Françoise et Véronique parcourent les routes rurales du Lot à bord de leur camion des Restos du Cœur, apportant à la fois denrées et réconfort aux familles et habitants isolés des campagnes.
Le moteur ronronne doucement dans la cour du centre de Cahors, un peu avant 8 h 30. Le grand camion blanc des Restos du Cœur, encore vide, attend les mains qui vont l’organiser, le remplir, et lui donner sa mission. Ce matin, Françoise et Véronique s’affairent déjà. Deux silhouettes tranquilles, efficaces, et bénévoles depuis des années. Pas de grand discours : juste des gestes rodés, des habitudes, et la conscience aiguë qu’à chaque tournée, des familles comptent sur elles.
“Mais dans les villages, on n’ose pas franchir la porte des Restos du Cœur”
Dans le hangar, des cageots débordent de légumes en vrac. Elles pèsent, trient, reconditionnent. “Les champignons, 250 grammes pour un point”, note Françoise en glissant des barquettes dans une caisse, (1 point équivaut à un sachet de 250 grammes de champignons, NDLR). Les températures montent vite dans le camion garé au soleil : les produits frais doivent être chargés le plus tard possible pour ne pas souffrir de la chaleur. Alors elles préparent tout ici, minutieusement, avant de repartir sur les routes.

À 10 heures, tous les quinze jours, Véronique et Françoise prennent la route pour Labastide-Marnhac. Un quart d’heure de virage, de bois et de petites fermes, jusqu’à ce village où, aujourd’hui encore, une seule famille viendra. Elles attendent jusqu’à 11 h passées, au cas où. Mais souvent, il n’y a qu’elles : une mère et sa fille. “Pourtant, il y aurait d’autres gens qui pourraient venir… mais dans les villages, on n’ose pas franchir la porte des Restos du Cœur”, souffle Véronique. Ici, la précarité est discrète, presque silencieuse.
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En début d’après-midi, à Concots. Le camion est déployé, le parasol baissé sur les tables chargées de légumes, pâtes, conserves, produits frais. Quelques accueillis patientent déjà. Pas de foule, mais une dizaine de personnes au total sur l’après-midi : des personnes seules, des mères isolées, des retraités modestes qui vivent dans des hameaux où aucun transport ne passe, loin des commerces, loin des aides.
Moins de dons, mais toujours plus d’accueillis
Marc arrive, l’air pressé. Il habite “les alentours” et vient ici depuis plus de quinze ans. Pour lui, les Restos du Cœur représentent “un repas par jour”. Il plaisante, reconnaît qu’il découvre parfois des légumes inconnus, blettes rouges, panais, puis repart avec deux sacs bien remplis. “Coluche, je l’ai adoré”, dit-il avant de saluer tout le monde.

Autour du camion, il y a aussi ceux qui travaillent un peu mais pas assez, ceux qui vivent avec un handicap, ceux qui jonglent avec les charges fixes qui grignotent tout. Beaucoup n’ont pas de voiture. Certains demandent à un voisin. D’autres marchent.
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À chaque passage, les points attribués déterminent ce que chacun peut prendre. Cette année, faute de dons, les quantités ont baissé. Les bénévoles doivent compter, ajuster, mais jamais refuser. “Même si souvent, on essaie quand même de faire plaisir, on ne peut pas ne pas aider quelqu’un”, glisse Véronique. Elles connaissent les préférences, les allergies, les fragilités, et aussi les anniversaires.
“Ici on est proches d’eux”
Entre deux distributions, elles discutent avec les habitués, échangent une plaisanterie, offrent un café, “que chacun se sert, faute d’être assez nombreux pour tenir l’accueil”, confie Véronique. Les gestes sont simples, mais la proximité est là. “Ici, on est proches des accueillis”, dit Françoise. “Ce n’est pas comme dans un centre. On suit les gens, on voit les difficultés, on voit aussi les progrès.”

En milieu d’après-midi, le stand se vide. Les caisses se sont creusées. Le camion reprendra bientôt la route vers Cahors. Demain, une autre tournée attend les deux bénévoles, dans un autre coin du département.

