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Le Nouvel Obs avec AFP
Des villageois attendent de recevoir des provisions distribuées par une association, à Wat Phnom Kamboar, dans la province d’Oddar Mean Chay au Cambodge, dimanche 27 juillet 2025, pendant les combats entre la Thaïlande et le Cambodge HENG SINITH/AP/SIPA
Les deux royaumes d’Asie du Sud-Est sont aux prises dans l’épisode le plus meurtrier en près de quinze ans d’un différend territorial au long cours. Les échanges de tirs, bombardements et frappes aériennes ont fait au moins 34 morts et provoqué le déplacement d’environ 200 000 personnes.
Les deux camps, joints samedi par le président américain, ont assuré vouloir entamer des discussions, mais ce dimanche au petit matin, les combats ont repris, et chaque capitale a accusé l’autre de manquer à sa parole.
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« Nous nous sommes précipités pour quitter notre maison ce matin », a témoigné auprès de l’AFP Maefah, 61 ans, qui habite à une quarantaine de kilomètres de la frontière, dans la province thaïlandaise de Sisaket. Elle a refusé de donner son nom de famille pour des raisons de sécurité.
« Tous mes voisins sont déjà partis. Nous ne pensons plus qu’il soit sûr de rester », a-t-elle déclaré. Accompagnée de quatre membres de sa famille, dont sa mère alitée de 97 ans, Maefah a pris la direction de Chachoengsao, non loin de Bangkok, à six heures de route.
Accusations réciproques
La Thaïlande et le Cambodge ont rapporté des affrontements aux alentours de 4h30 du matin (samedi 23h30 heure de Paris) près de temples contestés où les premiers affrontements ont éclaté jeudi.
Bangkok a commis des « actes d’agression délibérés et coordonnés », a affirmé la porte-parole du ministère cambodgien de la Défense, Maly Socheata, en dénonçant les « mensonges et faux prétextes » des Thaïlandais coupables d’« invasion illégale » à ses yeux.
Le ministère thaïlandais des Affaires étrangères a évoqué de son côté des « tirs d’artillerie lourde » de l’armée cambodgienne visant des « maisons de civils » dans la province de Surin.
« Toute cessation des hostilités est impossible tant que le Cambodge fait preuve d’un manque flagrant de bonne foi et continue de violer de manière répétée les principes fondamentaux des droits humains et du droit humanitaire », a indiqué la diplomatie thaïlandaise.
L’armée thaïlandaise a aussi accusé ce dimanche le Cambodge de recourir à des « armes de longue portée ».
Ces derniers jours, le conflit s’est répandu sur de multiples fronts, parfois éloignés de plusieurs centaines de kilomètres entre eux, de la province thaïlandaise de Trat, populaire auprès des touristes, sur le golfe de Thaïlande jusqu’à une zone surnommée « le Triangle d’émeraude » pour sa proximité avec le Laos.
Discussions en cours sur les droits de douane américains
Le président américain a annoncé samedi, après avoir échangé avec leurs dirigeants, que les deux pays étaient prêts à se rencontrer pour parvenir à un cessez-le-feu.
Donald Trump a salué deux « très bonnes conversations » et dit espérer que les deux voisins « s’entendront pendant encore de nombreuses années », dans un message sur son réseau Truth Social. Bangkok a dit « accepter en principe de mettre en place un cessez-le-feu », tout en attendant de voir si l’intention de Phnom Penh était « sincère ».
Le Premier ministre khmer Hun Manet a chargé son chef de la diplomatie, Prak Sokhonn, de se coordonner avec son homologue américain Marco Rubio en vue de « mettre fin » au conflit.
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La Thaïlande et le Cambodge sont en pleines discussions avec la Maison-Blanche au sujet des droits de douane prohibitifs qui doivent frapper ces deux économies dépendantes des exportations le 1er août.
Donald Trump a affirmé qu’il était « inapproprié » de revenir à la table des négociations sur le volet commercial tant que les combats « n’auront pas cessé ». Les Nations unies ont aussi exhorté samedi les deux voisins à conclure « immédiatement » un cessez-le-feu.
Rencontre lundi en Malaisie
Bangkok a annoncé ce dimanche soir que le Premier ministre thaïlandais par intérim Phumtham Wechayachai allait se rendre lundi en Malaisie, pour ce qui pourrait être sa première rencontre avec son homologue khmer Hun Manet, sous la médiation du dirigeant malaisien Anwar Ibrahim, qui préside le bloc régional de l’Asean dont la Thaïlande et le Cambodge sont membres.
Anwar Ibrahim a déclaré que les pourparlers prévus devaient porter sur un cessez-le-feu immédiat entre les deux pays en conflit. Les représentants des gouvernements cambodgien et thaïlandais « m’ont demandé d’essayer de négocier un accord de paix », a-t-il dit ce dimanche soir, selon l’agence de presse nationale Bernama.
« Je discute des paramètres, des conditions, mais ce qui est important, c’est (un) cessez-le-feu immédiat », a déclaré le Premier ministre malaisien, quis’était proposé comme médiateur dès jeudi.
Le Cambodge n’a pas commenté les pourparlers prévus, qui doivent débuter à 15 heures (9 h à Paris). Hun Manet, pendant son entretien avec Donald Trump, a rappelé que le Cambodge « approuvait la proposition d’un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel ».
Les discussions ont pour objectif d’« écouter toutes les propositions » et de « rétablir la paix », a expliqué le Bureau du chef du gouvernement thaïlandais dans un communiqué.
Une frontière définie au temps de l’Indochine française
Les relations diplomatiques entre les deux voisins, liés par de riches liens culturels et économiques, sont au plus bas depuis des décennies. L’épisode en cours a fait 20 morts côté thaïlandais, dont huit soldats, alors que le Cambodge a fait état d’un bilan de 13 morts dont cinq militaires.
Plus de 138 000 Thaïlandais ont évacué les zones à risques, selon Bangkok, et plus de 80 000 Cambodgiens de leur côté de la frontière, d’après Phnom Penh.
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Les deux pays contestent le tracé de leur frontière commune, définie durant l’Indochine française. Avant les combats actuels, l’épisode le plus violent lié à ce différend remontait à des affrontements autour du temple de Preah Vihear entre 2008 et 2011, qui avaient fait au moins 28 morts et des dizaines de milliers de déplacés.
Le tribunal des Nations Unies a donné raison au Cambodge deux fois, en 1962 et en 2013, sur la propriété du temple Preah Vihear, classé au patrimoine mondial par l’Unesco, et d’une zone alentour.