Près de trois mois après la disparition brutale de Josaia Raisuqe, ancien joueur du Castres Olympique, Ilona Valette raconte sa reconstruction, à Lutu, le village fidjien de son compagnon. Entre rituels religieux et projets de vie, elle tente de faire vivre sa mémoire, chaque jour, à sa façon.
Le 8 mai dernier, la nouvelle a bouleversé Castres, et bien au-delà. À 30 ans, Josaia Raisuqe perdait la vie dans un accident de la route, lors d’un choc entre sa voiture et un TER sur un passage à niveau. Un choc pour le monde du rugby, mais un séisme intime pour Ilona, sa compagne. Depuis, la jeune femme s’est installée aux Fidji, là où repose désormais “Jo”, auprès des siens, là où elle a trouvé la force de continuer.

“Je redoute le retour en France. Ici, il y a Jo partout autour de moi”, confie-t-elle. Loin du tumulte, Ilona vit aujourd’hui au rythme du village, dans la simplicité du quotidien fidjien. Messe à 17h, chants poignants qui résonnent dans les maisons, rires partagés… “Il m’a appris à sortir du métro-boulot-dodo. Il faut vivre à la Josaia, et la vie paraît plus belle”, dit-elle, comme un mantra. Une façon d’être, bien plus qu’un souvenir.
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Chaque jour, elle partage ce quotidien sur les réseaux sociaux. À la base, un réflexe de deuil, “comme si je lui écrivais encore”, explique-t-elle. Rapidement, les Fidjiens ont répondu présents. Ils la suivent, la soutiennent, la reconnaissent dans la rue. “Je continuerai à poster, même depuis la France. Pour leur montrer notre vie, nos projets, la France de Josaia. Si cela peut permettre à des gens de voyager à travers notre histoire.”
Une marque de vêtements imaginée avec Josaia
Car Ilona ne veut rien abandonner. Ni les rêves, ni les promesses. Parmi eux : lancer une marque de vêtements imaginée avec lui. Des t-shirts oversizes à son image. “Tout est prêt. Il a choisi jusqu’aux détails. Le site ouvrira le 8 mai prochain, un an après sa mort. Il m’a toujours soutenue, et toujours fait en sorte que j’arrive à atteindre tous mes objectifs de vie, alors je ferai en sorte de réaliser tous ses projets, ses rêves, jusqu’au dernier.”
“Les cinq premiers jours ont été les plus durs. Mais à partir du moment où j’ai pu aller voir Josaia, quelque chose s’est apaisé en moi. Heureusement que le Castres Olympique, son agent, ma famille et nos amis étaient là. Ils ont tout pris en charge pour moi. Grâce à eux, j’ai pu rester concentrée sur l’essentiel : profiter de Josaia jusqu’au bout.”
En attendant, elle se raccroche à leur histoire. “On n’a pas eu d’enfant, alors je me dis que c’est à moi de faire vivre ses rêves.” À 24 ans, elle parle d’avenir avec une maturité bouleversante, nourrie de douleur mais teintée d’espoir. “Le matin de sa mort, sur les rails, je lui ai promis de continuer à le faire vivre à travers nos projets. Et je tiendrai parole.”
L’esprit de Josaia plane encore
Depuis le Pacifique, elle n’oublie rien des premiers jours du drame, à Castres. Le choc, le vide, les nuits sans sommeil. Puis les hommages, les mains tendues, la chaleur des supporters. “Les cinq premiers jours ont été les plus durs. Mais à partir du moment où j’ai pu aller voir Josaia, quelque chose s’est apaisé en moi. Heureusement que le Castres Olympique, son agent, ma famille et nos amis étaient là. Ils ont tout pris en charge pour moi. Grâce à eux, j’ai pu rester concentrée sur l’essentiel : profiter de Josaia jusqu’au bout.”
Aujourd’hui, Ilona est debout. Fragile, bien sûr, mais portée par cette énergie qu’elle a tant aimée chez Josaia. Cette folie douce, cette joie contagieuse, ce goût de la fête. “Je n’ai pas pu assister physiquement aux matchs où des hommages ont été rendus, mais j’ai tout suivi à la télé. Et là, j’ai vraiment commencé à prendre conscience de l’impact qu’il avait eu : sa joie de vivre, sa générosité, son grain de folie… Il a marqué les gens.”
À Castres, sur les terrains de rugby ou aux Fidji, une chose est sûre : l’esprit de Josaia plane encore. Il suffit de lever les yeux. Ou d’écouter, le soir, les chants qui montent des maisons de Lutu. Dans la nuit, jaillit la lumière.