Après la démission du Premier ministre Sébastien Lecornu, Elisabeth Borne suggère une “suspension” de la réforme des retraites vivement contestée dans la rue en 2023. La Dépêche fait le point sur les nombreuses questions que pose cette proposition.
Et si la réforme des retraites était suspendue ? Cette étonnante proposition émane d’Elisabeth Borne, l’ex-Première ministre qui a fait passer le texte en force en 2023 malgré une opposition forte d’une partie des Français dans la rue. Cette proposition peut-elle vraiment être validée ? Quel serait son coût ? Ses conséquences ?
Qu’a proposé exactement Elisabeth Borne ?
Elisabeth Borne propose de “suspendre” la réforme des retraites jusqu’à la prochaine élection présidentielle. “Si c’est la condition de la stabilité du pays, on doit examiner les modalités et les conséquences concrètes d’une suspension jusqu’au débat qui devra se tenir lors de la prochaine élection présidentielle”, explique Elisabeth Borne dans Le Parisien. “Je pense qu’on ne doit pas faire de cette réforme des retraites un totem”, détaille l’ex-Première ministre. Elle ajoute que “dans le contexte actuel, pour avancer, il faut savoir écouter et bouger”.
Quelles seraient les conséquences pour les futurs retraités ?
La réforme des retraites, qui repousse l’âge légal de 62 à 64 ans, est entrée en vigueur le 1er septembre 2023. Elle fait reculer progressivement de 3 mois l’âge de départ à la retraite en fonction de la date de naissance pour passer à 43 ans de cotisation à partir de 2027. L’âge de départ s’établit à 64 ans pour les générations nées à partir de 1968.
Si la réforme des retraites était suspendue, cela reviendrait à fixer à 63 ans l’âge de départ. Pour les Français qui ont déjà reporté leur départ ces derniers mois, il n’y aurait pas de changement. Ils partent actuellement à 62 ans et trois trimestres. Le prochain décalage, qui va retarder l’âge de départ d’un trimestre, est prévu en septembre 2026.
Cette éventuelle suspension, si elle est actée, resterait en vigueur jusqu’à l’élection présidentielle de 2027. Le ou la candidate qui sera élu(e) devra alors décider quelle suite il met en œuvre pour les retraites : maintien à 63 ans, confirmation des 64 ans voire retour de la retraite à 60 ans.
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Combien coûterait une suspension de la réforme ?
En septembre, Sébastien Lecornu avait sollicité le ministère de l’Économie pour connaître le coût d’une éventuelle suspension de la réforme des retraites. Le ministre démissionnaire de l’Économie Roland Lescure l’a estimé sur France Inter à “des centaines de millions en 2026 et des milliards en 2027”. Il est estimé à 8 milliards d’euros par an à horizon 2030, indique France Info.
Quelles sont les réactions politiques ?
Si Elisabeth Borne propose de suspendre la réforme des retraites, c’est dans le contexte du compromis politique que doit trouver Sébastien Lecornu d’ici ce mercredi soir, notamment avec “la gauche républicaine” comme il l’a formulé. Il est à noter que Sébastien Lecornu n’a pas mentionné cette possible suspension, au cours de son allocution à Matignon, ce mercredi matin.
La proposition d’Elisabeth Borne a fait réagir le Premier secrétaire du PS. “C’est un réveil tardif, mais c’est un réveil positif”, a dit Olivier Faure. “Ce serait effectivement une formidable avancée pour ces millions de salariés qui se sont battus, pour les syndicalistes, pour la gauche politique”.
Réforme des retraites: “Au moment où nous nous parlons, nous n’avons aucune assurance sur la réalité de cette suspension”, affirme Olivier Faure (PS) pic.twitter.com/5Pavz3ODOs
— BFMTV (@BFMTV) October 8, 2025
La présidente de l’Assemblée nationale se dit “gênée” par cette idée. “Il ne faut pas lâcher des trucs comme ça, quelque chose tous les jours”, a réagi Yaël Braun-Pivet sur RTL qui refuse de “renoncer aux grandes réformes que nous avons faites”. “La question des retraites, on sait qu’elle est centrale, mais elle doit faire l’objet d’une négociation globale”.
Suspendre la réforme des retraites ? “Ça me gêne un peu”@YaelBRAUNPIVET, présidente de l’Assemblée nationale française, invitée de @ThomasSotto dans #RTLMatin pic.twitter.com/mvd6rJfrgj
— RTL France (@RTLFrance) October 8, 2025
L’entourage de Bruno Retailleau, président de LR, fait savoir que “la droite est absolument opposée à la suspension de la réforme des retraites” et n’entend pas céder sur ce thème.
Du côté des syndicats, la CFDT y voit “un signal positif” et rappelle qu’elle demandait une suspension de la réforme depuis le début du conclave sur les retraites initié par François Bayrou. La CGT appelle Emmanuel Macron à “ne plus faire la sourde oreille”. Pour sa secrétaire générale Sophie Binet, “cette volte-face” d’Elisabeth Borne est “un aveu : la réforme des retraites est un échec”.