July 26, 2025

ENTRETIEN. "Il va y avoir des déserts pharmaceutiques", prévient le président du conseil de l’Ordre des Pharmaciens

l’essentiel
Depuis début juillet, les pharmaciens sont en grève pour protester contre la baisse annoncée de la rémunération sur les médicaments génériques. Alors que les discussions se poursuivent avec le ministère de la Santé, Bruno Galan, président du Conseil de l’Ordre des pharmaciens d’Occitanie, analyse pour la Dépêche du Midi les conséquences d’une réforme qu’il juge dévastatrice.

La Dépêche du Midi : Comment les mesures annoncées vont-elles impacter les pharmaciens ?

Très durement. On s’attaque au pilier économique de l’officine. Depuis des années, les pharmaciens ont joué le jeu en promouvant le générique, ce qui a permis à l’assurance maladie de faire de grosses économies. En échange, une remise commerciale avait été accordée. Or, cette remise est aujourd’hui leur principale source de revenus. La diminuer fortement, c’est mettre en péril des milliers d’officines. Selon les syndicats, on pourrait aller jusqu’à 6 000 fermetures. Derrière, ce sont des licenciements, mais surtout une menace pour la santé de proximité. Une pharmacie c’est une garantie d’accès aux soins pour tous.

C’est-à-dire ?

On est bien plus qu’un distributeur de médicaments. Le pharmacien est devenu un professionnel de premier recours capable d’orienter, de conseiller et parfois de prendre en charge directement. Pendant le Covid, les pharmacies ont prouvé qu’elles étaient des centres de santé ouverts 7 jours sur 7, accessibles, fiables, présentes partout et pour tous. Encore aujourd’hui, les patients viennent spontanément pour un conseil, un soin ou pour être orientés. La pharmacie est une porte d’entrée rassurante dans le parcours de soins, surtout à une époque où il est de plus en plus difficile de trouver un médecin. Supprimer ce point d’accès, c’est fragiliser tout l’édifice et mettre en danger les patients.

Cette remise sur les médicaments génériques est-elle vraiment vitale pour les pharmaciens ?

Oui, elle est absolument essentielle. Je peux vous le dire en tant que pharmacien : mon officine repose en grande partie sur cette remise. Environ 80 % de notre chiffre d’affaires est lié au médicament, et plus particulièrement au générique. Ce sont les 40 % de remise sur les génériques qui ont permis, jusque-là, de maintenir un équilibre économique. Si on réduit cette marge, on réduit directement le pouvoir financier de l’officine. On a vraiment peur pour notre avenir.

Certains territoires sont-ils plus menacés que d’autres ?

Oui, très clairement. Les zones rurales sont les plus vulnérables. En ville, même si une officine ferme, d’autres existent souvent à proximité. Mais dans les campagnes, une pharmacie peut couvrir tout un secteur isolé. Et si elle disparaît, il va y avoir des déserts pharmaceutiques, en plus des déserts médicaux déjà bien installés. C’est une double peine pour les habitants. Aujourd’hui, dans certaines communes, il n’y a plus de médecin. Et quand une pharmacie ferme à son tour, les patients doivent parcourir des dizaines de kilomètres pour obtenir un simple conseil ou un traitement. C’est injuste et dangereux, notamment pour les personnes âgées, les malades chroniques ou les familles isolées. Il faut absolument préserver cette proximité qui fait la force du modèle français.

Que répondez-vous à ceux qui disent qu’il faut faire des économies ?

Ils ont raison. Il faut faire des économies, mais pas au prix de la santé publique. On parle ici de quelques millions d’euros que le gouvernement cherche à récupérer en risquant la fermeture de milliers d’officines. Cela n’a aucun sens. On ne peut pas considérer la santé comme une variable d’ajustement budgétaire. Si l’État veut réformer la rémunération des pharmaciens, alors qu’il engage une réflexion de fond. Pas un simple rabotage de pourcentages. Aujourd’hui, on applique un pansement sur une jambe de bois. Et on risque d’en payer très cher les conséquences demain, quand les officines auront disparu, et qu’on se rendra compte qu’on a cassé un pilier essentiel du soin en France.

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