L’opposante vénézuélienne María Corina Machado est réapparue jeudi au Grand Hôtel d’Oslo pour la première fois depuis près d’un an, pour la remise de son prix Nobel de la paix. JONAS BEEN HENRIKSEN/AP/SIPA
Figure de la droite radicale vénézuélienne de 58 ans, María Corina Machado est arrivée dans la nuit de jeudi au Grand Hôtel à Oslo, où descendent habituellement les lauréats des prix Nobel. Selon le « Wall Street Journal », elle aurait fui le Venezuela avec l’aide des Etats-Unis. Récompensée du Nobel de la paix en octobre pour ses efforts en faveur d’une transition démocratique au Venezuela, elle est recherchée par la justice du pays pour « conspiration, incitation à la haine et terrorisme ». Sa précédente apparition publique remonte au 9 janvier, lors d’une manifestation à Caracas, contre l’investiture du président Nicolás Maduro.
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La réapparition de l’opposante a lieu en pleine crise entre le Venezuela et les Etats-Unis, qui ont déployé depuis août une imposante flottille en mer des Caraïbes, officiellement pour lutter contre le narcotrafic, causant 87 morts. Le président vénézuélien Nicolás Maduro accuse Washington de vouloir le renverser pour s’emparer du pétrole de son pays.
Bête noire du chef d’Etat vénézuélien, la lauréate est critiquée par certains pour la proximité de ses idées avec celles du président américain Donald Trump, auquel elle a dédié son Nobel, et soutient ce déploiement américain.
• Ecartée du pouvoir depuis dix ans
Cela fait bientôt dix ans que María Corina Machado a été écartée de la vie politique vénézuélienne. Figure forte de l’opposition, elle prône « le changement » au Venezuela. A la droite de l’échiquier politique, elle a fait de la lutte contre le régime d’Hugo Chávez une véritable ligne directrice de son programme.
Libérale, l’opposante parle de « créer les conditions pour qu’une économie libre et compétitive prospère » et pour que le Venezuela devienne « un pilier de la sécurité démocratique » et « énergétique ». Accusée d’irrégularités administratives, elle avait été déclarée inéligible un an en 2015 pour avoir participé en tant qu’« ambassadrice suppléante » du Panamá à une réunion de l’Organisation des Etats américains (OEA).
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Victorieuse à la primaire de l’opposition en octobre 2023 avec plus de 2 millions de voix (92 % des suffrages), celle que l’on surnomme la « dame de fer » a suscité l’inquiétude dans le camp chaviste à la veille de l’élection présidentielle de 2024. Si bien que la Cour suprême (le Tribunal suprême de Justice), maintes fois accusée d’être sous le joug du gouvernement, a alors jugé la candidate inéligible : Machado a été « disqualifiée pour quinze ans » en janvier 2024, au motif d’irrégularités administratives et de trahison après avoir soutenu les sanctions américaines contre le gouvernement de Nicolás Maduro, selon la Cour. Un jugement vivement contesté par l’opposition, qui estime la candidate innocente.
• Recherchée par la justice
L’opposante était entrée en clandestinité au Venezuela en août 2024, quelques jours après la présidentielle à laquelle elle avait été empêchée de participer. Machado a fait le choix de rester dans son pays, bien qu’elle soit recherchée par la justice. Réfugiée dans un lieu tenu secret, elle continue d’affirmer dans les médias que Nicolás Maduro a volé l’élection de juillet 2024 qui lui a accordé un troisième mandat de six ans. Sa dernière apparition publique date du 9 janvier 2025, lors d’une manifestation contre l’investiture de Maduro et pour la liberté du Venezuela.
Face à cette situation, María Corina Machado a bénéficié du soutien de nombreux pays d’Amérique latine mais également des Etats-Unis et de l’Europe, qui refusent de reconnaître la victoire à la présidentielle de Nicolás Maduro. L’opposition accuse le gouvernement de fraude et revendique la victoire de son candidat, Edmundo González Urrutia, aujourd’hui en exil et présent à Oslo mercredi 10 décembre.
• Lien avec les Etats-Unis
Récompensée du Nobel de la paix en octobre pour ses efforts en faveur d’une transition démocratique au Venezuela, elle dédie son prix, quelques heures après l’avoir reçu, à Donald Trump. Critiquée pour sa proximité avec le locataire de la Maison-Blanche, elle soutient le déploiement militaire américain en mer des Caraïbes. « Je crois que chaque pays a le droit de se défendre. Dans notre cas, je pense que les actions du président Trump ont été décisives pour en arriver là où nous en sommes aujourd’hui, à savoir un régime [vénézuélien] plus faible que jamais, car celui-ci pensait auparavant pouvoir tout faire », a-t-elle justifié jeudi.
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Pourquoi María Corina Machado a dédié son prix Nobel de la paix à Donald Trump
Lors de son voyage clandestin à Oslo, Machado a déclaré le 11 décembre avoir obtenu l’aide de l’administration américaine pour sortir du Venezuela. Selon le « Wall Street Journal », elle portait une perruque et un déguisement quand elle a commencé son évasion lundi après-midi. Elle devait d’abord se rendre de la banlieue de Caracas, où elle se cachait depuis un an, à un village de pêcheurs sur la côte.
Elle a effectué mardi une traversée périlleuse de la mer des Caraïbes, dont l’armée américaine avait été avertie, pour être accueillie à Curaçao par un spécialiste de ce genre d’opération fourni par l’administration Trump. Elle a ensuite emprunté un vol privé mercredi pour Oslo, ajoute le journal. L’ingénieure de formation a promis qu’elle « fera tout son possible » pour rentrer dans son pays, malgré les risques de se faire arrêter.

