Un manifestant lors d’un rassemblement contre le gouvernement, à Sofia, en Bulgarie, le 10 décembre 2025. VALENTINA PETROVA/AP/SIPA
Crise politique en Bulgarie. Le gouvernement a annoncé sa démission jeudi 11 décembre, au lendemain d’une nouvelle manifestation de masse pour dénoncer la corruption dans l’appareil de l’Etat et à trois semaines de l’entrée du pays dans la zone euro.
La vague de mécontentement, sans précédent depuis plusieurs années et avec une présence importante de jeunes, avait commencé fin novembre, lorsque le gouvernement avait tenté de faire voter via une procédure accélérée le budget 2026, le premier libellé en euros.
• Démission surprise du gouvernement
« Je vous informe (…) que le gouvernement démissionne aujourd’hui », a déclaré le Premier ministre Rossen Jeliazkov au cours d’une conférence de presse, où il assure avoir entendu « la voix des citoyens ».
Après sept élections en moins de quatre ans, le fragile gouvernement de Rossen Jeliazkov avait été formé en janvier, rassemblant une coalition de circonstance entre les conservateurs du GERB de l’ancien Premier ministre Boïko Borissov et trois autres formations.
Cette annonce surprise intervient une semaine après la demande du président bulgare Roumen Radev à son Premier ministre de démissionner. Au même moment, le Parlement examinait une motion de censure des députés de l’opposition.
• Pression de la rue, notamment des jeunes
Mercredi soir, des dizaines de milliers de personnes avaient manifesté dans la capitale Sofia et dans d’autres villes du pays, à l’appel notamment de la coalition réformiste et pro-occidentale « Nous continuons le changement – Bulgarie démocratique » (PP-DB), dans une nouvelle démonstration de colère contre des dirigeants accusés de corruption.
« Je suis ici parce que la corruption est partout. La situation est intolérable. Une grande partie de mes amis ne vivent plus en Bulgarie et ne reviendront pas », a déclaré à l’AFP mercredi soir Gergana Gelkova, une employée de commerce de 24 ans qui manifestait dans la capitale bulgare, ajoutant qu’« il faut que les parasites quittent le pouvoir ».
Selon le directeur de l’agence de sociologie MarketLinks, Dobromir Zhivkov, « la société bulgare est très largement unie contre le modèle de gouvernance du pays ». « Plus de 70 % soutiennent la vague de protestations », a-t-il ajouté, citant une étude parue jeudi.
Des manifestations avaient déjà eu lieu en juillet dernier, après l’arrestation du maire libéral et pro-européen de Varna, Blagomir Kotsev, pour corruption. L’édile de la troisième ville du pays a été libéré sous caution le 27 novembre dernier, alors que l’opposition qualifie les accusations le visant de « pression politique ».
• Un projet de budget très contesté
A l’origine de la contestation, un projet de budget 2026, qui prévoyait la hausse d’impôts et de cotisations sociales. Autant d’augmentations destinées à dissimuler des détournements de fonds, affirment les contestataires et l’opposition. D’autant que le texte comprenait aussi des « choix budgétaires perçus comme favorisant des groupes d’intérêt proches du pouvoir », ajoute le journal « Libération ». Ce dernier cite l’oligarque Delyan Peevski, à la fois magnat des médias et député, à qui l’on prête une forte influence sur les décisions gouvernementales.
Sous la pression de la rue, le Premier ministre avait finalement retiré le 3 décembre son projet de budget 2026. Un nouveau projet de budget a été présenté au Parlement en début de semaine mais sans apaiser la colère.
• Introduction de l’euro le 1ᵉʳ janvier 2026
La décision de Rossen Jeliazkov de jeter l’éponge intervient à un moment où ce petit pays des Balkans, le plus pauvre de l’Union européenne, s’apprête à introduire la monnaie unique le 1er janvier, ajoutant au malaise des Bulgares qui craignent une envolée des prix.
Le processus de changement de monnaie ne devrait cependant pas être affecté car les institutions directement impliquées dans le processus, « telles que la Banque nationale bulgare, sont indépendantes », a souligné auprès de l’AFP Petar Ganev, chercheur senior à l’Institut pour l’économie de marché (IME). Toutefois, pense-t-il, « tout problème mineur lié à l’introduction de l’euro, tel qu’une augmentation de prix ou un distributeur automatique de billets hors service, deviendra un sujet de débat politique ».
• Vers de nouvelles élections d’ici deux mois ?
En vertu de la Constitution bulgare, la démission du gouvernement doit être désormais avalisée par le Parlement. Il incombe ensuite au chef de l’Etat de confier un mandat pour la formation d’un nouveau gouvernement dans le cadre de l’assemblée actuelle. Mais les principaux partis politiques ayant d’ores et déjà fait savoir qu’ils ne comptaient pas s’allier, le président convoquera des élections extraordinaires, celles-ci devant se dérouler dans les deux mois qui suivent.
Mardi, Roumen Radev avait annoncé vouloir créer son propre parti. L’insatisfaction actuelle pourrait « lui offrir une entrée fracassante au Parlement », estime Boryana Dimitrova, la directrice de l’institut de sondages Alpha Research, interrogée par l’AFP, qui voit aussi un autre scénario possible : « Que les manifestations ramènent dans le jeu une alternative libérale comme PP-DB. »

