September 2, 2025

DÉCRYPTAGE. Exil fiscal en cas de taxation des plus riches : le rapport du CAE qui contredit François Bayrou

l’essentiel
Alors que François Bayrou dénonçait dimanche un « nomadisme fiscal » et jugeait la « taxe Zucman » menaçante pour les investissements, une étude du Conseil d’analyse économique vient nuancer ce discours. Selon ses auteurs, l’exil des plus riches reste « relativement modeste » et n’a qu’« un effet marginal sur l’économie française ».

“La taxe Zucman est une menace sur les investissements en France” et risquerait de provoquer un “nomadisme fiscal” des plus riches. Dimanche 31 août, lors de son interview sur les chaînes d’information en continu, François Bayrou a mis en garde contre le projet d’une taxe sur les grandes fortunes, défendue par l’économiste Gabriel Zucman et reprise par le Parti socialiste dans son contre-budget. Mais les conclusions d’une note réalisée en juillet par le Conseil d’analyse économique (CAE) et publiée ce mardi, viennent relativiser fortement les propos du Premier ministre.

Seuls 0,2 % du top 1 % des revenus du capital quittent le pays chaque année

Le Focus n° 118 du CAE, intitulé “Fiscalité du capital : quels sont les effets de l’exil fiscal sur l’économie ?”, signé par six économistes français et étrangers, examine les effets de la fiscalité du capital sur l’exil fiscal. Les auteurs rappellent que “les ménages avec de hauts revenus du capital s’expatrient relativement peu de France”. Seuls 0,2 % du top 1 % des revenus du capital quittent le pays chaque année, “soit deux fois moins que lorsqu’on considère l’ensemble de la population française (0,38 %)”.

Le rapport constate aussi que si les départs sont sensibles à la fiscalité, les flux demeurent modestes : en 2013, la hausse d’imposition a entraîné une augmentation du taux de départs de 0,04 à 0,09 point, tandis que la suppression de l’ISF et l’instauration du prélèvement forfaitaire unique en 2017-2018 ont provoqué une baisse des départs nets de 0,01 à 0,07 point.

Faiblesse de l’impact économique global

Surtout, le CAE insiste sur la faiblesse de l’impact économique global : “Même en prenant la borne haute (et conservatrice) des effets estimés de la fiscalité du capital sur les expatriations, et en considérant une réforme fiscale de + 4 milliards de recettes (0,15 % du PIB), les effets agrégés sur l’activité économique à long terme restent faibles”. Dans ce scénario, la perte de valeur ajoutée totale ne dépasserait pas – 0,05 %.

Pour les auteurs, l’essentiel du problème se situe ailleurs. “Le débat public, en se focalisant sur l’exil fiscal, se trompe donc sans doute de cible”, préviennent-ils. Et de souligner que “plusieurs travaux indiquent des comportements d’optimisation sophistiqués chez les très hauts patrimoines […] ainsi que l’utilisation généralisée des lacunes du système d’information et de contrôle des déclarations de patrimoines à des fins d’évasion fiscale”.

1 euro taxé, 26 centimes réellement collectés par l’État

En Scandinavie, les données montrent que pour chaque euro attendu d’une hausse de fiscalité, seuls 26 centimes sont réellement collectés : “54 centimes disparaissent du fait des réponses comportementales à la marge intensive, contre 20 centimes à la marge extensive” (étude Jakobsen et al., 2024, repris par le CAE).

Invité à réagir aux propos de François Bayrou, Gabriel Zucman avait déjà exprimé sa surprise sur les réseaux sociaux : “Je suis très surpris par vos propos…”, avait-il aussi déclaré sur BFMTV. Pour lui, l’idée que la taxe qu’il propose menacerait l’investissement en France est “incompréhensible”. L’économiste rappelle que, selon le CAE, l’exil fiscal reste “relativement modeste” et n’a “qu’un effet marginal sur l’économie française”

Ainsi, là où le Premier ministre brandit le spectre d’une fuite massive des capitaux, le rapport du CAE comme les analyses de Gabriel Zucman mettent en avant une autre réalité : l’exil fiscal existe, mais ses effets sont limités. Les pertes majeures pour les finances publiques viennent surtout de l’optimisation et de l’évasion fiscales, bien plus que d’un hypothétique “nomadisme” des plus riches.

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