October 4, 2025

"J’en ai vomi et pleuré…" À la porte de la mort après avoir pris 20 000 volts, ce joueur de Mazamet a réussi à reprendre le rugby

l’essentiel
Passé proche de la mort il y a quatre ans après avoir été électrisé par une ligne à haute tension, Thomas Alarcon s’est depuis reconstruit grâce au rugby, sport qu’il a repris en tant que joueur cette saison, en Fédérale 1 du côté de Mazamet, qui se déplace ce dimanche 5 octobre à Castelsarrasin. Quasiment un miracle.

Le fil du destin est d’une finesse aussi terrifiante que fascinante. Il se brise si vite, mais il est aussi capable de résister à une force de coercition démentielle. Celui de Thomas Alarcon a bien failli céder un 31 mai 2021, lorsque 20 000 volts se sont abattus sur lui. “J’étais sur un chantier (le long de la RN126 à Cuq-Toulza, ndlr), au pied d’une pelle mécanique, relate le joueur de Mazamet, en Fédérale 1. J’avais la main posée sur la machine, et le conducteur, en levant le bras de l’engin, a touché une ligne à haute tension…”

Thomas Alarcon lors de son retour à la compétition, début septembre contre Castelnaudary.
Thomas Alarcon lors de son retour à la compétition, début septembre contre Castelnaudary.
Audrey Gramont

L’électricité a traversé son corps de sa main droite à son pied gauche, et le garçon d’alors 20 ans s’est effondré au sol, “l’impression d’avoir reçu un coup de godet dans le dos”, sans perdre connaissance. “J’ai vu la pelleteuse prendre feu, et j’ai eu le réflexe de rouler au sol pour m’en éloigner. Je ne sais pas comment, mais j’ai eu cet instinct d’appeler mon père pour le prévenir, puis les collègues ont appelé les secours.”

Tout cela, Thomas s’en souvient parfaitement. Son esprit ne s’est jamais échappé, même après avoir encaissé cette terrible charge électrique, même lorsque son pronostic vital fut engagé deux semaines durant, ses tissus et nerfs ne cessant de se nécroser, brûlés par les 20 000 volts.

À lire aussi :
Un quasi-retour à la vie d’avant pour le rugbyman Thomas Alarcon

“Ça a été difficile à vivre, je ne savais pas si j’allais m’en sortir, et j’étais conscient. Quand j’étais tiré d’affaire, les galères se sont poursuivies. Pendant deux mois, j’avais des opérations, des anesthésies générales trois fois par semaine”, souffle ce Mazamétain, marqué par cette période au service des grands brûlés de l’hôpital de Rangueil à Toulouse où, installé dans une chambre stérile, il fut privé de contacts humains directs, d’étreintes avec ses proches, souvent salvateurs et réconfortants. Au fur et à mesure, face à l’évolution de ses blessures, on l’ampute de l’index de la main droite, de quatre orteils du pied gauche et la destruction de nerfs a annihilé ses sensations de toucher sur certaines parties de son corps.

“J’en ai vomi et pleuré”

Mais le fil du destin de Thomas est robuste. À l’image du caractère du jeune homme d’aujourd’hui 25 ans. “En acier trempé” comme le décrivent ses entraîneurs et coéquipiers. “Quand je suis arrivé en centre de rééducation à Lamalou-les-Bains, j’ai vu des jeunes de mon âge sans bras ou jambes, rembobine le numéro 9. J’ai eu un déclic, je devais avancer.” Il a réappris à se tenir debout, à marcher, à courir près d’un an plus tard.

À lire aussi :
Mazamet : l’horizon s’éclaircit pour Thomas Alarcon, jeune rugbyman grièvement blessé

Voilà quatre ans qu’il a entamé sa “reconstruction”, dans laquelle il progresse toujours. Et où il a franchi un immense pas en rechaussant les crampons. “L’an dernier, il nous manquait un demi de mêlée à un entraînement, retrace David Aliès, coach des trois-quarts du Sporting Club Mazamétain. Thomas a fini la séance et on s’est dit le lendemain qu’on tenait un nouveau joueur, à un poste où le besoin existait, pour la saison suivante. Sans jouer pendant quatre ans, il a immédiatement été dans le rythme.”

Alors ce garçon à la joie de vivre communicative, d’autant plus renforcée après avoir frôlé la mort – “Ma façon de voir les choses a changé, je prends beaucoup de recul sur des éléments futiles, je profite de chaque seconde de ma vie”, explique Thomas –, a repris les entraînements en mars, juste avant la fin de saison du SCM, puis s’est infligé une préparation estivale intense avec un coach sportif, perdant huit kilos.

L’émotion a envahi le Mazamétain pour sa reprise.
L’émotion a envahi le Mazamétain pour sa reprise.
Audrey Gramont

Histoire d’être prêt avant le nouvel exercice, et pour un premier match dont il rêvait. “C’était en amical à Gaillac le 22 août. Je suis arrivé deux heures avant le rendez-vous se marre le principal intéressé. J’étais stressé, j’en ai vomi dans le vestiaire ! Mais l’émotion était forte, à tel point que j’en ai pleuré.” Ses coéquipiers ont forcément eu un mot pour lui, “on était obligé de venir le checker, de lui dire qu’on était avec lui, et de ne pas s’en faire s’il faisait une erreur”, témoigne le centre Keziah Giordano.

Le symbole de la croix de Prat

L’effet sur le groupe est indéniable. Même si Thomas, qui doit notamment porter des bandages sur son bras droit et sa jambe gauche, se sait incapable “d’exécuter des gestes techniques comme auparavant”, a dû aussi se familiariser de nouveau avec les contacts – “Au début, j’ai cru que j’allais mourir dès que quelqu’un me fonçait dessus”, rit-il –, son sourire, son affabilité, son histoire tout simplement, dynamisent la vie de l’effectif. “Ce n’est pas la mascotte, mais il est bien plus qu’un coéquipier”, souligne le manager du Sporting Dorian Alquier.

À lire aussi :
Mazamet : victime d’un terrible accident qui a failli lui coûter la vie, Thomas Alarcon espère un jour rejouer au rugby

Car revenir à cet endroit, faire crépiter ses crampons sur le carrelage des vestiaires avant de se lancer sur la pelouse tenait quasiment du miracle. “Suite à son accident, on le voyait en fauteuil roulant au bord du terrain. C’était compliqué. Mais on l’a vu évoluer. Thomas est une inspiration. Et dès qu’on a tapé le coup d’envoi de la rencontre, on était heureux”, partage Alexander Bond, deuxième ligne des Bleu et Noir.

À lire aussi :
Rugby amateur – Fédérale 1 : Reçu trois sur trois ! Mazamet prend la place de leader de sa poule

Le rugby comme thérapie. Une expression de nos jours, parfois galvaudée, mais une assertion, une maxime, pour Thomas Alarcon. “Ce sport m’a aidé à surmonter cette épreuve. J’avais besoin de m’occuper l’esprit en fait. Dès septembre 2021, je suis devenu analyste vidéo de l’équipe première, puis manager des Espoirs en 2022 et 2023, et enfin entraîneur des trois-quarts de la Une (avec David Aliès) en 2024”, détaille celui qui est également en train de terminer son diplôme d’état d’entraîneur (DE).

À lire aussi :
Rugby amateur – Fédérale 1 : Le coup du chapeau ! Reggiardo guide Mazamet vers le succès

La balle ovale l’a toujours accompagné. Directement quand certains coéquipiers le soutenaient pendant sa rééducation. Ou indirectement lors de ses séances de psychologie et sophrologie, “qui l’ont empêché de sombrer”. “La sophro me mettait sous hypnose. Elle me demandait de me projeter dans un endroit où je me sens à l’aise. Je visualisais toujours la Croix de Prat, sur les hauteurs de Mazamet, confie Thomas Alarcon. Et on la voit depuis le stade de La Chevalière. Ce qui est marrant, lorsque je suis rentré en jeu pour le premier match de championnat contre Castelnaudary (7 septembre), j’ai levé les yeux et je l’ai vue. À ce moment-là, je me suis dit que la boucle était bouclée.” Et le fil du destin consolidé.

source

TAGS: