L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal chez lui à Boumerdes, à 50 km d’Alger, le 17 août 2015. FAROUK BATICHE / AFP
Ecrivain dissident admirateur de Camus et Orwell, polémiste révéré par les droites françaises, le romancier Boualem Sansal, a été gracié ce mercredi 12 novembre après un an en détention dans son pays natal. Au cœur d’une grave crise diplomatique entre Paris et Alger, Boualem Sansal va être transféré en Allemagne pour recevoir des soins.
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La grâce de l’écrivain Boualem Sansal met fin « à l’arbitraire de son incarcération » en Algérie et « donne sens » au combat pour la liberté d’expression, a estimé son comité de soutien dans un communiqué publié sur le réseau social X. « La nouvelle de sa libération […] met fin à l’arbitraire de son incarcération et fait naître l’espoir qu’il pourra recouvrer la santé », affirme ce comité.
Plusieurs politiques ont immédiatement salué sa libération, à commencer par le président français. « Je prends acte de ce geste d’humanité du président [algérien] Tebboune et l’en remercie. Je reste évidemment disponible pour échanger avec lui sur l’ensemble des sujets d’intérêt pour nos deux pays », a affirmé Emmanuel Macron lors d’un déplacement à Toulouse. Il a également assuré s’être entretenu au téléphone avec le chef de l’Etat allemand Frank-Walter Steinmeier « pour lui exprimer ma profonde gratitude pour les bons offices de l’Allemagne », qui a demandé et obtenu la grâce de Boualem Sansal.
« Notre souci a toujours été d’être efficace pour permettre la libération de monsieur Sansal », a-t-il dit en ajoutant penser « aussi à notre compatriote Christophe Gleizes », un journaliste français toujours détenu en Algérie.
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Un peu plus tôt, le Premier ministre Sébastien Lecornu avait exprimé devant les députés son « soulagement à l’annonce des autorités algériennes, d’avoir gracié Boualem Sansal », souhaitant que l’écrivain « puisse rejoindre ses proches au plus vite » et « être soigné ».
Le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a quant à lui fait part de son « immense soulagement » après la libération de l’écrivain. « C’est une nouvelle que j’accueille avec un immense soulagement et avec la satisfaction qu’une issue diplomatique et humanitaire ait pu être trouvée au regard de son âge et de son état de santé », a-t-il affirmé à l’AFP depuis le Canada en marge d’une réunion du G7.
« Nous restons évidemment très attentifs à la situation de notre compatriote Christophe Gleizes, dont nous espérons la libération prochaine », a-t-il ajouté.
« Une immense joie pour ses lecteurs »
Dans l’écosystème littéraire, la nouvelle de la libération de Sansal a été accueillie avec joie. L’écrivain franco-algérien Kamel Daoud, prix Goncourt 2024, a formé le vœu sur X que la grâce présidentielle accordée à son confrère permette à son tour à « l’Algérie de se libérer et réaliser les rêves de ses héros, de ses enfants ». « Nos ancêtres ne sont pas morts pour que nous les pleurions sans fin, mais pour nous voir vivre, rire. La pire des prisons, c’est celle que l’on s’impose à soi-même », a poursuivi l’auteur, lauréat du Goncourt en 2024 pour « Houris », évocation de la décennie noire de la guerre civile en Algérie (1992-2002).
La libération Boualem Sansal est « une immense joie pour ses lecteurs, ses éditeurs et ses amis du monde entier », a déclaré Antoine Gallimard, président de la maison d’édition du même nom qui publie l’écrivain franco-algérien. « En ce jour heureux, nos pensées les plus amicales s’adressent à Boualem Sansal, à son épouse Naziha, à sa famille et à ses proches ; ainsi qu’à tous les écrivains et journalistes aujourd’hui emprisonnés », a réagi Antoine Gallimard dans un message transmis à l’AFP.
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Dans un communiqué, l’Académie Goncourt s’est elle aussi réjouie. « Il pourra de nouveau écrire sans contrainte, il pourra de nouveau parler et nous pourrons de nouveau le lire, l’entendre et le serrer dans nos bras », écrit l’Académie, qui décerne le plus prestigieux des prix littéraires français.
Début novembre à Paris, lors de la cérémonie de remise du dernier Goncourt, attribué à Laurent Mauvignier pour « la Maison vide », les dix membres du jury arboraient un badge « Je suis Boualem Sansal ».
Un premier pas pour Christophe Gleizes, espère RSF
L’ONG de défense de la presse Reporters sans Frontières (RSF) a également salué la libération de l’écrivain tout en espérant qu’elle sera suivie de celle du journaliste français Christophe Gleizes, qui doit être rejugé dans ce pays début décembre.
« La libération de [Boualem] Sansal est un geste d’humanité qui amorce un apaisement des relations franco-algériennes. Nous espérons que Christophe Gleizes, condamné à sept années de prison pour avoir fait son travail de journaliste, pourra retrouver les siens à l’issue de son procès en appel le 3 décembre prochain », a réagi Thibaut Bruttin, directeur général de RSF, dans un communiqué.
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Collaborateur des magazines « So Foot » et « Society », Christophe Gleizes, 36 ans, a été condamné fin juin en première instance à sept ans de prison ferme en Algérie, notamment pour « apologie du terrorisme ».
L’ONG « Reporters sans Frontières remercie toutes les volontés qui se sont manifestées pour appeler à la libération de Christophe Gleizes et reste mobilisée avec sa famille jusqu’à sa libération », a conclu le dirigeant de RSF.

