Ancien capo des Indians du TFC, Paul Cometto signe avec No Football Colors un projet hybride entre média et laboratoire créatif. Son ambition : raconter le foot par son esthétique, ses symboles et sa culture populaire.
Comment est née l’idée de No Football Colors ? Pourquoi avoir choisi ce nom ?
L’idée est née d’un constat simple : le football est un langage universel, mais on le regarde souvent sous un seul angle — celui du score. No Football Colors est né pour raconter le foot autrement, à travers son esthétique, ses symboles, ses rituels. Le nom vient d’une phrase qu’on voit parfois dans des pubs en Angleterre : “No Football Colours Allowed.”. C’est une règle simple : pas de maillots, pas d’écharpes, pas d’emblèmes de clubs. Pour éviter les tensions, les affrontements, les divisions. Dans ces lieux, on ne vient pas pour revendiquer une couleur. On vient pour partager. Ce panneau, c’est notre point de départ. Chez No Football Colors, on ne choisit pas un club. On choisit le design.
Vous avez été capo des Indians du TFC : qu’est-ce que ce rôle vous a appris sur la culture et l’esthétique des tribunes ?
Être capo, c’est vivre le football depuis le cœur battant du stade. J’y ai compris que les tribunes sont un espace de création : chants, banderoles, chorégraphies, typographies, symboles… tout y est designé. C’est une culture populaire extrêmement riche, souvent perçue uniquement à travers le prisme du bruit ou de la passion, alors qu’elle regorge d’inventivité et de codes visuels fascinants. Je m’occupe depuis plusieurs décennies des tifos du Virage Brice, forcément ces codes ont joué dans ma culture esthétique.
Vous voyez NOFC plutôt comme un média, un laboratoire créatif, une marque ou autre chose ?
C’est un peu tout ça à la fois. NOFC est un média (français et anglais) parce qu’on raconte des histoires ; un laboratoire parce qu’on expérimente visuellement ; une marque parce qu’on concevra des produits et objets qui prolongent cette vision. Toujours dans l’idée de parler à ceux qui aiment les codes du football, sans s’arrêter aux résultats du week-end !
Quand vous dites que vous “disséquez” logos, maillots et stades, concrètement, comment travaillez-vous ?
On part toujours d’un objet : un logo, une typographie, un maillot, un stade… puis on le déconstruit comme un designer ou un historien le ferait. On cherche à comprendre pourquoi il a cette forme, ce sens, cette aura — et ce qu’il raconte de la culture footballistique à un moment donné.
Pour quelqu’un qui n’est ni designer ni ultra, qu’est-ce qu’on découvre en vous suivant ?
On découvre que le football est aussi un patrimoine visuel, social et culturel. NOFC, c’est une porte d’entrée pour regarder le jeu autrement — même si on ne regarde pas les matchs. Des gens – non passionnés de football- s’intéressent désormais à cette culture sans pour autant avoir envie de suivre un match. Ça démontre toute sa richesse. On en voit d’ailleurs l’influence dans la mode.
Pouvez-vous donner un exemple parlant d’une histoire cachée derrière un maillot ou un stade ?
Le ballon du Mondial 1990, l’Etrusco Unico, est un objet culte pour nous. À première vue, c’est un simple ballon, mais son design est profondément symbolique : les motifs sont inspirés de l’art étrusque, une civilisation italienne antique. C’est fascinant, parce qu’il relie la modernité du football à une histoire millénaire. C’est exactement ce qu’on aime chez NOFC : quand le football dialogue avec la culture, l’art et le temps long.
Qu’est-ce qui vous fascine le plus dans les tribunes ?
Les tribunes inventent sans cesse des codes, des rituels, une esthétique propre. Et d’ailleurs, ils changent en fonction du club ou de la ville. SI on est attentif on peut apercevoir de véritables différences culturelles même ici en France, dans la manière de s’habiller, de chanter, de vivre le football. C’est de l’art populaire vivant.
Beaucoup les voient comme violentes ou folkloriques : quel autre visage voulez-vous montrer ?
Celui d’une culture qui pense, qui crée, qui s’exprime. Les tribunes sont un miroir de la société — parfois brutes, parfois poétiques, mais toujours sincères.
Pourquoi voulez-vous lancer aussi un magazine papier et quel sera son format ?
Le papier permet de ralentir. C’est un geste opposé au flux numérique. Le magazine sera un objet à garder : peu d’articles, mais beaucoup d’attention portée à la mise en page, à l’image et à la matière. Une extension physique de l’univers NOFC. C’est un objectif à moyen terme mais on compte bien y parvenir.
Est-ce que les clubs comprennent mieux qu’avant l’importance de l’identité visuelle et du patrimoine des supporters ?
Oui, mais souvent trop tard. Beaucoup redécouvrent leur patrimoine parce que les supporters l’ont préservé malgré eux. L’identité visuelle d’un club, c’est son ADN, ses récits, sa mythologie, sa communauté — pas un logo à refaire tous les cinq ans.