July 24, 2025

"Des bergers se sont retrouvés face à un ours à moins de 30 mètres" : au cœur des tensions, les tirs d’effarouchement bientôt retoqués par la justice ?

l’essentiel
Alors que des tirs d’effarouchement sont en cours en Ariège, l’association de défense animale One Voice a saisi la justice pour contester un arrêté préfectoral qu’elle juge illégal et précipité sur l’estive d’Arreau. En cause : des mesures jugées disproportionnées à l’encontre d’une espèce en danger critique.

Le 19 juillet 2025, la préfecture d’Ariège a publié un arrêté autorisant des mesures d’effarouchement renforcé contre les ours sur les estives du GP d’Arreau et de Taus Espugues. Ces décisions, prises sous la pression d’éleveurs confrontés à des attaques, ont immédiatement été contestées par l’association One Voice. Celle-ci a déposé un référé liberté devant le tribunal administratif, dénonçant une atteinte manifeste aux droits d’une espèce protégée, dont la population dans le massif pyrénéen ne dépasse pas la centaine d’individus.

L’audience s’est tenue ce mercredi 23 juillet, deux jours après le début des opérations. Florian Ferjoux, avocat de l’association, a défendu le recours en urgence : “Même s’il ne reste que deux jours d’effarouchement à suspendre, cela aura un effet utile. Et surtout, cela pourrait orienter les décisions à venir.” Pour One Voice, ce référé constitue aussi un acte politique.

La préfecture répond aux accusations

Dans un communiqué, l’association dénonce des “manœuvres déloyales” de la préfecture, accusée de publier les arrêtés à la dernière minute, rendant toute contestation difficile dans les délais impartis. Une stratégie qu’elle juge récurrente et assimilée à un “jeu du chat et de la souris”.

Anne Calmet, directrice de la Direction départementale des territoires, réfute ces critiques : “Ce n’est pas du tout dans cet esprit-là qu’on travaille. Lorsqu’un arrêté est pris, c’est pour appliquer une dérogation prévue pour les espèces protégées, quand une estive en a réellement besoin. On ne prend pas en compte les réactions de One Voice dans nos décisions.”

Elle rappelle le cadre légal fixé par un arrêté ministériel de 2023. Celui-ci autorise les effarouchements renforcés uniquement si plusieurs conditions sont réunies : un troupeau correctement protégé, des attaques malgré ces protections, un échec de l’effarouchement simple, et la persistance des prédations. Dans ce cas, la brigade grands prédateurs de l’OFB peut intervenir.

“Des tirs qui font du bruit”

“Concrètement, l’effarouchement renforcé consiste en des tirs qui font du bruit”, explique Anne Calmet. Elle indique qu’un arrêté avait déjà été pris la semaine précédente sur cette même estive, mais qu’aucun tir n’avait finalement été réalisé faute de situation justifiant leur usage. “Habituellement, ces actions se déroulent la nuit. Cette fois, le préfet a adapté les modalités à la suite de plusieurs attaques survenues en journée, ce qui reste rare.”

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Elle cite un épisode récent : “Avec le brouillard, des bergers se sont retrouvés face à un ours à moins de 30 mètres, en plein jour, en train de consommer une brebis. C’est dans ce contexte que l’autorisation d’un effarouchement diurne a été accordée.”

Le verdict doit être rendu ce jeudi.
Le verdict doit être rendu ce jeudi.
DDM illustration – LAURENT DARD

Un encadrement contesté mais maintenu

Pour One Voice, cette évolution marque un tournant préoccupant. L’autorisation de tirs en journée représenterait une rupture d’égalité en matière de protection des espèces. “C’est une évolution dangereuse”, alerte l’association, qui évoque les conséquences physiologiques et comportementales encore mal connues sur des animaux sensibles au stress.

Elle craint une généralisation de ces pratiques : “La préfecture agit au coup par coup, sous pression”, regrette One Voice, qui déplore l’absence de dialogue avec les autorités. “On ne nie pas les attaques, mais l’ours a été réintroduit par l’État. Il faut aller au bout du raisonnement”, insiste Me Ferjoux.

Avec une population estimée à moins de 100 individus répartis entre la France, l’Espagne et l’Andorre, l’association appelle à privilégier des solutions moins brutales : “La priorité doit rester la cohabitation, pas l’intimidation.” Le jugement est attendu ce jeudi.

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