Dans le monde agricole gascon, partir en vacances semble rester un luxe. Entre surcharge de travail et faible rémunération, le sujet est sensible malgré quelques départs d’exploitants en période estivale. Rencontres.
Dans un champ de vignes aux alentours d’Eauze, dans le Gers, un tracteur vert fend les rangs, rognant les feuilles au passage. Arrivé au bout de la ligne, un jeune exploitant descend du marchepied. Les joues rougies par la chaleur, il dégage quelques branches de son pare-brise. “Je rentre de vacances, souffle-t-il, encore essoufflé. Alors je dois m’activer pour avancer le travail.”
Alexis*, entrepreneur en travaux agricoles dans le Gers, a profité d’une courte accalmie après les moissons pour s’échapper quelques jours vers les plages du Sud-ouest. “En tant qu’entrepreneur, je vais rapidement enchaîner avec les vendanges, puis les travaux du sol, et très vite les semis. J’ai voulu profiter de cette petite fenêtre pour partir une semaine à la mer”, raconte-t-il, encore un peu rêveur.
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Mais à peine rentré sur les terres gasconnes, le travail le rattrape. “Mes clients m’ont tous sollicité en même temps. Alors j’essaie de répondre à tout le monde. C’étaient mes seules vacances de l’année… Je pense que pour repartir, il faudra attendre décembre. À voir si la période sera vraiment plus calme.”
Des congés rares, entre contraintes de planning et manque de moyens
À quelques kilomètres de là, pour Sébastien Pigache, producteur de canards, les vacances approchent doucement. “J’ai tué les derniers canards hier, explique-t-il. On devrait reprendre le gavage le 5 septembre. Entre-temps, il faut s’occuper de la commercialisation. C’est vrai que l’été, on a très peu de possibilités pour partir, mais on a prévu quelque chose pour la toute fin août.”

Pour lui, le principal frein aux vacances n’est pas tant le calendrier agricole que le coût que cela représente. “Aujourd’hui, énormément d’agriculteurs se rémunèrent très mal, déplore le syndicaliste de la Confédération paysanne. Quand on veut partir en vacances, c’est compliqué financièrement. La colère agricole qu’on a vue récemment vient aussi de là. Vivre dignement de son métier, ça comprend aussi le droit de partir en vacances…”
Ni Alexis ni Sébastien n’ont, pour l’heure, eu besoin du Service de remplacement du Gers, qui permet justement aux exploitants de s’absenter tout en assurant la continuité du travail. Et pourtant, ce système se démocratise. “Aujourd’hui, ça évolue, confie Stéphane Minguet, son président. Pour nos grands-parents, il ne fallait surtout pas parler de congés, c’était presque un gros mot. Heureusement, les jeunes veulent changer ça.”
Un soutien pour les agriculteurs désirant partir en congés
Depuis les années 2010, le Service de remplacement propose aux agriculteurs un crédit d’impôt, afin d’alléger le coût des congés. “Ce crédit est passé de 50 % à 60 % de prise en charge quotidienne, précise Stéphane Minguet. Un exploitant peut bénéficier de 17 jours de vacances avec ce crédit, à condition de passer par notre service.”
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Concrètement, l’agriculteur part en vacances pendant qu’un salarié prend le relais sur l’exploitation. L’État prend alors en charge 60 % du coût de chaque journée. “Ce n’est pas négligeable, même si ce n’est pas parfait, reconnaît Stéphane Minguet. On reste probablement la seule profession où l’on doit se payer ses propres congés.”
Les remplacements estivaux représentent aujourd’hui environ 30 % de l’activité du service. “Notre mission, c’est d’anticiper au mieux les absences, en plaçant le salarié le plus adapté à chaque exploitation.” Selon lui, le mois d’août reste le plus propice aux congés. “La période idéale, ce serait entre le 15 et le 30 août : la fin de l’irrigation approche, les vendanges n’ont pas encore commencé… C’est un moment un peu plus calme.” Une période qui s’annonce sans doute restreinte, avec des fortes chaleurs qui encourageraient des vendanges dès la fin du mois d’août.
*Le prénom a été modifié.