’Espagne est là », a-t-il affirmé. Dès septembre, « les incendies seront éteints, la reconstruction de toutes les zones touchées sera abordée, mais je crois que nous devons également mener une réflexion de fond, une stratégie qui anticipe une meilleure réponse », a-t-il conclu lors d’une conférence de presse à l’issue de sa visite du centre de coordination des incendies d’Ourense, écourtée par un malaise d’une personne dans le public, probablement provoqué par un « coup de chaleur » selon le Premier ministre lui-même.