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Le Nouvel Obs avec AFP
Rob Jette, à Utrecht, le 30 octobre 2025. ROBIN UTRECHT / ANP VIA AFP
Le dirigeant centriste néerlandais Rob Jetten a revendiqué ce vendredi 31 octobre la victoire dans une élection serrée face à l’extrême droite, affirmant que son succès surprise montrait que les mouvements populistes pouvaient être vaincus en Europe.
A 38 ans, le chef du parti D66 au visage juvénile est en passe de devenir le plus jeune Premier ministre, et le premier ouvertement homosexuel, de la cinquième économie de l’Union européenne.
Les élections législatives étaient suivies de près en Europe car elles devaient permettre d’évaluer l’ampleur de la poussée de l’extrême droite partout dans le continent, notamment au Royaume-Uni, en France et en Allemagne. Au Pays-Bas, l’extrême droite est en repli.
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Rob Jetten estime que son message positif et optimiste a convaincu l’électorat néerlandais et lui avait permis de remporter la victoire face au leader d’extrême droite néerlandais Geert WildersGeert Wilders, connu pour ses positions anti-islam et anti-immigration. « Je pense que nous avons désormais démontré au reste de l’Europe et au monde entier qu’il est possible de battre les mouvements populistes en menant campagne sur un message positif pour son pays », a déclaré Rob Jetten à l’AFP.
L’agence de presse néerlandaise ANP, chargée de compiler et de diffuser les résultats du vote, a annoncé plus tôt vendredi la victoire du D66, estimant que l’extrême droite ne pouvait plus combler son retard. Les résultats de la dernière circonscription du pays sont tombés vendredi soir. Il ne reste donc plus que les votes par correspondance des Néerlandais résidant à l’étranger à dépouiller. Le décompte de ces bulletins a déjà commencé, mais les résultats ne seront pas annoncés avant lundi soir au plus tôt.
Rob Jetten devance à ce stade Geert Wilders d’une très courte avance de 14 081 voix. Or, les expatriés néerlandais ont traditionnellement tendance à voter pour des partis plutôt du centre ou de la gauche. Lors des dernières élections législatives, en 2023, le D66 avait devancé le Parti pour la Liberté (PVV) de Wilders de près de 3 000 votes par correspondance, alors qu’il avait obtenu un score bien moindre au niveau national.
Wilders publie des accusations d’irrégularités non étayées
Les résultats ne seront officiels que lorsque le Conseil électoral les proclamera vendredi prochain, mais Rob Jetten a déclaré qu’il n’y avait pas de temps à perdre. « Nous ne voulons pas perdre de temps inutilement, car les Néerlandais nous demandent de nous mettre au travail », a-t-il déclaré.
Mais son rival d’extrême droite lui a reproché de mettre la charrue avant les boeufs. « C’est le Conseil électoral qui décide, pas l’ANP. Quelle arrogance de ne pas attendre ! », a déclaré Geert Wilders sur X. « Mais même si D66 devient le premier parti, le PVV ne laissera pas Jetten et ses semblables démanteler les Pays-Bas et s’opposera de toutes ses forces, dès le premier jour, à sa mauvaise gestion de gauche », a-t-il ajouté.
Après la revendication de la victoire par Rob Jetten, le leader d’extrême droite a également publié allégations non étayées d’irrégularités. Sur X, il a publié une capture d’écran d’un message affirmant que plus d’une centaine de votes n’avaient pas été comptabilisés à Maastricht (sud-est), et suggérant que cela avait également pu se passer dans d’autres communes. Il a aussi publié une autre capture d’écran d’un message affirmant que 15 urnes contenant des bulletins de vote ont disparu à Zaanstad, près d’Amsterdam. L’AFP n’a pas pu authentifier ces captures d’écran ni vérifier ces affirmations.
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« Il y a une avalanche de messages de ce genre venant de tout le pays. Je ne sais pas si tout cela est vrai, mais ça serait bien que l’on mène une enquête », a déclaré Geert Wilders. Il a également publié une capture d’écran d’un message affirmant que le patron de la société HackDefense, engagée pour tester le logiciel qui permet le décompte officiel du vote, était membre du parti D66 de Rob Jetten. « Ce message est-il correct ? », a questionné Geert Wilders sur X.
La société HackDefense a bien testé le logiciel en 2021 et 2023, selon le site internet du Conseil électoral (Kiesraad), l’organe officiel chargé des élections, mais ce dernier a fait appel à une autre société pour les élections européennes de 2024 et les élections législatives tenues mercredi. « Pour chaque élection régulière, le Conseil électoral commande une analyse de sécurité du logiciel d’aide au dépouillement (OSV2020) », précise-t-il sur son site internet. « Ce logiciel a été analysé par Fox-IT en 2024. Fox-IT n’a décelé aucune vulnérabilité majeure », a souligné le Conseil électoral.
Interrogations sur la coalition
Commence maintenant le processus complexe de formation d’une coalition pour forger un gouvernement, avec une majorité d’au moins 76 sièges sur les 150 que compte le Parlement néerlandais. Les disucssions pourraient durer des mois. La voie privilégiée pour y parvenir semble être une coalition avec le CDA (centre-droit, 18 sièges), le VVD (libéral, 22 sièges), l’alliance de gauche Verts/Travaillistes (20 sièges).
Le parti D66 de Rob Jetten compte a priori 26 sièges, mais ce nombre pourrait passer à 27 une fois tous les votes comptabilisés, ouvrant potentiellement de nouvelles possibilités de coalition.
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« Je pense que les électeurs ont clairement exprimé, par ce résultat électoral, leur souhait d’une collaboration au centre », a déclaré Rob Jetten. Cependant, des interrogations subsistent quant à la capacité du VVD et des Verts/Travaillistes à travailler ensemble. Lors de la campagne, la dirigeante du VVD, Dilan Yesilgoz, a déclaré qu’une alliance avec les Verts/Travaillistes « ne fonctionnerait pas » et qu’elle souhaitait une coalition de centre-droit.
Lundi, les Verts/Travaillistes éliront un nouveau chef suite à la démission de l’ancien vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans. Les relations entre Dilan Yesilgoz et Frans Timmermans sont notoirement tendues. L’arrivée d’un nouveau chef Verts/Travaillistes pourrait donc faciliter un rapprochement.
Bien que le soutien à Geert Wilders se soit effrité, d’autres partis d’extrême droite ont réalisé de bons scores. Le Forum pour la Démocratie (FvD), parti nationaliste partisan d’une sortie de l’espace Schengen, disposera de sept députés, contre trois actuellement. Geert Wilders a exclu toute collaboration avec ce parti, le jugeant trop extrémiste. Le parti de droite radicale JA21, qui se décrit comme un « parti libéral conservateur pro-Pays-Bas », est passé d’un à neuf sièges.

