Après trois semaines d’un procès sous haute tension, Cédric Jubillar va enfin s’exprimer. Ce vendredi, face à la cour d’assises du Tarn, il n’aura plus le choix : il devra raconter, expliquer, ou continuer de s’enfermer dans son propre mystère.
Aujourd’hui, il ne pourra pas se taire. Depuis près de trois semaines, Cédric Jubillar assiste, impassible, à son propre procès. Les témoins défilent, les experts se succèdent, les regards scrutent le moindre de ses gestes. Mais ce vendredi 10 octobre, les rôles vont s’inverser. Ce ne sera plus à lui d’écouter, mais de répondre. Face à la cour d’assises du Tarn, l’homme accusé d’avoir fait disparaître son épouse Delphine devra, enfin, s’expliquer.

L’interrogatoire de Cédric Jubillar, c’est le cœur du procès. Le moment que tous attendent : les jurés, la famille de Delphine, le public, la presse. Celui où l’homme du silence va devoir affronter les zones d’ombre de son histoire : la nuit du 15 au 16 décembre 2020, la dispute évoquée par son fils Louis et le mystère de cette disparition qui tient en haleine tout un pays depuis maintenant près de cinq ans.
Après deux semaines où la défense a soulevé des failles dans les méthodes d’enquête, les derniers jours ont mis à mal l’accusé. Notamment les questions autour des lunettes, avec une expertise qui a souligné que les dommages étaient comparables à celle d’un coup de poing.
Interrogé à ce sujet par la présidente Hélène Ratinaud, Cédric Jubillar est resté indécis dans ses réponses, entraînant un certain agacement de la cour. “Les réponses qui nous sont faites sont très évasives, soufflait maître Laurent Boguet, avocat des enfants à l’issue de l’audience. Il ne peut pas expliquer comment elles ont terminé dans cet état.”
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Même son de cloche pour la voiture, qui, selon le voisin des Jubillar, aurait changé de sens dans la nuit. “C’est comme si ce n’était pas sa propre vie qui en dépendait, comme si ce n’était pas son propre cas, rajoute un autre avocat des parties civiles, maître Laurent de Caunes. Il connaît pourtant la situation, il sait quel est le risque qu’il encourt.”
Un comportement qui intrigue
Depuis l’ouverture du procès le 22 septembre dernier à Albi, Cédric Jubillar affiche un comportement qui intrigue autant qu’il questionne. À première vue, il apparaît maîtrisé, parfois presque désinvolte, mais son corps trahit une tension constante. Dès le premier jour, il confiait : “La disparition de ma femme me touche”, tout en avouant “ne pas aimer parler de ce qui le touche”.
On a pu noter des changements d’attitude au fil des journées : moments d’agitation où il se penche, les mains crispées sur le siège devant lui, alternant avec des phases où il reste imperturbable, bras croisés, enfoncé dans son box.
Au-delà des apparences, les gestes et micro-mouvements révèlent beaucoup. Selon Manon Viala, experte en langage corporel, Cédric Jubillar “est passif 60 % du temps, oscillant entre intérêt et méfiance”. Son visage peut rester impassible, tandis que ses mains se grattent, son nez se pince, et son pied bouge rapidement lors des questions sur Delphine, la vie de son couple ou certains messages échangés.
“On ne peut pas le condamner sur une personnalité”
Dans ce procès, son comportement est devenu un fil rouge. Lâché par Nadine Fabre, sa mère, lors de son témoignage mercredi, Cédric Jubillar est resté attentif mais fermé, fidèle à cette alternance entre contrôle apparent et nervosité latente. Même attitude, hier, devant ses ex-compagnes Séverine et Jennifer. “Je suis innocent, j’ai jamais fait de mal à Delphine. Je ne suis pas du tout coupable de ce dont on m’accuse”, a-t-il répété jeudi, à l’issue du témoignage de Jennifer qui aurait recueilli des confidences.
“On ne peut pas le condamner sur une personnalité, qui plus est décrite essentiellement par des personnes qui pleurent la disparition de Delphine et qui manifestement considèrent que c’est lui le coupable”, tonnent la défense, maîtres Alexandre Martin et Emmanuelle Franck.
Trois semaines donc à écouter son histoire se raconter sans lui. Trois semaines à voir défiler les visages, les souvenirs, les soupçons. Mais aujourd’hui, Cédric Jubillar va devoir affronter les questions des magistrats, des jurés et des avocats. Et peut-être, pour la première fois, se confronter à sa propre vérité.