À l’approche de ses 10 ans, le Carré Gambetta ne bat toujours pas au rythme du centre-ville. Faute de commerces durables et d’animation, ce lieu qui devait symboliser la renaissance de Castres est devenu le miroir d’un certain désenchantement urbain.
En avril 2016, le Carré Gambetta devait incarner la renaissance du centre-ville de Castres. Sur les ruines de l’ancien hôpital Gabarrou, le groupe Financière Duval avait imaginé un projet ambitieux : une opération mixte mêlant logements, bureaux et commerces, répartis sur une douzaine d’îlots modulables. Le tout dans un cadre piéton, moderne, censé redonner vie à un quartier déserté depuis le départ du centre hospitalier vers le Causse. Neuf ans plus tard, la place, impeccable mais silencieuse, résonne davantage du bruit des chaises qu’on range le soir que du brouhaha d’un lieu de vie.
“Vous enlevez le Carrefour, on est perdus !”
Les débuts laissaient pourtant espérer mieux. Carrefour Contact et l’hôtel B & B avaient ouvert la marche, vite rejoints par Carnet de Vol, Optic 2000, un magasin de macarons ou encore un tatoueur. Mais les enseignes se sont succédé sans jamais s’ancrer. Aujourd’hui, le décor est clair : sur les huit cellules donnant sur la rue Gambetta, seules cinq sont occupées. Les vitrines vides racontent à elles seules les promesses envolées. Ne subsistent qu’un restaurant (Arome), un bar (Orge et Houblon), un coiffeur-barbier et un promoteur immobilier. De l’autre côté, on retrouve le Carrefour Contact, la résidence Happy Senior et une salle de sport.

“C’est vide, il n’y a pas d’animation, on se sent délaissés”, confient Nabila et Steeve, gérants d’Arome. “Cette place est belle, entièrement piétonne, mais elle n’est pas exploitée. Sincèrement, vous enlevez le Carrefour, on est perdus !” Même constat du côté d’Orge et Houblon, le bar installé depuis quelques mois. Pauline, sa responsable, résume : “On perd forcément en visibilité. S’il y avait d’autres magasins, ça nous apporterait plus de monde.”
“Il manque une réelle volonté politique”
Premier à avoir cru au projet, Fabien Paslier, gérant du Carrefour Contact, a vu l’évolution de l’intérieur : “Entre ce qu’on imaginait au départ et la réalité d’aujourd’hui, on est loin de quelque chose de positif. Le cadre est joli, mais ce qui manque cruellement, ce sont des commerces qui restent et qui attirent.” Pour lui, le problème dépasse le Carré Gambetta. “C’est symptomatique de ce qui se passe en centre-ville. Il manque une réelle volonté politique et d’investissement. Tant qu’on n’aura pas de stratégie commune entre la mairie, le promoteur et les commerçants, rien ne changera.”

Le supermarché, la salle de sport et la résidence senior montrent pourtant qu’un public existe. “Les clients sont là, ils sont satisfaits. Ce qu’il faut, c’est une offre globale : des commerces, des services, peut-être même des bureaux ou des collectivités rapatriés ici. Plus il y aura de vie, plus cela attirera du monde.” Sur le terrain, les commerçants s’accrochent, mais l’isolement pèse. “Quand il y a des animations en ville, on se sent à part”, regrette Pauline. “Pour l’Escapade vénitienne, par exemple, les Masqués ne sont pas venus jusqu’ici. C’est dommage : cette place pourrait être un vrai lieu de spectacle.”
Le groupe Duval, sollicité, se montre lui fort satisfait : “Nous sommes fiers que le Carré Gambetta continue, près de dix ans après son lancement, à jouer un rôle structurant dans le centre-ville de Castres, en proposant une offre diversifiée répondant aux besoins des habitants et des acteurs économiques locaux.” Et de souligner la bonne santé du Carrefour et de la résidence sénior.
Alors que le Carré Gambetta s’approche de son dixième anniversaire, la question reste entière : comment faire vivre un projet né d’une belle idée mais jamais vraiment adopté ? Fabien Paslier garde malgré tout espoir : “Je ne suis pas contre la concurrence, au contraire. Plus on aura de monde, mieux ce sera. Il faut juste une volonté commune. Parfois, c’est ce qui manque…”