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Le Nouvel Obs avec AFP
Les précédents exercices conjoints Zapad entre Russes et Biélorusses, en septembre 2021, quelques mois avant l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par les forces de Moscou. HANDOUT/AFP
La Russie et son alliée fidèle la Biélorussie ont entamé ce vendredi 12 septembre de grands exercices militaires conjoints qui suscitent l’inquiétude des pays de l’Otan, quelques jours après l’intrusion sans précédent de drones présumés russes sur le territoire polonais. « Les manœuvres conjointes stratégiques des forces armées russes et biélorusses […] ont commencé », a annoncé le ministère russe de la Défense dans un communiqué.
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Ces manœuvres se déroulent alors que l’armée russe progresse sur le front ukrainien et intensifie ses attaques aériennes sur les villes du pays, trois ans et demi après le début de son offensive à grande échelle. A l’aube des manœuvres, Moscou a annoncé avoir abattu dans la nuit 221 drones ukrainiens, soit l’une des attaques les plus massives de l’armée de Kiev depuis le début du conflit.
Inquiétudes en Pologne, Lituanie et Lettonie
Les exercices se tiennent de vendredi à mardi près d’une ville située à l’est de Minsk, la capitale, selon les autorités biélorusses. Selon l’armée russe, certaines « actions pratiques » vont également avoir lieu sur le territoire russe, ainsi qu’en mer de Barents et en mer Baltique.
La Pologne, la Lituanie et la Lettonie, pays membres de l’Otan et voisins de la Biélorussie, voient d’un très mauvais œil l’organisation de ces exercices si près de leurs frontières. Toutes trois ont renforcé leur sécurité et restreint le trafic aérien dans certaines zones, Varsovie ordonnant en outre la fermeture complète de sa frontière avec la Biélorussie pendant les manœuvres.
Moscou a demandé jeudi à Varsovie de « reconsidérer la décision prise [la fermeture de la frontière] dans les plus brefs délais », dénonçant des « mesures de confrontation ».
Saisine du Conseil de Sécurité de l’ONU
Ces exercices militaires interviennent quelques jours à peine après l’intrusion d’une vingtaine de drones dans la nuit de mardi à mercredi dans l’espace aérien polonais, jugée délibérée par Varsovie et ses alliés mais récusée par Moscou. Intrusion qui a suscité une vive émotion en Pologne et été qualifiée de provocation par les pays occidentaux.
Varsovie a dû mobiliser ses avions et ceux de ses alliés de l’Otan pour abattre les drones, venus du ciel ukrainien et de la Biélorussie.
Le Premier ministre polonais, Donald Tusk, a estimé que l’on n’avait jamais été aussi proche d’un « conflit ouvert » depuis la Seconde Guerre mondiale. Varsovie a en outre saisi cette semaine le Conseil de Sécurité de l’ONU, qui se réunira en urgence ce vendredi.
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La saisine du Conseil de Sécurité vise à « attirer l’attention du monde entier sur cette attaque sans précédent menée par des drones russes contre un pays membre non seulement de l’ONU, mais aussi de l’Union européenne et de l’Otan », a justifié le chef de la diplomatie polonaise Radoslaw Sikorski à la radio RMF FM.
Le ministère français des Affaires étrangères a pour sa part convoqué l’ambassadeur de Russie en France ce vendredi pour évoquer l’incursion des drones en Pologne, a annoncé le ministre démissionnaire Jean-Noël Barrot, emboîtant le pas à plusieurs autres pays européens.
« Il sera convoqué ce matin. Nous allons lui dire […] que nous ne nous laisserons pas intimider, a déclaré le ministre sur France-Inter. Intentionnelle ou non, accidentelle ou non, tout cela est très grave. Tout cela est absolument inacceptable. Tout cela vient s’ajouter aux innombrables provocations de Vladimir Poutine. »
Des exercices qui « ne visent personne », selon Moscou
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a affirmé que le but des manœuvres russo-biélorusses n’était « certainement pas défensif ». Et elles ne visent « pas seulement l’Ukraine », a-t-il dit.
La Russie a balayé les craintes liées aux manœuvres militaires, baptisées Zapad-2025 (« Ouest-2025 », en référence au fait qu’elles se déroulent dans l’ouest de l’alliance russo-biélorusse). Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a assuré qu’il s’agissait d’« exercices planifiés [qui] ne visent personne ».
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Les exercices Zapad sont habituellement organisés tous les quatre ans. L’édition 2025 est la première depuis le début du conflit en Ukraine, en février 2022. Celle de 2021 avait mobilisé environ 200 000 soldats russes, quelques mois avant le lancement de leur assaut contre l’Ukraine.
Cette fois, l’ampleur des exercices devrait être bien plus réduite, des centaines de milliers de soldats russes étant déployés en Ukraine. La Biélorussie avait affirmé en janvier que 13 000 soldats participeraient aux exercices, mais a indiqué en mai que ce nombre serait réduit de moitié.
« Simple spectacle » ou simulation d’invasion ?
Selon Donald Tusk, les manœuvres visent à simuler l’occupation du corridor de Suwalki, qui s’étend le long de la frontière entre la Pologne et la Lituanie avec l’enclave russe de Kaliningrad à l’ouest et la Biélorussie à l’est. Ce corridor est souvent considéré comme un point faible de l’Otan qui pourrait être la première cible d’une éventuelle attaque russe.
Cette crainte est une « absurdité totale », a balayé le président biélorusse Alexandre Loukachenko. Le ministre biélorusse de la Défense a en outre récemment affirmé à un média d’Etat que les exercices Zapad avaient été éloignés des frontières de la Pologne et de l’Ukraine pour « réduire les tensions ».
Minsk a néanmoins dit en août que les manœuvres impliqueraient les missiles hypersoniques à capacité nucléaire Orechnik, développés par la Russie et devant être déployés en Biélorussie.
Pour Alexandre Khramtchikhine, analyste militaire basé à Moscou, ces exercices Zapad sont un « simple spectacle » sans réelle signification. Mais Vassili Kachine, analyste au Conseil russe des Affaires internationales, lié au Kremlin, estime que les manœuvres sont « à la fois une démonstration et un véritable entraînement au combat ». « Nous devons être prêts à défendre la Biélorussie si nécessaire », a-t-il commenté.
La Pologne et ses alliés ont annoncé la tenue courant septembre de leurs propres exercices.
Pour Vassili Kachine, l’organisation au même moment d’exercices militaires rivaux par la Russie et des pays membres de l’Otan est appelée à perdurer. « Comme cela était le cas du temps de la guerre froide », a-t-il noté.