La chef de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, au siège du Conseil européen à Bruxelles, en Belgique, le 20 novembre 2025. GEERT VANDEN WIJNGAERT/AP/SIPA
Les 27 pays de l’Union européenne (UE) ont levé un obstacle clé à l’utilisation en faveur de l’Ukraine des avoirs gelés russes en Europe, en pérennisant les sanctions contre Moscou qui servent de base à leur immobilisation, a annoncé Kaja Kallas, la cheffe de la diplomatie européenne, ce vendredi 12 décembre.
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Cette décision permet d’éviter la menace d’un veto hongrois tous les six mois, à chaque renouvellement des sanctions. Pour mettre la pression, la Banque centrale russe a en revanche annoncé saisir la justice à Moscou contre la société belge Euroclear, qui détient l’essentiel des avoirs russes gelés.
• Un gel des avoirs russes jusqu’à la fin du conflit
« L’UE vient de décider de bloquer indéfiniment les avoirs russes, a annoncé Kaja Kallas, ce vendredi, sur X. Cela garantit que jusqu’à 210 milliards d’euros de fonds russes restent sur le territoire de l’UE, à moins que la Russie ne verse intégralement des réparations à l’Ukraine pour les dommages causés. »
Les avoirs de la banque centrale russe en Europe, soit quelque 235 milliards d’euros, ont été gelés à la suite de sanctions décidées par les 27 après l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022. Ces sanctions devaient cependant être renouvelées tous les six mois, à l’unanimité, avec à chaque fois la menace d’un veto de la Hongrie, pays le plus proche de la Russie dans l’UE. Sans sanction, plus d’immobilisation, et la Russie pourrait alors réclamer immédiatement la restitution de ses avoirs, dont l’essentiel, soit 210 milliards d’euros, se trouve en Belgique.
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Une situation que la plupart des pays de l’UE veulent absolument éviter au moment où ils souhaitent utiliser une partie de ces avoirs russes pour financer un prêt d’au moins 90 milliards d’euros à l’Ukraine. La décision prise jeudi – confirmée ce vendredi – par les 27, à « une large majorité », va permettre de pérenniser les sanctions actuelles sur ces avoirs, jusqu’à « la fin de l’agression russe » en Ukraine, et éviter ainsi l’épée de Damoclès hongroise, a-t-on expliqué de source diplomatique.
• Le recours aux avoirs russes discuté la semaine prochaine
Les ambassadeurs des 27 se sont mis d’accord sur une proposition, basée sur l’article 122 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui va permettre une « immobilisation des avoirs russes sur une base plus durable », a indiqué le Danemark. Ce pays assure actuellement la présidence semestrielle du Conseil de l’UE.
L’article 122 permet de prendre des mesures exceptionnelles en cas d’urgence. Il avait notamment été utilisé pendant l’épidémie de Covid pour permettre notamment l’achat de vaccins en Europe. Cette décision des ambassadeurs a été confirmée à l’issue d’une procédure écrite ce vendredi.
Cet obstacle levé, il reste encore à convaincre la Belgique, qui refuse toujours de donner son accord à ce recours aux avoirs russes, de peur d’être le seul pays à payer les pots cassés en cas de problème.
Les chefs d’Etat et de gouvernement des 27 vont en discuter la semaine lors d’un prochain sommet européen, qui s’annonce houleux face à l’extrême réticence du Premier ministre belge Bart De Wever. Faute de garanties très solides de la part des autres pays de l’UE, « je vais tout faire pour bloquer cette décision », avait-il affirmé à Bruxelles début décembre.
• Une décision qui va « accélérer la paix », selon Barrot
Il s’agit d’« une décision majeure » prise par l’UE, s’est félicité le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot. « Ce que nous voulons, c’est la sécurité pour l’Europe et les Européens, a-t-il assuré sur Franceinfo. C’est l’objectif de la décision que nous prenons aujourd’hui, qui est une décision majeure, qui va sans doute infléchir le cours de cette guerre et accélérer la paix. »
Selon lui, ces actifs seront immobilisés « jusqu’à ce que la Russie cesse sa guerre d’agression et verse des réparations à l’Europe ». Elle permettra d’éviter que « d’autres que les Européens » décident à la place des Européens « du sort de la destination de ces sommes », a également souligné le chef de la diplomatie française, en référence au fait que l’administration américaine de Donald Trump ait envisagé d’utiliser ces avoirs pour des investissements qui profiteraient aux entreprises américaines.
Cette immobilisation sans limite de temps permet d’envisager de nouvelles aides pour l’Ukraine, « y compris la constitution d’un paquet de financements qui est en train d’être discuté intensément à Bruxelles qui pourrait aboutir à la fin de la semaine prochaine à mettre l’Ukraine à l’abri de toute difficulté pendant au moins 2 ans, si toutefois la guerre devait se poursuivre », a également commenté Jean-Noël Barrot.
• La Banque Centrale russe saisit la justice
Une manière de mettre la pression ? La Banque centrale russe a déclaré ce vendredi saisir la justice à Moscou contre la société belge Euroclear, qui détient l’essentiel des avoirs gelés de la Russie, et qu’elle accuse d’« actions illégales ». « Les actions du dépositaire Euroclear ont causé un préjudice à la Banque de Russie en raison de l’impossibilité de gérer les liquidités et les titres » lui appartenant, a déclaré l’institution dans un communiqué.
Selon les médias publics russes, la plainte sera déposée ce vendredi, la somme revendiquée étant composée du montant des avoirs gelés et de l’indemnisation du manque à gagner. Moscou considère comme illégales les sanctions internationales à son encontre, notamment le gel de ses avoirs, et qualifie leur utilisation de vol.
Euroclear n’a pas souhaité réagir dans l’immédiat mais un porte-parole a déclaré que la société « se bat actuellement contre plus d’une centaine de recours juridiques en Russie ».

