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Le Nouvel Obs avec AFP
Pedro Sanchez, le Premier ministre espagnol, lors d’une conférence de presse après le sommet du groupe MED9, composé de neuf Etats membres méditerranéens, en Slovénie, le 20 octobre 2025. DARKO BANDIC/AP/SIPA
Le gouvernement de gauche espagnol a annoncé mercredi 22 octobre sa décision de faire disparaître les symboles de la dictature franquiste de l’espace public en novembre, pour le 50e anniversaire de la mort du général Franco, qui dirigea le pays d’une main de fer entre 1939 et 1975.
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Un demi-siècle après, les Espagnols restent profondément divisés sur l’héritage mémoriel de la dictature, la gestion de la commémoration du 50e anniversaire de la mort du « Caudillo », survenue le 20 novembre 1975, ayant poussé au paroxysme les tensions entre le gouvernement de gauche et l’opposition de droite et d’extrême droite.
Répondant mercredi aux questions des députés, le Premier ministre socialiste Pedro Sánchez a ainsi annoncé « qu’avant la fin du mois de novembre, nous publierons au Journal officiel la liste complète des éléments et symboles franquistes afin qu’ils soient définitivement retirés de notre pays et de nos rues ».
Plus de 6 000 symboles franquistes encore présents
Il n’a pas précisé dans quels délais aurait lieu le retrait de ces symboles. Il n’a pas non plus fourni de détails sur le contenu de cette liste, mais selon le site internet Debería Desaparecer (« Ça devrait disparaître »), qui recense ces éléments, plus de 6 000 symboles de l’époque franquiste sont encore présents sur le territoire espagnol.
En déambulant dans les villes du pays, il n’est ainsi pas rare de tomber sur des statues, des emblèmes militaires, des noms de rues ou encore de places et de boulevards à la gloire du dictateur ou des dignitaires de son régime. Une aberration selon de nombreuses associations et le gouvernement de gauche de Pedro Sánchez.
L’un des cas les plus emblématiques reste l’« Arc de la Victoire », un édifice néoclassique construit dans les années 1950 à l’entrée ouest de Madrid pour célébrer le succès des troupes franquistes sur les soldats républicains lors de la Guerre civile (1936-1939).
Arrivé à la tête de l’Espagne au terme de ce conflit armé ayant fait des centaines de milliers de morts, Francisco Franco a ensuite dirigé le pays de manière impitoyable durant 36 ans. Après sa mort, aucun responsable du régime n’a été jugé, cette période ayant fait l’objet d’une vaste amnistie.
Des lois de « mémoire »
En 2007, le gouvernement du socialiste José Luis Rodríguez Zapatero, désireux de solder ce douloureux passé, avait amorcé un changement avec sa loi dite de « mémoire historique », qui obligeait les administrations à retirer les symboles « faisant l’apologie » de la dictature dans l’espace public.
Ce virage s’est ensuite accéléré avec l’arrivée au pouvoir en 2018 de Pedro Sánchez, qui a fait exhumer en 2019 les restes de Franco du mausolée (le « Valle de los Caídos ») où il avait été inhumé, afin que sa tombe ne soit plus un lieu de recueillement pour les nostalgiques de la dictature.
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Le Premier ministre espagnol a ensuite fait voter en 2022 une loi de « mémoire démocratique », malgré l’opposition farouche de la droite, qui a notamment créé un registre des victimes de Franco, annulé les condamnations sommaires prononcées par son régime et mis sous pression les mairies réticentes à supprimer les symboles franquistes. Mais cette démarche se heurte toujours à de vives réticences, en premier lieu chez les nostalgiques de Franco.
De son côté, le Parti populaire, un parti conservateur né en 1989 sur les cendres d’une formation (l’Alliance populaire) créée après la mort de Franco par un de ses anciens ministres, accuse l’exécutif de vouloir rouvrir les blessures du passé sous couvert de mémoire. Il a promis d’abroger la loi de 2022 s’il revenait au pouvoir.
A l’occasion du 50e anniversaire du décès du général Franco, mais surtout pour célébrer le début de la transition vers la démocratie, le gouvernement de gauche a annoncé une série d’événements commémoratifs tout au long de l’année 2025, une initiative qui a suscité la division au sein de la classe politique.