Pour Auch, Fleurance et Lannemezan, cette saison de Nationale 2 sera synonyme d’interminables trajets en bus sur les autoroutes de la vallée du Rhône et plus loin encore. Les trois clubs ont été intégrés à la poule 2 qui regroupe les équipes de l’est de la France, ils dénoncent une situation inéquitable.
“J’ai fait mes calculs, cette saison, nous allons faire 15 000 km, c’est beaucoup plus que le Stade Toulousain !” Hervé Jacomet, coprésident du CA Lannemezan ne décolère pas. Comme ses “voisins” d’Auch et Fleurance, son équipe affronte cette saison en Nationale 2 (4e division) des clubs situés dans l’est de la France (poule 2). Rumily (Savoie), Vienne (Isère), Mâcon (Saône-et-Loire) et même Genève (Suisse)… Au total, neuf contrées lointaines que les trois clubs vont devoir rallier, alors que tout proche, la poule 1 rassemble les clubs de Valence d’Agen, Graulhet et une majorité d’équipes de la côte Atlantique.

Adversaires sur le terrain, les deux clubs gersois et le club bigourdan se tiennent cette fois côte à côte face à ce qu’ils considèrent comme une injustice. “Ce que nous déplorons, avance Hervé Jacomet de Lannemezan, c’est que nous, nous allons faire neuf déplacements particulièrement lointains. Les autres clubs ne vont en faire que trois. Ce n’est pas équitable.”
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Lors de la découverte des poules, au mois de juillet dernier, ces trois clubs s’étaient fendus d’une lettre ouverte particulièrement vindicative à l’adresse de la Fédération Française de Rugby. Dans cet écrit, ils déploraient notamment une “répartition arbitraire et inique […] mettant en péril l’équilibre financier des clubs”. Le ton de la lettre n’a pas forcément plu à l’instance nationale, et le vice-président en charge du rugby amateur, Xabi Etcheverry avait répondu en juillet dernier : « Notre volonté serait vraiment de faire 100 % de clubs contents mais il faut être réaliste, c’est juste impossible… Ces mécontents représentent une très faible minorité, donc ça veut peut-être dire que le travail n’a pas été non plus si mal fait que ça. »
Une réponse qui a irrité au sein des clubs. Mais le mal était fait et la saison est aujourd’hui lancée. Après la 3e journée, Auch a déjà expérimenté le déplacement le plus lointain. Un aller-retour en Suisse, à Genève, qu’Alain Cantarutti, secrétaire général et préposé à l’organisation des déplacements du RCA nous détaille : “Chaque déplacement implique des coûts de transport, de restauration et d’hôtellerie. Et je ne parle pas de la fatigue, entame-t-il. Nous nous déplaçons à 60 en bus, avec les joueurs espoirs qui jouent en lever de rideau. Pour aller à Genève, nous sommes partis à 14h la veille du match et nous sommes arrivés à 23h à Moiran, dans la banlieue de Grenoble, où nous avons passé la nuit. 2h30 de bus le lendemain pour rejoindre Genève, puis nous sommes repartis après le match, pour économiser une nuit d’hôtel.” Au total, l’Auscitain a chiffré le coût moyen d’un déplacement dans l’Est à 9 000 €.
À Fleurance, on va encore plus loin, évoquant une fourchette entre 11 000 et 14 000€ pour chacun des huit longs déplacements de la saison, Nîmes étant excepté. Pour ces clubs dont le budget est d’environ 800 000 € (un peu plus pour Auch, 1,3 M€), le coût des déplacements pèse très lourd. Et de cette disparité géographique découlent d’autres problématiques : Il y a bien sûr la fatigue des joueurs et l’obligation de poser des RTT auprès de leur employeur (tous ont un travail à côté du rugby).
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Et il y a aussi la question des recettes de la billetterie lors des jours de match, une source de revenu très importante pour les clubs. Avec des déplacements aussi lointains, peu de supporters adverses font le voyage pour suivre leur équipe, ce qui implique un manque à gagner important. “Pour le match face à Vienne, on n’a fait que 300 entrées, vous vous rendez compte ?” interroge le président de Lannemezan. Même son de cloche un peu plus au nord, dans la capitale gasconne : “Vous savez combien de spectateurs de la Seyne-sur-Mer sont venus à Auch ? Deux. Parce qu’ils avaient leur belle-sœur à Samatan, ils en ont profité pour voir la famille.”
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Ce manque à gagner est non négligeable dans les finances des clubs. La saison passée, ces trois clubs se trouvaient du “bon côté” et recevaient des équipes proches géographiquement, ce qui impliquait aussi des tribunes plus garnies.
Cependant, les trois clubs ne se contentent pas de se plaindre et tous avancent des solutions pour faire avancer la division et remédier à cette iniquité.”On n’a rien contre la FFR ou contre personne mais on pense à nos clubs et à la pérennité de la division, pose Julien Vigneau, coprésident de Fleurance. Cette division qui est super intéressante, si on veut la pérenniser, il va falloir trouver une solution pour que les 24 clubs participent pleinement à l’effort et soient impliqués de la même façon, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.”
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Du côté d’Auch et Lannemezan, on milite pour une Nationale 2 à quatre poules construites en divisant la France en 4 pour favoriser les déplacements courts et les derbys. Dans le nord du Gers, le coprésident de l’AS Fleurance propose une autre idée, plus inattendue. “Je me dis qu’on pourrait être novateur et tenter quelque chose sur le nouveau modèle de la Ligue des Champions de football. Sans être fan de foot, pourquoi ne pas faire une grande poule unique, où les 24 équipes, ou plus, ne se rencontreraient pas forcément mais qui garantit l’équité sportive, des derbys et un nombre de kilomètres de déplacements équivalent… Est-ce que c’est dérangeant de tenter de nouvelles choses ?”