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Le Nouvel Obs avec AFP
L’activiste égyptien Alaa Abdel Fattah à son domicile au Caire, en Egypte, le 17 mai 2019. KHALED DESOUKI / AFP
Le défenseur des droits humains égypto-britannique, Alaa Abdel-Fattah, figure emblématique du militantisme en Egypte, a été gracié par le président Abdel Fattah al-Sissi après des années en prison, selon sa famille et son avocat.
Dès l’annonce de la décision, sa famille a accouru à la prison de Wadi Natroun, où il est détenu, à quelque 80 kilomètres au nord-ouest du Caire pour attendre sa sortie, selon des journalistes de l’AFP sur place. Mais sa libération ne pourra intervenir que quand le décret de grâce sera publié au Journal officiel, a précisé son avocat, le défenseur des droits humains Khaled Ali.
Figure emblématique du soulèvement de 2011 en Egypte, Alaa Abdel-Fattah, 43 ans, a passé la majeure partie de la dernière décennie derrière les barreaux. Il avait été arrêté pour la dernière fois en 2019 pour avoir publié sur Facebook un message évoquant des violences policières, puis condamné à cinq ans de prison en 2021 pour « fausses informations », une accusation fréquemment utilisée en Egypte contre les voix dissidentes.
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« Le président Sissi a gracié mon frère », a écrit sur X sa sœur, Sanaa Seif. « Ma mère et moi nous nous rendons à la prison pour demander d’où Alaa sera libéré et quand », a-t-elle ajouté. « Mon cœur va s’arrêter », a commenté son autre sœur, Mona Seif, sur X.
« Il y a encore des dizaines de milliers d’autres en prison »
Selon l’avocat Tarek al-Awady, membre du comité des grâces présidentielles, Alaa Abdel-Fattah devrait être libéré directement de la prison de Wadi Natroun. « Toutes les procédures sont terminées, il reste à la prison de prendre connaissance de la décision judiciaire », a déclaré à l’AFP l’avocat.
« Bien que nous nous réjouissons de sa grâce, des milliers de personnes comme Alaa croupissent encore dans les prisons égyptiennes simplement pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression », a indiqué Human Rights Watch dans un communiqué.
La libération attendue d’Alaa Abdel-Fattah est « un pas nécessaire et important mais il n’aurait jamais dû être emprisonné », a déclaré à l’AFP le militant Ahmed Douma devant la prison bouclée par les forces de l’ordre. « Cela donne de l’espoir mais il y a encore des dizaines de milliers d’autres en prison. »
Cité par le communiqué, Amr Magdi, chercheur de HRW pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, a espéré que « sa libération marque un tournant et offre au gouvernement de Sissi l’occasion de mettre fin à la détention abusive de milliers de critiques pacifiques ».
Aucune preuve le reliant aux Frères musulmans
Al-Qahera News, un média proche des autorités égyptiennes, avait annoncé la décision du président « de gracier (…) plusieurs condamnés après avoir pris les mesures constitutionnelles et juridiques nécessaires à cet égard », en précisant qu’Alaa Abdel-Fattah était concerné.
L’annonce intervient quelques jours après que le président égyptien a ordonné l’examen d’une demande de grâce en faveur d’un certain nombre de détenus, dont Alaa Abdel-Fattah – une demande soumise par le Conseil national des droits de l’homme, affilié à l’Etat.
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En juillet, la justice égyptienne avait ordonné son retrait de la liste des personnes accusées de terrorisme, estimant que les récentes enquêtes n’avaient révélé aucune preuve le reliant aux Frères musulmans, organisation interdite en Egypte.
Sa mère, l’activiste et universitaire Laila Soueif, a récemment mis fin à une grève de la faim de 10 mois menée pour réclamer sa libération. Alaa Abdel-Fattah observe lui-même une grève de la faim depuis début septembre, après une grève de la faim partielle en mars par solidarité avec sa mère, alors hospitalisée.
Une « pratique de “rotation” » du gouvernement égyptien
Le gouvernement britannique a régulièrement intercédé auprès des autorités égyptiennes. En mai, un groupe d’experts des Nations Unies avait qualifié sa détention d’arbitraire et appelé à sa libération immédiate.
En août, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Turk, a également exhorté les autorités égyptiennes à mettre fin aux pratiques de détention arbitraire prolongée. « Le gouvernement égyptien doit immédiatement arrêter cette pratique de “rotation” et libérer toutes les personnes qui en ont été victimes », avait-il dit dans un communiqué.
En 2022, Abdel Fattah al-Sissi avait relancé un comité de grâce présidentielle qui a permis la libération d’un certain nombre de prisonniers politiques de premier plan, dont un avocat de Alaa Abdel-Fattah, Mohamed al-Baqer.
Mais selon les défenseurs des droits humains, « trois fois plus de personnes » ont été arrêtées durant la même période.