Alors que Jean-Paul Mayanobe risque jusqu’à six ans de prison pour avoir écrasé un œuf sur la tête de Jordan Bardella, une vague de soutien s’organise autour de l’agriculteur retraité de 74 ans. Écrivains, citoyens et associations dénoncent une réponse judiciaire jugée disproportionnée et une affaire devenue hautement politique.
“J’ai été outré ! À 74 ans, Jean-Paul ne méritait pas ça !” Le romancier Olivier Gechter ne cache pas sa colère face aux poursuites engagées contre Jean-Paul Mayanobe, l’agriculteur retraité qui a écrasé un œuf sur la tête de Jordan Bardella le 29 novembre 2025 lors d’une séance de dédicaces à Moissac (Tarn-et-Garonne). Pour le soutenir, l’auteur de Baron noir et d’Évariste a lancé une cagnotte Leetchi.
Jean-Paul Mayanobe est en récidive : en mars 2022, toujours à Moissac, il avait déjà écrasé un œuf sur Éric Zemmour. Il avait alors expliqué vouloir attirer l’attention sur la cause des enfants autistes, un engagement personnel renforcé par le fait que son fils de 17 ans est atteint par cette maladie. Cette récidive fait aujourd’hui grimper la peine maximale encourue à six ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
“On parle d’un œuf de 60 g”
Pour Olivier Gechter, la réponse judiciaire est “totalement disproportionnée”. “On parle d’un œuf de 60 g, un geste potache sans danger. Il a été traité comme un terroriste : 48 heures de garde à vue”, dénonce l’écrivain, qui fustige surtout “l’instrumentalisation politique” de l’affaire. “CNews a parlé d’agression sans jamais préciser qu’il ne s’agissait que d’un œuf”, ajoute-t-il.
Le romancier décrit un “vieux monsieur qui a voulu rappeler un peu d’humilité” au président du Rassemblement national (RN). “Il ne l’a pas frappé avec une batte.”
“L’échelle des valeurs s’est inversée”
La cagnotte a depuis été relayée par d’autres personnalités, dont le journaliste Jérémy Le Bescont. Il témoigne avoir eu l’idée “en même temps” qu’Olivier Gechter et assure avoir sollicité avec le nouvelliste de science-fiction l’accord de l’avocate de Mayanobe, Me Rachel Lheureux.
“L’échelle des valeurs s’est inversée : on tombe sur un agriculteur retraité qui a travaillé toute sa vie alors que Bardella n’a jamais bossé de ses mains”, commente Jérémy, qui a publié une vidéo de soutien sur Instagram.
Localement, l’association culturelle Mediodia d’Aleph, dont le septuagénaire est membre, s’est également mobilisée. Avec son épouse Régine, Roland Terrancle, le président, appelle à faire grossir la cagnotte — 4 832 euros pour 270 donateurs à ce jour — afin de financer les frais de justice. “Il a voulu attirer l’attention sur le danger de la montée de l’extrême droite avec une “arme” symbolique : un œuf”, argumente Terrancle, qui juge “lourde” la peine encourue pour un “acte purement symbolique”, en attendant la décision du tribunal judiciaire de Montauban le 9 janvier 2026.
“Un geste symbolique qui fait partie de l’histoire de l’expression démocratique”
La Confédération paysanne de Tarn-et-Garonne, dont Mayanobe fut un adhérent, dénonce également une “surenchère verbale” de certains responsables politiques et médias.
“L’intention n’a jamais été violente, aucune blessure n’a été constatée. Ce type d’interpellation symbolique fait partie de l’histoire de l’expression démocratique”, rappellent Clément Goetghebeur, porte-parole, et Vincent Potier, secrétaire général du syndicat agricole dans un communiqué.
Selon eux, une “répression excessive” ne ferait “qu’envenimer le débat républicain”. Ils appellent à “une justice égale pour tous”.