Dans un Lot frappé de plein fouet par la pénurie médicale, les pharmacies deviennent des portes d’entrée vers un médecin grâce aux téléconsultations. Une solution indispensable pour les entreprises qui les déploient, mais les pharmaciens s’interrogent sur l’efficacité de ces dispositifs.
Au comptoir de la pharmacie Lafayette à Cahors, Nicolas, un jeune étudiant n’a pas hésité devant la borne de téléconsultation pour soigner ses maux de ventre. Sans médecin traitant il évoque “une facilité pour moi qui vient d’arriver dans le Lot, je peux me soigner rapidement”. Pour un représentant du syndicat FSPF de pharmaciens lotois, “Le mieux, c’est de voir un vrai médecin. La téléconsultation, pour nous, ça reste du dépannage”, prévient-il. Dans un département où l’on ne compte que 153 médecins généralistes pour environ 170 000 habitants, l’accès aux soins est devenu un casse-tête. Et les pharmacies, malgré elles, se retrouvent en première ligne.
Dans la pharmacie Lafayette, le service de téléconsultation a été installé il y a un an. Pour David Lewi le titulaire de l’officine depuis 10 ans “c’est un moyen de rendre service à des patients qui ne peuvent pas prendre rendez-vous avec leur médecin habituel, par faute de temps ou de rendez-vous”. L’établissement comptait environ 5 consultations par semaine en octobre 2024, contre une vingtaine par semaine aujourd’hui.

L’Agence régionale de santé recense près de 12 000 actes de téléconsultation dans le Lot l’an dernier. Une activité qui augmente depuis le covid, mais reste peu élevée : 2 % de l’ensemble des consultations, contre 3,9 % en Occitanie et 4,5 % en France. Particularité locale : 7 % sont assurées par des centres hospitaliers.
“Rien ne vaut l’humain”
Pour le représentant syndical, l’usage est clair, “Certaines pathologies comme la cystite ou l’angine, on peut les prendre en charge. Mais pour le reste… rien ne vaut l’humain, et un docteur qui vous ausculte. Et puis c’est trop cher : une cabine, c’est autour de 100 euros par mois pour une officine, il faut rentabiliser.”
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C’est précisément ce que contestent les entreprises spécialisées, comme Tessan, qui équipe des pharmacies en cabines ultra-connectées. Antoine Ducrocq, son directeur marketing, assume le modèle, “Dans des territoires sous-dotés comme le Lot, nos dispositifs répondent à une demande réelle. Ils offrent un accès rapide à un généraliste sans rendez-vous et même à des spécialistes sous sept jours.” Tessan a implanté deux dispositifs récents dans le département, à Aynac en 2024 et Prayssac en 2025, pour répondre à un besoin qu’il juge “massif”, en effet 6 millions de Français n’ont pas de médecin traitant et 87 % du territoire est classé en désert médical.
“Ces machines sauvent des vies”
Au cœur de ces bornes : stéthoscope, tensiomètre, thermomètre connectés. “Cela permet de se rapprocher des conditions d’un cabinet”, assure Antoine Ducrocq. Et il balaie l’idée d’un outil réservé à la bobologie : “Nous avons eu des cas où la cabine a permis de détecter un mélanome ou une maladie rare. Parfois, ces machines sauvent des vies.”

Dans sa pharmacie de Saint-Géry, Olivier, conseiller ordinal du Lot et membre du bureau de l’Ordre des pharmaciens d’Occitanie, n’est pas convaincu. Sans médecin dans son village depuis deux ans, il a longuement envisagé une cabine… avant d’y renoncer. “J’ai réussi à répondre aux demandes croissantes cet été, avec les centres de santé de Cahors ou je renvoyais les gens vers l’application Qare pour des rendez-vous en visio. Et puis une cabine, c’est un abonnement : certains confrères sont tentés de la surutiliser pour rentabiliser.” Il constate néanmoins une hausse des demandes, surtout l’été, période touristique, “Les jeunes adultes ont déjà le réflexe de la visio. Mais pour les personnes âgées, ce n’est pas adapté.” L’année dernière 16 % des médecins libéraux ont pratiqué la téléconsultation, c’est 30 % à l’échelle régionale.

