Si, en France, l’attention est accaparée cette semaine par le vote de confiance qui devrait sceller l’avenir du gouvernement de François Bayrou, ainsi que sur des manifestations deux jours plus tard, une autre partition se joue dans l’hémicycle du Parlement européen à Strasbourg ce 10 septembre.
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Depuis près de quinze ans et l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, voulu comme un pas vers plus de démocratie et de transparence, la présidente de la Commission européenne se prête annuellement au délicat exercice du discours sur l’état de l’Union. Face aux plus de 700 eurodéputé·es, Ursula von der Leyen présentera ses priorités et sa vision politique pour les douze mois à venir.
Sauf surprise majeure, au vu de la première année de son second mandat, la vision de la Commission devrait bien différer de celle portée par les écologistes.
Intronisé il y a un peu moins d’un an, le collège des commissaires reflète le paysage politique européen : des commissaires d’extrême droite, dont un vice-président de l’institution issu des rangs de Giorgia Meloni, et des personnalités de gauche bien trop peu nombreuses pour peser.
La progression historique des extrêmes droites aux élections européennes de 2024 a fortement changé les équilibres au sein du Parlement européen, le groupe de la droite chrétienne-démocrate (où siègent Les Républicains) assumant ouvertement de faire des alliances avec celles-ci. La Commission s’aligne de plus en plus sur cette orientation et ses choix politiques tracent une trajectoire mortifère pour le climat, la solidarité et la démocratie.
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C’est ainsi que les textes du Pacte vert tant essentiels pour l’avenir de notre planète et de nos populations sont aujourd’hui détricotés au nom d’une prétendue simplification ; que les négociateurs et négociatrices s’entendent sur un accord commercial écologiquement et socialement insensé avec les pays du Mercosur.
Dans le même temps, l’institution met en débat des textes infâmes pour satisfaire les fantasmes racistes de l’extrême droite en matière de migration, tandis qu’elle se montre incapable d’être à la hauteur de l’enjeu géopolitique sur la scène internationale. Face aux guerres, aux rivalités de puissance et aux crises mondiales, l’Union européenne agit trop souvent en vassale des Etats-Unis, sans voix propre ni réelle vision stratégique, incapable d’incarner un véritable contre-pouvoir.
Les droits fondamentaux sont eux aussi attaqués. Dans plusieurs pays de l’UE, le droit à l’avortement recule ou reste largement entravé. Les personnes LGBTQIA+ subissent de plein fouet le backlash réactionnaire : attaques contre les droits trans, déni des familles arc-en-ciel, marches des fiertés restreintes ou menacées. Et là encore, la Commission se contente trop souvent de mots quand il faudrait des actes.
Enfin, que dire des priorités du prochain budget pluriannuel de l’UE, qui vont à rebours des impératifs de transition écologique et sociale ? Plutôt que d’investir massivement dans la justice sociale, l’égalité et la paix, la Commission choisit la voie de la frilosité, de la dépendance et du renoncement.
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Voilà où nous en sommes après près d’un an de mandat de la Commission européenne version 2024-2029. Et si nous n’avons pas de boule de cristal, le discours sur l’état de l’Union devrait s’inscrire dans la continuité des priorités exposées par Mme Von der Leyen depuis la fin de l’année dernière : la compétitivité d’abord, qu’elle oppose fallacieusement à l’écologie et à la solidarité.
Nous, écologistes francophones qui avons voté contre cette Commission européenne il y a un peu moins d’un an, nous nous battons pour une autre orientation politique, qui a vocation à protéger la planète et les plus vulnérables.
Et à l’instar du combat que nous menons en France, en Belgique ou au Luxembourg, celui-ci est d’autant plus indispensable à l’échelon européen que les prochains mois s’annoncent cruciaux pour notre avenir.
Devant les grands bouleversements géopolitiques, prônons une Europe de la défense indépendante de l’internationale réactionnaire, dotée d’une véritable autonomie stratégique. Défendons coûte que coûte le droit international : réaffirmons avec force notre soutien au peuple ukrainien qui lutte pour sa liberté. Face au génocide en cours à Gaza, œuvrons pour une diplomatie forte : brisons le blocus israélien en forçant le passage de l’aide humanitaire, suspendons l’accord d’association UE-Israël, soutenons activement la Cour pénale internationale en appliquant les mandats d’arrêt et en protégeant son personnel.
Les négociations sur ce budget pluriannuel de l’Union européenne post-2027, que la Commission souhaite renationaliser en contradiction de la vision fédéraliste que nous portons vont débuter. Ne laissons pas les familles conservatrices et réactionnaires mettre en péril notre avenir, celui du climat, de l’environnement ou de nos agricultrices et agriculteurs, pour un triplement du budget sur la politique migratoire. L’argent européen doit financer une transition écologique et socialement juste.
Restons fermes sur les objectifs et ambitions climatiques, que ce soit à l’horizon 2040 et au-delà. Les attaques contre le Pacte vert vont se poursuivre, nous ne pouvons pas les accepter.
A raison d’échéances à court et moyen terme, poursuivons notre mobilisation contre l’accord commercial avec le Mercosur et contre les droits de douane imposés par Donald Trump à l’Union européenne. Il en va de notre présent et de notre futur.
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En réponse aux offensives politiques permanentes de l’extrême droite qui se traduisent dans des propositions de texte et qui s’avéreraient très dangereuses, levons-nous pour une protection des droits fondamentaux dans toute l’Union, pour une politique de l’accueil digne des exilé·es, pour une défense des plus vulnérables.
En amont de ce discours sur l’état de l’Union, nous appelons donc la Commission européenne et Ursula von der Leyen à se montrer responsables et à la hauteur des enjeux. Ils doivent écouter la voix des écologistes plutôt que celle des réactionnaires et (re)trouver le chemin de l’indispensable transition écologique et sociale.
Les eurodéputés écologistes :
Saskia Bricmont (Belgique)
Mélissa Camara (France)
David Cormand (France)
Tilly Metz (Luxembourg)
Mounir Satouri (France)
Majdouline Sbai (France)
Marie Toussaint (France)
Cet article est une tribune, rédigée par un auteur extérieur
au journal et dont le point de vue n’engage pas la rédaction.