Laurent Vinatier, chercheur français accusé d’avoir collecté des informations militaires russes sans être enregistré comme « agent étranger », lors d’une audience à Moscou, le 16 septembre 2024. ALEXANDER NEMENOV / AFP
La Russie a annoncé avoir fait une « proposition » à la France concernant l’affaire du chercheur français Laurent Vinatier, emprisonné en Russie depuis juin 2024 et qui pourrait être jugé pour « espionnage », a indiqué jeudi le Kremlin.
« Il y a eu des contacts appropriés entre notre partie et les Français. En effet, une proposition a été faite aux Français concernant Vinatier », a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, lors de son point de presse quotidien auquel participait l’AFP.
« La balle est dans le camp de la France maintenant », a-t-il ajouté, sans plus de précisions.
Interrogé sur ce sujet vendredi dernier lors de sa conférence de presse annuelle, le président russe Vladimir Poutine a affirmé « ne rien savoir » de cette affaire et en entendre parler pour la première fois. « Je vous promets que je vais me renseigner. Et s’il y a la moindre chance de résoudre cette question de manière positive, si la loi russe le permet, nous ferons tout notre possible », a-t-il alors assuré.
Le président français Emmanuel Macron est « pleinement mobilisé » pour obtenir la libération « le plus rapidement possible » du chercheur a fait savoir son entourage jeudi dans la soirée. « Le Président de la République suit avec la plus grande attention la situation de notre compatriote Laurent Vinatier, arrêté, condamné et retenu arbitrairement en Russie », a-t-on indiqué.
Un nouveau procès fin février 2026
Laurent Vinatier a été condamné en octobre 2024 par un tribunal russe à trois ans de prison pour ne pas s’être enregistré en tant qu’« agent de l’étranger », alors qu’il collectait des « informations militaires » pouvant être « utilisées contre la sécurité » de la Russie. L’intéressé avait reconnu les faits, mais plaidé l’ignorance.
En août, il avait comparu devant un tribunal russe pour des accusations d’« espionnage » qui, si elles étaient confirmées, risqueraient d’alourdir considérablement sa peine.
L’enquête a été prolongée et il pourrait connaître un nouveau procès pour espionnage fin février 2026, selon son avocat français.
Laurent Vinatier avait déclaré en août ne s’attendre « à rien de bien, à rien de positif » après avoir appris ces nouvelles accusations.
Sa famille « espère qu’il puisse être libéré pendant les fêtes » de fin d’année d’ici au Noël orthodoxe le 7 janvier, a déclaré jeudi son avocat, Me Frédéric Belot, à l’AFP, ajoutant qu’elle entretient un « espoir prudent ». « Nous avons toute confiance dans la diplomatie française qui fait son maximum », a poursuivi Me Belot, espérant que le sort de Laurent Vinatier soit évoqué à l’occasion d’un échange entre les présidents russe Vladimir Poutine et français Emmanuel Macron. Une cinquantaine de personnalités, dont les écrivains Emmanuel Carrère et Annie Ernaux, ont demandé à la France d’oeuvrer à sa libération dans une tribune publiée par le journal « Le Monde », estimant qu’il était « prisonnier d’un jeu politique et diplomatique qui le dépasse ».
Ce chercheur de 49 ans, spécialiste de l’espace post-soviétique, était employé par le Centre pour le dialogue humanitaire, une ONG suisse qui fait de la médiation dans des conflits hors des circuits diplomatiques officiels, notamment s’agissant de l’Ukraine.
Très léger rapprochement entre Paris et Moscou
La Russie a arrêté plusieurs ressortissants occidentaux pour divers motifs depuis le début de la guerre en Ukraine en 2022 et a procédé à des échanges de prisonniers avec les Etats-Unis. Paris a exigé de Moscou la libération de son ressortissant, accusant la Russie de chercher à prendre des Occidentaux en otage.
Les relations entre Paris et Moscou ont été glaciales ces dernières années, la France accusant la Russie d’actes de déstabilisation et de désinformation sur son territoire, tandis que Paris se voit reprocher par Moscou son soutien militaire à l’Ukraine ou encore de censurer les médias russes.
Fin novembre, trois personnes ont par ailleurs été mises en examen et écrouées à Paris dans le cadre d’une double affaire d’ingérence et d’espionnage économique au profit de Moscou.
La semaine dernière, le président français Emmanuel Macron a cependant jugé qu’il allait « redevenir utile » pour les Européens de parler à Vladimir Poutine, plutôt que de laisser seuls les Etats-Unis -qui s’imposent en médiateur principal dans le règlement du conflit ukrainien – à la manoeuvre dans les négociations.
Dmitri Peskov a réagi aussitôt en disant que Vladimir Poutine était « prêt au dialogue » avec son homologue français.
Contacté par l’AFP, le ministère français des Affaires étrangères s’est refusé à tout commentaire.

