Un drapeau lors du déplacement du ministre des Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne, Riyad al-Maliki, en Allemagne, le 13 février 2024. STEFAN BONESS/IPON/SIPA
« Fidèle à son engagement historique pour une paix juste et durable au Proche-Orient, j’ai décidé que la France reconnaîtra l’Etat de Palestine. » C’est par ces mots que le président de la République Emmanuel Macron a annoncé ce jeudi 24 juillet que la France allait reconnaître l’Etat de Palestine en septembre à l’ONU. Son espoir : créer une dynamique collective en ce sens. Las, depuis son annonce, ce sont plutôt les critiques d’Israël et des Etats-Unis qui pleuvent… Pour Benyamin Netanyahou, la décision française est une « récompense de la terreur ». Pour le secrétaire d’Etat américain Marco Rubio, c’est une décision « imprudente », qui fait reculer la paix, « un camouflet pour les victimes du 7 octobre ».
Qu’en est-il dans le reste du monde ?
Pourtant, la majorité des 193 pays membres de l’ONU reconnaissent désormais l’Etat de Palestine, puisque actuellement (sans la France, donc) 148 pays reconnaissent cet Etat, plus le Vatican (qui n’est pas membre de l’ONU). La reconnaissance a commencé en 1988 : c’est, en effet, le 15 novembre 1988, quelques mois après le début de la première Intifada (soulèvement palestinien contre l’occupation israélienne), que le dirigeant de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) Yasser Arafat a autoproclamé, depuis Alger, « l’établissement de l’Etat palestinien », avec Jérusalem pour capitale, à la tribune du Conseil national palestinien (CNP) en exil. Quelques minutes plus tard, l’Algérie reconnaît officiellement un « Etat indépendant palestinien », suivie le jour même par onze autres pays, dont la Libye, le Maroc et la Malaisie.
Une semaine après, quarante pays, dont la Chine, l’Inde, la Turquie et la plupart des pays arabes, ont déjà fait la même démarche. Suivront presque tous les pays du continent africain et du bloc soviétique dont 82 d’entre eux avant même la fin de l’année 1988.
Dans une seconde vague, à partir des années 2000 mais surtout 2010, ce sont la plupart des pays d’Amérique centrale et latine qui, à leur tour, rejoignent la désormais longue liste des Etats reconnaissant la Palestine.
En 2014, la Suède, qui compte une importante communauté palestinienne, deviendra pour sa part le premier pays de l’Union européenne à reconnaître un « Etat de Palestine », la République tchèque, la Hongrie, la Pologne, la Bulgarie, la Roumanie et Chypre l’ayant fait avant de rejoindre l’UE. Une décision qui lui vaudra des années de relations houleuses avec Israël…
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L’Occident joue bande à part
Aujourd’hui, comme le montre notre carte, la majorité des pays n’ayant pas encore procédé à une telle reconnaissance sont les pays occidentaux, des Etats-Unis à l’Australie, en passant par la quasi-totalité des pays de l’Europe de l’Ouest, mais également le Japon et la Corée du Sud.
Cela ne signifie pas, pour autant, que ces pays sont opposés à une solution à deux Etats, mais leur reconnaissance de la Palestine est conditionnée aux résultats d’hypothétiques négociations en direct entre Israël et la Palestine…
C’est en 2024 que la reconnaissance a commencé à diviser les Occidentaux, en particulier lors de l’annonce de la reconnaissance de la Palestine par le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez, qui a tenté, comme Emmanuel Macron désormais, de rallier plusieurs pays européens à l’idée d’une reconnaissance d’un Etat palestinien.
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Cela ne signifie pas, non plus, que ces pays ostracisent la Palestine (ou les Territoires palestiniens, selon les différentes appellations) : en effet, comme notre carte permet de le visualiser, la plupart d’entre eux entretiennent des relations diplomatiques avec le pays.
Le Royaume-Uni et l’Italie possèdent ainsi des « consulats généraux » à Jérusalem, tout comme les Etats-Unis, jusqu’à ce que Donald Trump décide de sa fusion avec l’ambassade israélienne tout récemment déménagée à Jérusalem. Après l’élection de Joe Biden, le gouvernement démocrate avait affiché son souhait de rouvrir le consulat général, sans que cela soit néanmoins effectif à ce jour. De leurs côtés, Canada et Portugal disposent de « bureaux » à Ramallah.
Des manifestants brandissent des drapeaux palestiniens contre un projet d’annexion israélien en Cisjordanie, en 2020. Photo d’illustration. LUAY SABABA/NURPHOTO VIA AFP
Et la France ?
La France, qui dispose également d’un consulat général à Jérusalem, a, très tôt, par la voix de ses présidents, prôné une solution à deux Etats. Ainsi, François Mitterrand avait évoqué la création d’un Etat palestinien dès 1982, devant la Knesset, le Parlement israélien. Sans aller jusqu’à la reconnaissance unilatérale. Une doctrine globalement tenue par ses successeurs, jusqu’en 2014, date à laquelle le ministre des Affaires étrangères de François Hollande, Laurent Fabius, avait assuré que la France reconnaîtrait unilatéralement l’Etat de Palestine d’ici 2016, en cas d’échec des négociations de paix lancées à l’époque.
L’ancien ministre de la Défense de François Hollande (puis ministre des Affaires étrangères d’Emmanuel Macron), Jean-Yves Le Drian, a, dans la même lignée, estimé jeudi que la France devait reconnaître l’Etat palestinien, une manière, selon lui, de faire pression sur Israël pour sortir de la situation de blocage à Gaza.
« A titre personnel, je pense qu’il faudrait le faire. Il faut poser des actes de ce type pour avancer en Israël. On ne peut pas continuer comme cela. »
Pour sa part, Emmanuel Macron avait déjà franchi un premier cap en février 2024, estimant qu’une reconnaissance unilatérale d’un Etat palestinien « n’est pas un tabou pour la France ». Après l’annonce d’Emmmanuel Macron, la France devrait donc devenir le 150e pays à reconnaître la Palestine en septembre.