Des chars vénézuéliens lors d’exercices militaires sur l’île de La Orchila, au Venezuela, le 18 septembre 2025. HANDOUT / AFP
Embarcations détruites sur fond de lutte contre le trafic de drogue, déploiement de la marine américaine et entraînement de civils vénézuéliens : les tensions sont croissantes entre les Etats-Unis et le Venezuela depuis l’envoi par Washington de plusieurs navires il y a un mois dans les Caraïbes et le Pacifique, officiellement pour une opération antidrogue. Depuis, plusieurs embarcations ont été visées par les Etats-Unis et 14 personnes ont été tuées. Le ministre de la Défense a dénoncé vendredi 19 septembre une « guerre non déclarée ».
• Plusieurs frappes américaines contre des bateaux
Vendredi, le président américain Donald Trump a publié sur sa plateforme Truth Social une nouvelle vidéo montrant ce qu’il a présenté comme une frappe américaine qui a selon lui tué trois « narcoterroristes » sur un bateau transportant de la drogue à destination des Etats-Unis.
Le président américain a déjà fait état ces derniers jours de plusieurs frappes contre des bateaux présentés comme appartenant à des trafiquants : une première avait selon lui fait 11 morts le 2 septembre dans les Caraïbes. Mardi, le milliardaire républicain avait annoncé qu’une troisième embarcation avait été éliminée, mais sans donner plus de détail ni publier de vidéo de la frappe.
La légalité des frappes américaines contre des bateaux présentés comme appartenant à des narcotrafiquants est contestée par des experts, qui dénoncent « un permis de tuer ».
Affirmant vouloir lutter contre les cartels, Washington avait déployé le mois dernier sept navires de guerre dans les Caraïbes et un autre dans le Pacifique. Des avions de chasse F-35 ont également été envoyés à Porto Rico pour soutenir la flottille mobilisée.
Les Etats-Unis accusent notamment le président vénézuélien Nicolas Maduro d’être à la tête d’un réseau de trafic de drogue, le Cartel des Soleils – dont l’existence est sujette à débats. Ils proposent une récompense de 50 millions de dollars pour sa capture.
• Maduro dénonce une « menace » et lance des exercices militaires
Les huit navires dépêchés par Washington dans les eaux des Caraïbes sont considérés par le gouvernement de Nicolas Maduro comme une « menace militaire » visant à un « changement de régime » au Venezuela. « C’est une guerre non déclarée », a estimé le ministre de la Défense, Vladimir Padrino Lopez. « Vous voyez déjà comment des personnes, qu’elles soient ou non des narcotrafiquants, ont été exécutées dans la mer des Caraïbes. Exécutées, sans droit à la défense », a-t-il poursuivi lors d’un exercice militaire retransmis à la télévision publique.
En réponse à l’opération américaine, Caracas a lancé mercredi trois jours d’exercices militaires sur l’île caribéenne de La Orchila, à environ 65 kilomètres du continent vénézuélien. Il s’agit du plus visible déploiement militaire ordonné par Nicolas Maduro depuis l’envoi par les États-Unis.
Ainsi, quelque 2 500 militaires ont été déployés, des missiles et des roquettes ont été lancés. Sur cette île ont été mobilisés 12 navires, des hélicoptères, des avions de chasse et de transport, des chars amphibies ainsi que 20 embarcations en bois de pêcheurs liés à la Milice, un corps militaire constitué de civils. Il faut être prêt « lorsqu’ils viendront », car « le Venezuela doit rester imprenable », a déclaré le ministre de l’Intérieur Diosdado Cabello.
Des images d’avions Sukhoï traversant le ciel de La Orchila, de parachutistes sautant sur l’île, ainsi que de troupes dans des véhicules amphibies de fabrication chinoise avec des chars d’assaut et des canons pointant vers le ciel sont diffusés sur les chaînes de télévision officielles. Elles montrent également des pièces d’artillerie et des radars antiaériens russes, principal allié du Venezuela.
• Formation de civils au combat dans les quartiers populaires
Jeudi, Nicolas Maduro a annoncé le début ce samedi d’envoi de militaires dans les quartiers populaires pour entraîner la population à la manipulation des armes. Quelques semaines plus tôt, le président vénézuélien avait invité les volontaires inscrits dans la milice, une force militaire composée de civils, à se former dans les casernes.
« Le samedi 20 septembre prochain, les casernes, la Force armée bolivarienne, iront au peuple, iront dans les communautés pour les mobiliser, les passer en revue et enseigner à tous ceux qui se sont enrôlés, voisins et voisines, ce qu’est la manipulation d’armes », a déclaré jeudi Nicolas Maduro lors d’un acte officiel retransmis sur la chaîne d’État VTV. « Ce sera la première fois que les casernes avec leurs armes et leurs soldats vont vers le peuple, le quartier, la communauté », a affirmé le dirigeant.
• Le parquet vénézuélien réclame une enquête de l’ONU
Vendredi, le procureur général du Venezuela, Tarek William Saab, a demandé à l’ONU d’enquêter sur les frappes américaines annoncées par le président Donald Trump qui ont détruit trois bateaux dans les Caraïbes. « Les utilisations de missiles et d’armes nucléaires pour assassiner des pêcheurs sans défense sur un petit bateau sont des crimes contre l’humanité qui doivent faire l’objet d’une enquête de l’ONU », a affirmé le procureur général dans un communiqué envoyé à l’AFP.
Tarek Saab « a fermement condamné les actes des Etats-Unis contre la nation vénézuélienne, exigeant de l’Organisation des Nations Unies (ONU) l’ouverture d’une enquête approfondie sur ces faits », précise le document.
« Le Venezuela […] lance un appel au Conseil de sécurité de l’ONU pour exiger l’arrêt immédiat des actions militaires des Etats-Unis dans la mer des Caraïbes », a également déclaré sur Telegram le ministre des Affaires étrangères vénézuélien, Yvan Gil. « Les officiers américains eux-mêmes assurent que ces actions ont entraîné des assassinats extrajudiciaires de civils, avec l’intention de semer la terreur parmi nos pêcheurs et notre peuple », a-t-il avancé, en appelant au respect de « la souveraineté politique et territoriale du Venezuela et de toute la région caribéenne ».
• Les pays sud-américains inquiets
La ministre des Affaires étrangères de la Colombie a critiqué vendredi la présence militaire, jugée « disproportionnée », des Etats-Unis dans les Caraïbes, un reproche cinglant de la part de l’un des plus anciens alliés de Washington dans la région.
S’exprimant auprès de l’AFP, Rosa Villavicencio a estimé que le déploiement de navires de guerre américains au large du Venezuela, voisin de la Colombie, était « démesuré ». « Le Venezuela, bien sûr, est préoccupé, tout comme l’ensemble de la région, par la possibilité d’une intervention », a-t-elle affirmé.
Rosa Villavicencio a déclaré que ces actions étaient probablement illégales et a insisté sur le fait que tout suspect devait être capturé, non tué. « Cela ne nous semble pas être la manière de faire du point de vue de la légalité », a-t-elle déclaré.