L’exploration du patrimoine souterrain de Moissac (Tarn-et-Garonne) propose une visite inédite dans les aqueducs de la ville. Les 80 mètres d’un boyau étroit demandent un effort physique aux participants. L’enjeu se précise pour les « Indiana Jones » d’un jour.
Équipés de chaussures de randonnée, d’une tenue imperméable et d’un casque, quatre visiteurs s’apprêtent à s’enfoncer dans un lieu secret de la cité uvale, près du jardin du séminaire : le réseau d’aqueducs souterrains qui alimente les fontaines de l’abbaye de Moissac.
Derrière la médiathèque, le long de la ligne de chemin de fer, se trouve une galerie aussi fascinante qu’éprouvante. Pour explorer ce lieu étroit et humide, il faut s’en remettre à Loïc Lepreux, responsable du service patrimoine de la ville et guide pour cette visite insolite baptisée « fontaines et aqueducs ». « Ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer », rassure-t-il.
À lire aussi :
Moissac : l’orgue de l’abbatiale Saint-Pierre retrouve sa splendeur grâce à l’aide de deux artisans
« C’est impressionnant »
Après quelques consignes de sécurité, le groupe descend une échelle pour arriver dans un petit boyau souterrain. Ici, pas de lumière, il faut donc s’éclairer avec une lampe torche. Rapidement, le passage se réduit à mesure que les quatre visiteurs progressent dans la galerie.

Et les premiers commentaires se font entendre, par-dessus le bruit de l’eau qui coule : « Whouah, c’est impressionnant. Cela ressemble un peu aux catacombes de Paris », commente l’un d’entre eux à bout de souffle. Car, oui, la visite est quelque peu physique. Il faut se faufiler pendant 80 mètres, dans parfois une bonne quinzaine de centimètres d’eau. Mais, surtout, le casque se révèle d’une grande utilité, car il faut sans cesse se baisser pour arriver en direction d’une impressionnante cuve de plusieurs mètres de profondeur. Le tout, en restant vigilant à chaque pas.
Dans un petit moment de répit, deux touristes originaires de Toulouse s’émerveillent de cette visite : « C’est original. Nous étions (jeudi 23 octobre 2025, NDLR) au cloître et cela n’a rien à voir. C’est bien, cela sort de l’ordinaire. »

Sur le chemin du retour, les visiteurs produisent leurs derniers efforts pour « retrouver la lumière », ce qui est un soulagement pour certains : « C’est un peu physique quand même. J’avais l’impression d’être Indiana Jones. » Un commentaire qui fait sourire Loïc Lepreux, grand habitué de ces expéditions : « Un Indiana Jones à la recherche de la galerie de Saint-Michel. » Fou rire garanti dans l’audience.
Des études hydrologiques prochainement ?
En juillet dernier, le conseil municipal de Moissac a voté une délibération cruciale pour la restauration du cloître et de l’abbatiale, joyau de l’art roman classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Ce chantier titanesque s’étendra, selon les prévisions, jusqu’en 2039, a précisé le maire, Romain Lopez, au moment du vote. Les premiers coups de pelle sont attendus au premier semestre 2026. Pendant plus d’une décennie, l’abbaye vivra au rythme des travaux, divisés en trois phases : le clocher, la restauration du portail et l’intérieur du cloître, cette dernière phase incluant « la restauration des chapiteaux, des colonnettes et des sols », précisait l’édile, qui ajoutait qu’il s’agissait de « la phase la plus complexe techniquement ».
Pourtant, lors d’une récente visite insolite axée sur les « fontaines et aqueducs » (ce jeudi 23 octobre 2025), Loïc Lepreux, responsable du service patrimoine, a pu donner une idée de l’urgence en mentionnant le « dessalement de 30 chapiteaux (sur les 76 que compte l’abbaye) et la consolidation de la charpente ». De quoi interpeller les touristes du jour sur l’ampleur du chantier prévu. Le responsable a ensuite précisé, dans les couloirs de l’un des plus beaux ensembles architecturaux français avec ses sculptures romanes : « Il y a toujours eu des failles dans le cloître. Et contrairement à ce qu’on pense, il y a eu peu de fouilles. » Avant d’ajouter : « Le sol est bancable à cause de l’eau. Je sais que nous allons mener des études hydrologiques (analyse de la distribution, la circulation et la qualité des eaux souterraines) ces prochains mois. » Et de reprendre la suite de la visite.
Sur les traces de l’archéologue Armand Viré
Avant de se lancer dans cette « expédition », Loïc Lepreux a expliqué l’histoire et « l’enjeu de l’eau pour le cloître », un réseau qui regorge encore de mystères. « Il y a toujours eu un point d’eau, explique-t-il. Les moines en avaient besoin pour boire, mais surtout pour se purifier. »
À lire aussi :
Cloître de Moissac : un chantier titanesque jusqu’en 2039 pour préserver un site classé au patrimoine mondial de l’Unesco
Il a ensuite évoqué l’histoire de l’archéologue Armand-Viré qui, dans les années 1930, fut le premier « Indiana Jones » à avoir remonté les traces des aqueducs souterrains de la ville. Cette histoire offre un symbole puissant pour une visite qui sort littéralement des sentiers battus.

