December 19, 2025

REPORTAGE. Colère des agriculteurs : "Cela fait longtemps que la marmite bout…", blocage de l’A20 et contrôles des camions dans le Lot

l’essentiel
Dans le Lot, la mobilisation agricole a pris de l’ampleur ce jeudi 18 décembre. Alors que la Coordination rurale continue son barrage sur l’A20, les Jeunes Agriculteurs et la FDSEA occupent, ce soir, le rond-point du Montat. Deux actions différentes, portées par une même exaspération.

Ce jeudi 18 décembre, la mobilisation agricole s’est élargie sur plusieurs fronts dans le Lot. D’un côté, la Coordination rurale continue son barrage sur l’A20 commencé en début de semaine. De l’autre, à seulement quelques kilomètres, les Jeunes Agriculteurs (JA) et la FDSEA du Lot ont décidé, en fin d’après-midi, d’occuper le rond-point du Montat. Deux actions distinctes, mais un malaise commun qui traverse l’ensemble du monde agricole.

“Cela fait longtemps que la marmite bout dans toute l’Occitanie”

Sur l’A20, le barrage piloté par la Coordination rurale s’est installé dans la durée. Des bottes de foin, des tracteurs et même un sapin de Noël dessinent un décor à la fois rudimentaire et symbolique. Certains agriculteurs ont passé la nuit sur place. Une enceinte diffuse de la musique, les discussions s’enchaînent autour de quelques verres. “On essaie de garder le moral, mais ça devient compliqué”, confie l’un des manifestants en début d’après-midi. L’ambiance se veut conviviale, portée par le plaisir de se retrouver “dans la lutte”, sans masquer une colère ancienne.

Sur l’A20, le calme domine aux abords du barrage des agriculteurs.
Sur l’A20, le calme domine aux abords du barrage des agriculteurs.
DDM – A.M.
L’ambiance est conviviale au cœur du barrage.
L’ambiance est conviviale au cœur du barrage.
DDM – A.M.

Ici, la crise sanitaire liée à la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) n’est qu’un élément parmi d’autres. Les agriculteurs dénoncent un empilement de décisions jugées pénalisantes : accords commerciaux internationaux, distorsions de concurrence avec les pays tiers, contraintes administratives et incertitudes autour de la politique agricole commune (PAC). Agriculteur céréalier dans le Quercy et membre de la Coordination rurale, Mathieu Brocard résume ce sentiment partagé. “La problématique du monde agricole est plus large que celle de la DNC. Cela fait longtemps que la marmite bout dans toute l’Occitanie”, explique-t-il, évoquant les aléas climatiques, la pression administrative et la concurrence de produits importés ne respectant pas les mêmes normes.

Mathieu Brocard de la CR 46 a passé deux nuits sur le barrage.
Mathieu Brocard de la CR 46 a passé deux nuits sur le barrage.
DDM – A.M.

Dans le calme inhabituel d’une autoroute coupée à la circulation, quelques automobilistes s’arrêtent pour observer ce paysage figé de foin et de tracteurs. Les échanges sont souvent empreints de lassitude. Certains participants expriment leur déception face à la position jugée trop intermédiaire de la FDSEA. Les critiques restent mesurées, mais traduisent un besoin de rupture plus affirmée face à un modèle perçu comme à bout de souffle.

Certains participants du barrage regrettent que la FDSEA et les JA n’aient pas officiellement appelé à rejoindre le blocage.
Certains participants du barrage regrettent que la FDSEA et les JA n’aient pas officiellement appelé à rejoindre le blocage.
DDM – A.M.

“À 30 ans, on se demande déjà si on pourra rester agriculteurs jusqu’à la retraite”

À quelques kilomètres de là en fin d’après-midi, au rond-point du Montat, l’ambiance est différente, mais la tension tout aussi palpable. À l’appel des Jeunes Agriculteurs et de la FDSEA du Lot, tracteurs et bottes de foin occupent le lieu, provoquant en soirée d’importants ralentissements jusqu’au pont Louis-Philippe de Cahors. Cette mobilisation s’inscrit en écho à l’action nationale et européenne organisée à Bruxelles. Les revendications sont clairement affichées : arrêt des transports illégaux liés à la DNC, refus d’une baisse annoncée de 20 % de la PAC, opposition à l’accord du Mercosur et contestation d’une nouvelle taxe sur les engrais via le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF).

Un large feu illumine la nuit qui s’installe progressivement.
Un large feu illumine la nuit qui s’installe progressivement.
DDM – A.M.
Les agriculteurs guettant les camions de marchandises.
Les agriculteurs guettant les camions de marchandises.
DDM – A.M.
Des contrôles rigoureux.
Des contrôles rigoureux.
DDM – A.M.

Sur place, des contrôles de camions sont menés, notamment sur les transports de bétail. Président des Jeunes Agriculteurs du Quercy Blanc, Ludovic Lagard insiste sur l’urgence sanitaire. “Le transport d’animaux est le premier facteur de propagation du virus. Sans contrôles stricts et systématiques, la protection sanitaire de nos élevages ne peut pas être garantie”, affirme-t-il. La DNC, selon lui, agit comme un révélateur d’une crise bien plus profonde.

Ludovic Lagard est président des Jeunes Agriculteurs (JA) du Quercy Blanc.
Ludovic Lagard est président des Jeunes Agriculteurs (JA) du Quercy Blanc.
DDM – A.M.

Installé à Montcuq-en-Quercy-Blanc, Ludovic Lagard, 34 ans, évoque les doutes qui traversent sa génération. “On travaille 70 à 80 heures par semaine, on produit parfois à perte et on nous annonce encore une baisse de la PAC. À 30 ans, on se demande déjà si on pourra rester agriculteurs jusqu’à la retraite”, confie-t-il. Autour de lui, de jeunes exploitants acquiescent. “On aime ce métier, mais cet amour est en train de nous tuer”, ajoute-t-il.

Le député du Lot, Aurélien Pradié, avait fait le déplacement sur le rond-point occupé.
Le député du Lot, Aurélien Pradié, avait fait le déplacement sur le rond-point occupé.
DDM – A.M.

Malgré des formes de mobilisation différentes, le constat est partagé sur les deux sites. “La DNC a fait sortir tout le monde, mais ce n’est qu’une goutte d’eau dans une crise agricole systémique”, résume un manifestant. Quand tous les voyants sont au rouge, préviennent les agriculteurs, la colère ne peut plus rester cantonnée aux exploitations.

source

TAGS: