October 16, 2025

"Celui qui a surenchéri, honte à lui" : Lucas a payé le prix fort pour sauver la ferme de ses grands-parents

l’essentiel
Lucas Wafflart, jeune agriculteur de Mauvezin-sur-Gupie, a réussi à sauver la ferme de ses grands-parents, qui a été mise aux enchères. Il devra cependant verser une somme de plus de 121 000 euros.

C’est la conclusion d’un feuilleton judiciaire qui a ému la France entière. Celui d’un jeune homme, petit-fils de fermier, dont le rêve était de devenir agriculteur et qui s’est battu jusqu’au bout pour sauver l’exploitation de son grand-père à Mauvezin-sur-Gupie, concernée par une vente aux enchères.

Jeudi 16 octobre, un peu après 15 heures, le jeune homme est sorti de l’annexe du tribunal judiciaire d’Agen « soulagé, mais en colère ». « Le plus important, c’est que mes grands-parents n’aient pas été mis dehors », ajoute ce dernier.

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Représenté par Me Philippe Bossut, il venait de racheter aux enchères la ferme de ses grands-parents au prix de 115 000 euros. Avec les autres frais, il devra débourser plus de 121 460 euros. Car en face de lui, il y avait un autre acquéreur, représenté par Me Jessica Touge, qui a fait monter les enchères.

De 11 049 à 115 000 euros

L’avocate, qui n’a pas traîné dans la salle d’audience à l’issue de la vente aux enchères, n’a pas voulu donner plus de détails concernant son identité. Il se murmurait parmi le comité de soutien, composé d’une trentaine de personnes, qu’il s’agissait également d’un agriculteur. Ou que c’était une manœuvre des créanciers pour récupérer un peu de l’argent emprunté par les grands-parents de Lucas. « La personne qui a enchéri n’a pas de cœur », confiera Lucas Wafflart devant les journalistes à la sortie de l’audience. « Je suis content d’avoir tenu ma promesse, mais je suis aussi furieux, ajoute le jeune homme. Il y a des gens qui préfèrent compliquer la vie des jeunes motivés et prêts à travailler. Ils nous mettent des bâtons dans les roues, et après, ils disent que les jeunes ne veulent pas travailler. Mais si on nous empêche de le faire, comment voulez-vous qu’on y arrive ? »

Lucas Wafflart et ses parents à la sortie de la vente aux enchères.
Lucas Wafflart et ses parents à la sortie de la vente aux enchères.
DDM – VALENTIN VIE

Placée en redressement judiciaire en 2007, puis en liquidation judiciaire en 2016 pour un endettement d’environ 100 000 euros, l’exploitation agricole avait fait l’objet d’une première vente aux enchères le jeudi 19 juin. Mise à prix de 140 000 euros à l’ouverture des enchères, elle était tombée à 10 045 euros. La ferme avait été rachetée à ce prix par la société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) de Nouvelle-Aquitaine, missionnée par la chambre d’agriculture du Lot-et-Garonne. Car le lundi 30 juin, un particulier avait surenchéri sur l’offre du jeune homme. Ce dernier avait dix jours pour faire une surenchère et il a attendu le dernier jour pour formuler, via son avocat, une offre à 11 049 euros, soit 10 % de plus que celle de Lucas. La première vente avait donc été annulée et la seconde a été programmée quatre mois plus tard.

“Celui qui a surenchéri n’a pas de scrupule”

La Safer de Nouvelle-Aquitaine n’ayant pas suivi Lucas Wafflart lors de la deuxième vente, c’est l’association Plan rouge agricole qui a pris le relais. Elle a acquis la ferme du papi de Lucas grâce aux fonds de la cagnotte en ligne ouverte par le jeune agriculteur, qui a recueilli plus de 133 000 euros. Lucas Wafflart a pu garder la propriété de ses grands-parents dans le giron familial et éviter leur expulsion du logement qu’ils occupent depuis quatre décennies.

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Pendant toute l’audience, Lucas, soutenu par ses parents et des membres de la Coordination rurale du Lot-et-Garonne (CR 47), avait la tête dans les mains. Jusqu’à la libération quand l’avocate n’a pas augmenté la mise. Sa mère, qui a grandi dans la ferme, avait les larmes aux yeux.

« Bien évidemment que j’ai eu peur. Vous vous imaginez dire à mes grands-parents qui vivent depuis 45 ans dans leur maison qu’ils vont être expulsés ?, assène Lucas Wafflart. Quand l’avocat ne faisait que monter les enchères, j’étais tellement stressé. Ce matin, je me souviens d’avoir dit à mes grands-parents que je me battrai jusqu’au bout. Je leur avais promis de tout faire pour qu’ils ne soient pas expulsés de chez eux. Maintenant, je suis heureux, car grâce à cette aide, ils pourront finir leurs jours dans leur maison, là où ils se sont battu toute leur vie pour faire tourner la ferme. »

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Lucas Wafflart et ses parents ont quitté le tribunal, bras dessus bras dessous, heureux d’avoir assuré un toit aux grands-parents. Quant à la reprise de l’activité agricole, elle s’annonce difficile pour le jeune paysan, dont les moyens pour démarrer sont limités.
“Je suis écœuré que la personne soit allée jusqu’à 115 000 euros. Certains sont prêts à briser des familles, à expulser des gens de chez eux, à accabler des agriculteurs, a tancé José Perez, président de la CR 47. Lucas aurait pu avoir la ferme à un prix tout à fait correct. Il aurait pu commencer dans la vie active dans de bonnes conditions. Aujourd’hui, il part avec une charge de 115 000 euros. C’est énorme quand on est jeune. On aurait pu faire ça autrement s’il n’y avait eu personne. Ils ne se rendent pas compte du mal qu’ils font. Celui qui a surenchéri n’a pas de scrupule. Honte à lui.”

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