Dans le château de Pechrigal, à Saint-Clair (Lot), Léo Ferré a vécu cinq années hors du temps, entouré d’animaux et d’amitiés précieuses. Un épisode unique et vibrant qui continue de faire vibrer la mémoire du village qui se souvient du passage du chanteur et compositeur de renom.
Portes closes à Pechrigal. À quelques kilomètres de la sous-préfecture du Lot, Gourdon, dans le petit village de 200 âmes de Saint-Clair, le château du XVIe siècle ayant appartenu à Léo Ferré entre 1963 et 1968 n’offre plus ses secrets à ceux qui souhaitent les découvrir. La “faute” à des dernières années mouvementées pour ses propriétaires.
Laissé à l’abandon après le passage du poète et compositeur français dans les années 1970, l’immense demeure médiévale avait été rachetée en 1998 par John Manchec, un multimillionnaire américain. Ce dernier l’avait restaurée avant de la transformer en hôtel de luxe. Mais l’homme a été récemment incarcéré en Floride, accusé de détention d’images pédopornographiques. Il avait conçu un plan d’évasion pour regagner son château à Saint-Clair, mais celui-ci a échoué.
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Mis aux enchères par John Manchec en 2018, l’ancien château de Léo Ferré n’a pas trouvé d’acquéreur dans un premier temps. Il est désormais la propriété d’un homme originaire d’Angleterre, qui réside à Pékin, mais qui n’a pas souhaité répondre à nos questions. “Un type qui a l’air plutôt gentil, très poli, mais je me méfie de ces gens-là désormais (rires). Manchec était sympa aussi et regardez comment ça s’est terminé”, confie André Manie, maire du village depuis 34 ans désormais.
“Il se faisait livrer du champagne”
Le château est toujours debout, mais il ne se dévoile plus. Ses différents portails restent fermés, et la végétation qui les entoure, très sauvage, prouve qu’il est moins bien entretenu qu’auparavant. Un autre temps, une autre époque. Différente des cinq années passées par Léo Ferré à Saint-Clair. Tombé amoureux du coin à l’occasion d’un concert dans le département, le Monégasque avait décidé de s’y installer avec sa compagne de l’époque, Madeleine.
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Le couple ne vivait pas seul puisque Léo Ferré avait créé une véritable arche de Noé au sein de son jardin. “On y trouvait singes, chiens, un poney et quelques ânes”, se souvient André Manie. Et puis sa célèbre guenon, Pépée, “qui balançait des tuiles sur les gens (rires). Il fallait être vigilant et lever la tête lorsqu’on arrivait là-bas”, poursuit l’élu qui a côtoyé l’artiste durant ses jeunes années au village. “On allait le chercher à la gare. Il venait manger chez nous, on allait chez lui. C’était dans les grandes années du village. Il se faisait livrer du champagne de très bon goût. Même si son séjour fut court, l’empreinte est restée”, explique André Manie.

De nombreux invités dont George Brassens
Une empreinte qui a marqué toute une commune qui se souvient d’un homme “charmant, discret, qui cherchait la tranquillité”. Mais malgré cela, le calme et l’apaisement étaient de courte durée au château. “On se demandait comment cette histoire allait se terminer. […] Lorsque la guenon était en colère, il fallait faire attention”, nous racontait en 2023, Marie-Christine Diaz, gouvernante de Léo Ferré durant ses cinq années, avant de devenir sa femme et s’installer avec lui en Toscane, en 1971. Une agitation aux nombreuses conséquences : dans le salon se trouvaient uniquement une table, des chaises, un ou deux fauteuils, et la télévision. Ceci afin d’éviter un maximum de casse.
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Certaines pièces et parties du château étaient fermées à clé, dont le bureau de Léo Ferré. Âgé de 47 ans lorsqu’il est arrivé à Pechrigal, le chanteur y a trouvé un endroit isolé, où il pouvait composer sans être dérangé. Il y recevait ses amis, dont Georges Brassens. Les deux hommes ont passé des heures et des heures à écrire et harmoniser de nouvelles mélodies au sein de la vieille bâtisse. “Léo Ferré avait un cercle restreint de proches et ne faisait pas de bruit avec eux. Mais il a toujours fait preuve de bienveillance”, raconte encore André Manie.

Comme lorsque les adolescents du village lui demandèrent dans les années 1960 un peu d’argent pour organiser la fête votive. “On est allés le voir, et d’abord il nous a envoyés promener. Il pensait qu’on voulait qu’il vienne à la fête. On l’a recontacté, on lui a expliqué qu’on voulait juste un peu d’argent. La première fois, il nous a donné 500 francs – énorme à l’époque (années 60), alors que la plupart donnaient 50 francs max, voire 10”, confie l’élu de Saint-Clair. Entre figures étonnantes, patrimoine vivant et souvenirs nombreux, les années Léo Ferré à Pechrigal furent agitées, à la croisée de l’ombre et de la lumière, dans un château isolé d’Occitanie. Et qui se souvient, encore, 50 ans après, de son passage.