Si le Premier ministre échappe à la censure ce jeudi matin, il devra se lancer dans une longue et difficile discussion budgétaire. Son avenir se joue à quelques voix. S’il tombe, le président de la République a assuré qu’il procéderait à une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale.
Après avoir réussi à agencer le gros de la structure, à arrimer les principaux blocs les uns avec les autres, restent quelques boulons à serrer pour s’assurer de la solidité de l’ensemble. Et ça n’est jamais un détail, surtout sur un chantier complexe. C’est le travail auquel se sont attelés hier, Boris Vallaud et Laurent Wauquiez.
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Mardi, en annonçant la suspension de la réforme des retraites Sébastien Lecornu a réussi à obtenir le soutien des trois familles politiques qui lui manquaient pour ne pas être censuré. Les groupes du centre lui étaient acquis et Liot, les LR et le PS ne devraient pas lui faire défaut. C’est ce qu’ont annoncé leurs présidents mardi à la tribune de l’Assemblée Nationale. Mais ces déclarations d’intention n’ont rien d’une assurance tous risques. L’un des blocs, Liot, est hétéroclite et vote rarement comme un seul homme, quant aux deux autres, PS et LR, ils sont traversés par de profonds courants contraires, portant les uns toujours plus à gauche, alors que la tentation d’un rapprochement avec le RN agite les autres.
Resserrer les boulons
Or la non-censure du Premier ministre tient à quelques voix. 25 exactement. La marge d’erreur est faible. Elle ne peut excéder 4,33 %. D’où la nécessité pour les présidents de groupe de serrer les boulons. L’un et l’autre ont passé leur journée au téléphone afin de s’assurer de la fiabilité de leurs troupes. Chez les LR, nos sources nous assuraient que l’essentiel du groupe soutiendrait Sébastien Lecornu. Chez Liot, seul un ou deux députés pourraient faire défaut. Idem au PS. Le député Paul Christophe qui écrivait mardi soir sur X : « Le compte n’y est pas. Jeudi, je censure », ne devrait pas être massivement suivi. « L’immense majorité des députés du groupe mesurent les gains obtenus tout en sachant qu’il y a encore beaucoup à faire. Mais il serait ingrat et inopportun de ne pas engranger des avancées lorsque nous les gagnons à la faveur d’une stratégie collective et aux bénéfices des habitants de nos circonscriptions », expliquait à La Dépêche Sacha Houlié, ex-macroniste passé chez Place Publique.
Un autre membre du groupe PS nous le confirmait avec ses mots : « au final je pense que le nombre de députés qui voteront la censure sera faible. En tout cas moins que les 8 qui en janvier dernier avaient voté la censure de Bayrou ». La direction du groupe, elle, était moins confiante et Boris Vallaud a passé la journée à discuter avec les uns et les autres afin de tester leur fiabilité. Laurent Wauquiez et Boris Vallaud, tout comme Olivier Faure, doivent, en effet, montrer qu’ils tiennent leurs troupes et qu’ils peuvent donc être soit des alliés fiables soit de sérieux adversaires. D’où leur insistance à montrer, aujourd’hui, au moins une unité de façade. Il en va de leur pouvoir. Tous avaient donc un intérêt commun : sauver le soldat Lecornu.
Chaque voix compte
S’il apparaît presque certain que le Premier ministre ne tombera pas ce matin, il sera néanmoins intéressant d’observer le nombre de voix qui s’exprimera pour une censure. L’Élysée faisait encore cette semaine le pari que les députés craignaient plus que tout de nouvelles législatives. Le vote d’aujourd’hui aura donc valeur de test car il n’a rien d’un tir à blanc. Chaque vote compte. Un seul d’entre eux peut faire basculer le cours des choses et déclencher une censure, c’est ce qu’a annoncé le président de la République mardi. Si Sébastien Lecornu n’est sauvé qu’à quelques voix cela signifiera donc que les députés n’ont pas peur des urnes et sont prêts à remettre leur siège en jeu. L’Élysée aura alors perdu l’une de ses armes les plus précieuses : l’arme de la dissolution.