Pour La Dépêche du Midi, Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’épargne analyse le comportement des Français vis-à-vis de l’épargne.
La Dépêche du Midi : Comment expliquez-vous que les Français se ruent sur l’épargne actuellement ?
Philippe Crevel : C’est vrai que le taux d’épargne des Français est passé de 15 % avant covid à 18,9 % aujourd’hui. C’est un niveau inédit depuis plus de 40 ans qui s’explique par plusieurs facteurs. Après le covid, le choc inflationniste, la guerre en Ukraine survient maintenant l’instabilité politique française sous fond de crise budgétaire. Tout cela crée un climat anxiogène ce qui incite les ménages à épargner.
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Ensuite, la population française vieillissante a tendance à épargner davantage par crainte pour leur pension de retraite. Les plus de 60 ans parviennent à épargner jusqu’à 25 % de leurs revenus car ils sont déjà propriétaires de leur résidence principale, font face à moins de charges, leurs enfants sont élevés… Enfin, les épargnants voient leur placement financier s’apprécier avec la hausse de la Bourse ou des taux d’intérêt ce qui, mécaniquement, augmente le taux d’épargne.

Ce taux d’épargne de 18,9 % inclut-il la part consacrée à l’immobilier ?
Oui ce taux inclut le remboursement du capital des emprunts immobiliers, mais pas les intérêts. Toutefois cette partie est stable en raison de l’atonie du marché immobilier. Sur les 18,9 % 9,1 % correspondent à l’immobilier. C’était 10,5 % fin 2019. L’épargne financière a, elle, quasiment doublé passant de 4,8 % à 9,8 %.
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Où les Français placent toute cette épargne ?
Le réflexe reste les livrets réglementés comme le livret A actuellement rémunéré à 1,7 % mais l’assurance vie réalise un vrai retour en force depuis le début de l’année avec notamment 4,1 milliards d’euros collectés en juillet 2025, soit deux fois plus qu’en juillet 2024.
Les Français épargnent-ils trop ?
Au-delà de l’épargne de précaution qui nécessite l’équivalent de deux à trois mois de salaire, si les ménages épargnent c’est parce qu’ils préparent des projets. C’est le cas pour l’achat d’un logement qui nécessite un apport de plus en plus important, la préparation de leur retraite, le financement des études des enfants… Toute cette épargne ne dort pas : elle est utile à l’économie ! Elle finance le logement social, la dette de l’État, les projets des entreprises…
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En dehors des livrets où peut-on placer son argent ?
Le plan d’épargne en action (PEA) offre une fiscalité intéressante avec uniquement les prélèvements sociaux après cinq ans à payer. Le plan d’épargne retraite (PER) propose une déduction fiscale des sommes versées, l’assurance-vie propose des milliers de supports disponibles sans compter l’or qui a beaucoup progressé ces derniers mois.
Les épargnants doivent-ils craindre une ponction de leur épargne par l’État ?
Une telle mesure afin de renflouer l’État serait suicidaire car les épargnants iraient placer leur argent à l’étranger. C’est une fake news qui circule sur les réseaux sociaux car cela signifierait que l’État est en banqueroute ce qui est loin d’être le cas. En revanche l’État peut augmenter les taxes et prélèvements sur les produits d’épargne pour augmenter ses recettes.