Ces contraceptifs féminins, essentiellement des stérilets et des implants, étaient destinés aux femmes vivant dans les pays les plus défavorisés, notamment en Afrique subsaharienne. GARO / PHANIE VIA AFP
L’affaire agite ONG, associations féministes, syndicats et société civile : l’administration Trump a confirmé mi-juillet vouloir détruire des contraceptifs féminins, stockés dans un entrepôt en Belgique et qui pourraient être sous peu incinérés en France. Malgré des appels à empêcher une décision jugée « insensée », le ministère de la Santé a affirmé ce vendredi 1er août que le pays n’avait « aucun moyen pour [les] réquisitionner ».
• Des contraceptifs stocks en Europe destinés aux pays défavorisés
L’information a été révélée le 18 juillet par le quotidien britannique le « Guardian » : le gouvernement des Etats-Unis a décidé de détruire des contraceptifs féminins, essentiellement des stérilets et des implants, destinés aux femmes vivant dans les pays les plus défavorisés, notamment en Afrique subsaharienne.
Ces produits, qui auraient une valeur de 9,7 millions de dollars (8,3 millions d’euros), sont stockés dans un entrepôt à Geel, en Belgique, et doivent être incinérés « fin juillet » en France, précisent les deux sources citées.
A lire aussi
Aux Etats-Unis, le Pentagone met fin discrètement à une politique d’aide à l’avortement pour ses militaires
Un porte-parole du département d’Etat américain a confirmé auprès de l’AFP qu’une « décision préliminaire a été prise de détruire certains produits contraceptifs abortifs issus de contrats de l’USAID », l’agence américaine pour le développement international, passés sous la présidence de Joe Biden. La destruction de ces produits coûtera 167 000 dollars, précise-t-il.
• Un décret interdit le financement d’ONG pratiquant l’avortement
Depuis le retour de Trump au pouvoir, les Etats-Unis sont engagés dans des coupes drastiques de leur aide humanitaire et dans une politique anti-avortement. En janvier, le président américain a signé un décret rétablissant la « politique de Mexico », du nom d’une politique entrée en vigueur en 1984, qui interdisait le financement d’ONG étrangères pratiquant l’avortement ou militant activement en sa faveur.
A cela s’ajoutent le démantèlement de l’USAID et la révision à la baisse de l’aide internationale américaine, amputée le 18 juillet de quelque 9 milliards de dollars.
Auprès du « Guardian », le département d’Etat américain a également mis en avant la question des dates d’expiration des produits. Or, l’agence de presse Reuters, qui cite un document interne, affirme qu’ils expireront en réalité entre avril 2027 et septembre 2031.
• Une incinération en France ?
Un flou demeure sur la localisation actuelle de ces stocks, et sur leur statut actuel. La présidente du Planning familial, Sarah Durocher, a indiqué jeudi à l’AFP avoir été informée « il y a 36 heures d’un début de déstockage de ces cartons de contraceptifs ». « Mais on ignore où se trouvent les camions et s’ils sont arrivés en France », a-t-elle ajouté.
A lire aussi
Entretien
Nonna Mayer et Anja Durovic : « Trump a volontairement creusé le fossé de genre »
Le nom de l’entreprise chargée de l’incinération n’a pas non plus été dévoilé. En France, le groupe Veolia, parfois cité, a confirmé auprès de l’AFP avoir un contrat-cadre avec Chemonics, le prestataire logistique de l’USAID, mais précisé que ce contrat concernait « uniquement la gestion des produits périmés ce qui n’est pas le cas du stock » en Belgique. Sollicité par l’AFP, Suez a indiqué « ne pas fournir de services de gestion des déchets pour tous les produits contraceptifs achetés par l’USAID ».
Le ministère français de la Santé a aussi précisé ne pas avoir d’information sur l’endroit où doivent être incinérés ces contraceptifs.
• Tollé en France et ailleurs, une pétition lancée
La décision américaine a déclenché une levée de boucliers. « La France a la responsabilité morale d’agir, un gouvernement qui inscrit fièrement le droit à l’avortement dans sa Constitution doit également œuvrer pour protéger la contraception et les droits des jeunes filles au-delà de ses frontières », a estimé la présidente du Planning familial Sarah Durocher. « Nous appelons toutes les entreprises d’incinération à s’opposer à cette décision insensée », a-t-elle ajouté.
« La France ne peut devenir le théâtre de telles opérations, un moratoire s’impose », ont abondé cinq ONG, dont MSI Reproductive Choices, dans une tribune publiée vendredi sur le site du Monde, dénonçant l’« absurdité » de la décision américaine.
Une pétition lancée par des associations féministes et des syndicats a récolté 13 000 signatures en dénonçant un « gâchis économique et humain ».
A lire aussi
Billet
Aux Etats-Unis, le pire du pire n’est pas encore certain
Les Ecologistes ont adressé une lettre ouverte samedi à Emmanuel Macron, lui demandant d’intervenir en urgence pour empêcher la destruction. Une requête similaire a été à la Commission européenne par la délégation française du groupe des Verts au Parlement européen.
Aux Etats-Unis, la sénatrice démocrate du New Hampshire Jeanne Shaheen a dénoncé un « gâchis » et présenté une proposition de loi pour empêcher leur destruction.
• Des alternatives recherchées, « aucun moyen » pour la France de réquisitionner les stocks
Plusieurs organisations internationales engagées sur la question de la contraception, dont l’IPPF ou MSI Reproductive Choices ont affirmé avoir proposé, sans succès, à l’administration américaine de lui racheter et de reconditionner les stocks de contraceptifs.
La Belgique a aussi fait savoir qu’elle avait engagé des démarches diplomatiques auprès des autorités américaines et dit explorer toutes les « pistes possibles pour éviter la destruction de ces produits ».
A lire aussi
Archives
Il y a 50 ans dans « l’Obs » : la droite contre Lucien Neuwirth, la contraception et le Planning familial
La France s’est dit pour l’heure impuissante : « Côté français, nous avons examiné les moyens d’action dont nous disposions mais malheureusement, il n’existe pas de base juridique permettant une intervention d’une autorité sanitaire européenne et a fortiori de l’Agence nationale de la sécurité du médicament (ANSM) pour récupérer ces dispositifs médicaux », a indiqué le ministère de la Santé, sollicité par l’AFP.
« Dans la mesure où les contraceptifs ne sont pas des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM) et qu’en l’espèce nous ne sommes pas dans le cadre d’une tension d’approvisionnement, nous n’avons aucun moyen pour réquisitionner les stocks », a-t-on ajouté de même source.