La sénatrice Maggie Hassan et d’autres élus démocrates ayant approvué une texte pour lever la paralysie budgétaire s’expriment face à la presse, le 9 novembre 2025 à Washington. NATHAN POSNER / ANADOLU VIA AFP
« Pathétique », a lancé le gouverneur démocrate de Californie Gavin Newsom. Quarante jours après le début du « shutdown » budgétaire aux Etats-Unis, de nombreux démocrates ont, comme lui, dénoncé un accord passé lundi 10 novembre entre la majorité républicaine au Sénat et huit démocrates, qui a permis de faire adopter un premier texte vers la sortie de crise. Beaucoup y voient une « capitulation » face à Donald Trump qui coûtera cher à des millions d’Américains.
Cette proposition de loi adoptée à 60 voix pour et 40 contre étend le budget actuel jusqu’à fin janvier. Le texte doit désormais être débattu et adopté à partir de mercredi à la Chambre des représentants, avant d’être promulgué par le président américain pour mettre officiellement fin à la paralysie d’une partie de l’Etat fédéral.
Jusqu’à dimanche, seuls trois sénateurs de l’opposition avaient voté pour le texte républicain. Mais après un accord passé en coulisses, cinq autres ont finalement voté pour un nouveau texte, laissant entrevoir une fin prochaine au blocage – donnant aux républicains les voix suffisantes pour une adoption. « Nourrissez tout le monde. Payez nos militaires, nos fonctionnaires et la police du Capitole. Mettez fin au chaos dans les aéroports. Le pays avant le parti », a clamé lundi sur X le sénateur démocrate John Fetterman, qui a voté en faveur de la mesure républicaine.
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Car depuis le début du « shutdown » le 1er octobre dernier, le pays semble vivre au ralenti : plus d’un million de fonctionnaires ne sont pas payés tandis que le versement de certaines aides, notamment alimentaires, est fortement perturbé. La pagaille touche aussi le ciel américain et son trafic aérien, puisque face à l’absentéisme accru d’aiguilleurs non rémunérés, plusieurs centaines de vols sont annulés chaque jour par sécurité.
Les démocrates poursuivaient toutefois ce bras de fer depuis plus d’un mois en contestation du budget proposé par les républicains. Au cœur de leur désaccord : la question des coûts de santé. Alors qu’ils réclamaient une extension de subventions pour le programme d’assurance santé surnommé « Obamacare », qui bénéficient principalement aux foyers américains les plus pauvres, les républicains, majoritaire au Congrès, proposaient une simple extension du budget actuel.
Des licenciements évités mais pas d’accord sur la santé
Or, ces subventions doivent expirer à la fin de l’année et laisseraient, selon l’opposition, des millions d’Américains sur le carreau. KFF, un cercle de réflexion spécialisé sur les questions de santé, estiment que les coûts de l’assurance santé pourraient doubler en 2026 pour 24 millions d’Américains qui utilisent « Obamacare ».
Face à la prolongation du shutdown, Donald Trump n’a eu de cesse d’agiter la menace de licenciement de milliers de fonctionnaires pour faire plier les démocrates. Plus de 4000 d’entre eux avaient été limogés à la mi-octobre. Et au moment même où une juge déclarait ces licenciements illégaux, la Maison-Blanche en annonçait 10 000 de plus.
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C’est sur ces renvois de fonctionnaires que se sont finalement entendus les républicains et les huit démocrates dissidents. Connus pour la plupart comme centristes, ils ont donné leur accord à la proposition de budget républicaine en échange de l’annulation de tous les licenciements effectués depuis le début de la paralysie.
« Des semaines de négociations avec les républicains ont montré clairement qu’ils ne discuteraient pas des questions de santé » pour mettre fin à la paralysie, a assuré dans un communiqué l’une d’entre eux, la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen. « Attendre plus longtemps ne fera que prolonger les souffrances que les Américains ressentent à cause du “shutdown” », a-t-elle ajouté.
Outre les licenciements, les huit dissidents sont donc repartis presque les mains vides : aucun accord sur les coûts de santé, problématique au cœur du shutdown, n’a été arraché. Ils ont simplement obtenu une promesse de la part du chef républicain du Sénat, John Thune, sur la tenue d’un vote prochain sur cette question. Une promesse creuse, comme l’ont dénoncé de nombreux élus démocrates, puisque le chef de la Chambre Mike Johnson a lui refusé de s’engager à prévoir un même vote à la chambre basse. Les républicains « n’agissent pas de bonne foi quand il s’agit de la santé des Américains », a accusé lundi le chef de la minorité démocrate à la Chambre, Hakeem Jeffries, lors d’une conférence de presse.
« Désastre politique »
Face à cette déroute, de nombreuses voix au sein du parti démocrates ont vivement critiqué la décision de leurs huit collègues – dont certains doivent prendre leur retraite l’année prochaine – la qualifiant notamment de « traîtrise ». « Pathétique. Ce n’est pas un accord, c’est une capitulation, ne ployez pas le genou ! », a lancé sur X le gouverneur de Californie Gavin Newsom, connu pour son opposition féroce à Donald Trump.
Le sénateur du Vermont Bernie Sanders, figure progressiste, estimait juste avant le vote du Sénat qu’elle posait le risque d’un « désastre politique ». « Je pense que ce serait une décision désastreuse de capituler devant Trump maintenant », a-t-il déclaré. « Le président Trump risque d’être enhardi par l’accord de ces huit démocrates », a abondé le sénateur du Connecticut démocrate Chris Murphy auprès du média public PBS.
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Quelques jours après plusieurs victoires électorales majeures pour les démocrates attribuées à leur stratégie sur le coût de la vie, ce revers pourrait par ailleurs être lourd de conséquences pour le parti, analyse le Stephen Collinson dans un édito pour CNN. « A la première occasion de mettre cette leçon en pratique – en défendant l’accès à des soins de santé abordables – ils ont baissé les bras, alors même que des sondages montraient que la plupart des électeurs tiennent Trump responsable du blocage des services publics et partagent la position des démocrates », a-t-il écrit. Cet échec pourrait exacerber des divisions profondes au sein du parti, alors que des dirigeants démocrates avaient mis en avant la nécessité de l’unité après les victoires de la semaine dernière.
Désormais, élus et sympathisants démocrates veulent voir des têtes tomber, et en premier lieu celle de Chuck Schumer, chef de la minorité au Sénat. S’il a voté non dimanche soir, ils sont nombreux à le soupçonner d’avoir poussé, en coulisses, ces élus modérés à trouver un accord avec les républicains.

