Sur une plate-forme perchée à 55 mètres de haut, au milieu des grues, des pierres sculptées et des motifs colorés typiques du modernisme catalan, une pièce monumentale attend d’être hissée. Dix mètres de haut, en céramique blanche et en acier, fabriquée en Allemagne : il s’agit du bras inférieur de la gigantesque croix qui surmonte la Tour de Jésus. « On est sur la plate-forme où l’on reçoit et on prémonte les modules de la croix et de la tour de Jésus-Christ » explique Mauricio Cortes, chargé du chantier de la Tour.
« Dans ce grand ensemble de 18 tours que Gaudí a imaginées, c’est la tour centrale et donc la plus grande. Elle mesure 172,5 metres, soit un peu moins que les 180 mètres de la colline de Montjuïc de Barcelone : Gaudí ne voulait pas que l’œuvre de l’homme soit plus grande que celle de la nature » précise l’architecte, casque de chantier sur la tête et chasuble jaune, depuis cette plateforme qui offre une vue epoustouflante sur la capitale catalane.
Au cœur de la nef, devant une maquette, Jordi Faulí, architecte en chef et 8e successeur de Gaudi précise : « On a déjà construit 155 mètres de la tour, là où commence la croix. Cette immense croix blanche a un bras inférieur, un bras supérieur et quatre bras horizontaux. » C’est le 10 juin 2026, lors d’une grande messe, que la tour et sa croix seront inaugurées. Une cérémonie qui coïncide avec le centenaire de la mort de Gaudí. Le pape Leon XIV a été invité à présider l’événement, même si sa venue n’est pas confirmée.
“La fin définitive des travaux ? On n’en sait rien”
Le chantier de la Sagrada Familia, stoppé net par la pandémie, a retrouvé un rythme soutenu grâce au retour massif des visiteurs qui représentent l’unique source de financement du temple. En 2024, un record a été battu avec près de cinq millions de personnes qui ont franchi ses portes, dont 336 000 français. « Du fait de notre vocation de temple expiatoire, on envisage les visites comme des donations pour la construction de la Sagrada Familia. Chaque année, le tourisme apporte à peu près 135 millions d’euros à la Sagrada Familia et nous ne recevons aucune subvention publique », explique Xavier Martínez, directeur général de la Basilique.
Après la tour centrale, c’est la chapelle de l’Assomption qui devrait être achevée en 2027. Mais la suite du calendrier reste incertaine. « La fin définitive des travaux ? On n’en sait rien » reconnaît Jordi Faulí. « On ne peut pas donner de date concrète. D’ici dix ans, on aura terminé les quatre tours de la façade de la Gloire. C’est la dernière façade à construire. Mais il ne s’agit que d’une prévision, d’une estimation si tout va bien ! »
Le chantier de façade de la Gloire, qui selon la volonté de Gaudí doit devenir l’entrée principale de la basilique, est le plus délicat. Ce projet titanesque implique la construction d’une vaste esplanade et la destruction d’immeubles alentour, entraînant de multiples expropriations. Plus d’un millier de logements et de commerces sont concernés. Une perspective qui nourrit les tensions avec les riverains et la mairie et qui se réglera certainement devant les tribunaux. Un bras de fer qui pourrait encore repousser l’achèvement définitif de ce chantier hors norme.