Le Prix Goncourt vient de récompenser le puissant “La Maison vide”. Mais avant la consécration, avant Paris et Rennes, où il a désormais posé ses valises, il y eut Toulouse : la ville où Laurent Mauvignier a marché, douté, écrit — bref, où il est devenu l’écrivain que l’on célèbre aujourd’hui. Flash-back en rose.
Avant que le Goncourt ne le couronne pour “La Maison vide”, Laurent Mauvignier a longtemps vécu à Toulouse. C’est là, au début des années 2000, que l’auteur d’”Apprendre à finir” ou de “Des hommes” a trouvé son pas d’écrivain : une écriture du souffle et du silence, nourrie par la marche, la ville et les visages croisés au hasard des rues.
Toulouse, “ville dure”
“Toulouse est une ville dure, organisée autour du Capitole, pas une ville de contemplation”, déclarait-il il y a quelques années à Télérama. Mauvignier précisait encore : “Mon problème à Toulouse, c’est que tout tourne autour du Capitole… marcher deux heures sans passer par le même endroit, je ne peux pas.” Ce cercle sans issue, presque obsessionnel, a façonné son rapport au monde : une tension constante entre l’enfermement et la fuite, la répétition et le mouvement.
S’il s’installe à Toulouse, c’est d’abord pour suivre sa compagne d’alors : “On est venus parce que ma femme, libraire, a trouvé du travail ici”, confiait-il dans le même entretien. Aliénor Mauvignier rejoint alors la librairie Ombres Blanches, lieu emblématique de la vie culturelle toulousaine. L’auteur y est un habitué discret : il participe à des lectures, des rencontres, et se mêle sans tapage au petit monde du livre local. La librairie de la rue Magenta envoyait d’ailleurs ce mardi soir à ses abonnés Facebook un hommage appuyé au néolauréat du Goncourt : “A Ombres Blanches, le Mauvignérisme est un culte ancien et majoritaire dont les premières traces remontent à la toute fin du XXe siècle, mais vous le savez déjà… Et vous comprenez pourquoi nous ne pouvons pas résister à l’envie de célébrer avec vous la bonne nouvelle du jour !”
Sur la cité toulousaine, Mauvignier gardait un regard lucide. “Toulouse n’est pas faite pour la pluie… Le côté mélancolique de la pluie va bien à Paris, mais à Toulouse, ça ne vaut pas l’effort, ironisait-il aussi dans La Dépêche du Midi. On parle souvent de la Ville rose, mais c’est surtout une ville orange.” Des phrases à la fois légères et révélatrices d’un lien ambivalent : entre attachement et distance, chaleur et résistance.
Un apprentissage du réel
De ces années, Mauvignier garde l’essentiel : un rapport physique à l’écriture. “C’est un lieu où il m’est possible d’écrire parce que la ville reste en retrait, derrière mon épaule”, déclarait-il encore. Toulouse, ses boulevards circulaires, ses façades en brique et sa rudesse contenue auront servi d’école du réel : un décor sans pittoresque, qui lui a appris à regarder et à écrire contre le bruit.
Avant le Goncourt, il y eut donc cela : une décennie toulousaine faite de marches, de librairies et de phrases patiemment ciselées – dans une ville “dure”, mais féconde, où l’écrivain s’est forgé loin des projecteurs.

