September 4, 2025

Mercosur : en quoi consiste l’accord avec les clauses de sauvegarde et pourquoi les agriculteurs ne décolèrent pas

l’essentiel
Bruxelles presse les Vingt-Sept de valider d’ici la fin de l’année l’accord de libre-échange de l’UE avec le Mercosur, qu’elle présente comme une opportunité économique majeure, assortie de nouvelles garanties pour les agriculteurs. Mais en France, la colère du monde paysan ne retombe pas : syndicats et éleveurs dénoncent une concurrence déloyale et une “trahison” politique.

Depuis décembre dernier et la conclusion des négociations, le texte de l’accord entre l’Union européenne (UE) et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) empoisonne la vie politique européenne. Jugé stratégique par la Commission européenne, il doit encore être validé par les États membres et le Parlement européen. Mais en France, à l’approche d’un vote de confiance à haut risque pour François Bayrou et alors que les agriculteurs se mobilisent, le dossier est plus explosif que jamais.

En quoi consiste la dernière version de l’accord ?

Les négociations entre l’UE et le Mercosur ont été engagées dès 1999, dans l’idée de créer un marché commun transatlantique couvrant près de 700 millions de consommateurs. Après des blocages multiples, un compromis a été trouvé en décembre 2024, avant d’être formellement validé par les commissaires européens ce mercredi 3 septembre 2025. Bruxelles espère désormais une adoption avant la fin de l’année, tant que le Brésil de Lula assure la présidence tournante du Mercosur.

Today, we are proposing major trade deals with Mercosur and Mexico.

They will bring billions in exports and jobs for Europeans across the Union.
It is a step forward for Europe’s global influence.

Extract from my press remarks u2193 pic.twitter.com/ok6EMMlmYA

— Kaja Kallas (@kajakallas) September 3, 2025

L’accord prévoit de supprimer progressivement la plupart des droits de douane et d’ouvrir largement les marchés. L’Union européenne exporterait plus facilement ses voitures, machines-outils, vins et spiritueux en Amérique du Sud. En contrepartie, les pays du Mercosur bénéficieraient de quotas accrus pour la viande bovine, la volaille, le sucre, le riz, le miel ou encore le soja. Selon la Commission, l’accord pourrait faire économiser 4 milliards d’euros par an en droits de douane aux exportateurs européens.

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Pour convaincre Paris, longtemps en pointe de la contestation, Bruxelles a annoncé l’ajout d’un “acte juridique” précisant des clauses de sauvegarde renforcées. Celles-ci permettraient de suspendre l’accord en cas de perturbations majeures sur certains marchés sensibles comme le bœuf, la volaille ou le sucre. La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, assure avoir entendu les craintes des agriculteurs et promet des garanties “juridiquement contraignantes”.

Pourquoi les agriculteurs français n’en veulent pas ?

Ces promesses ne calment pas les syndicats agricoles français. La FNSEA et les Jeunes Agriculteurs dénoncent un accord toujours “toxique”, accusant Bruxelles d’ignorer la question centrale : l’absence de réciprocité sur les normes sanitaires et environnementales. “Peut-on continuer à importer des denrées produites avec des substances interdites en Europe ?” interroge le président de la FNSEA Arnaud Rousseau, qui estime que les clauses de sauvegarde ne répondent pas à ce problème.

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La Coordination rurale, deuxième syndicat agricole français, parle de “trahison programmée”. Son secrétaire général, Christian Convers, accuse le gouvernement d’avoir capitulé : “On aperçoit bien que ces choses-là étaient programmées. Ça ne va pas renforcer le lien de confiance entre agriculteurs et gouvernants.”

Dans les campagnes, la contestation s’enracine. La FDSEA et les Jeunes Agriculteurs du Lot sont allés à Paris en juillet pour protester contre une “concurrence déloyale” et préviennent : “Ce texte menace directement notre survie”.

Le gouvernement français, par la voix du ministre du Commerce extérieur Laurent Saint-Martin, se dit prêt à examiner l’accord “avec bienveillance” si les garanties techniques sont suffisantes, mais reste officiellement opposé à une ratification en l’état. Le ministre des Affaires européennes Benjamin Haddad assure ainsi que Paris “n’acceptera pas un accord qui ne protège pas nos filières agricoles”.

Politiquement, le dossier cristallise les tensions : le Rassemblement national dénonce une “trahison” d’Emmanuel Macron, La France insoumise une “capitulation”, tandis qu’au Parlement européen, une coalition transpartisane tente de suspendre l’adoption du texte. Entre la volonté de Bruxelles de diversifier ses partenariats face à la Chine et aux États-Unis, et la colère d’un monde agricole fragilisé par les crises successives, l’accord UE-Mercosur apparaît plus que jamais comme une épreuve décisive pour l’Europe.


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