La Première ministre danoise Mette Frederiksen, le président du Conseil européen António Costa et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen lors de la conférence de presse après le sommet de l’UE, le 19 décembre 2025 à Bruxelles. MICHAEL KAPPELER/DPA/SIPA
Volodymyr Zelensky peut souffler. Les Européens ont décidé vendredi 19 décembre de financer, pendant au moins deux ans, l’effort de guerre en Ukraine via un emprunt en commun de 90 milliards d’euros. Un prêt qui n’aura pas recours aux avoirs russes gelés en Europe, faute d’accord. Des heures de tractations, entre diplomates puis entre dirigeants européens, n’ont pas permis d’aboutir à un compromis face à une Belgique réticente et craignant des représailles, alors qu’elle héberge l’essentiel des avoirs russes gelés.
Venu pour l’occasion d’Ukraine, le président Volodymyr Zelensky a applaudi « un soutien important » et inédit, même s’il espérait faire payer la Russie. Après la fermeture du robinet américain décidée par le président Donald Trump, l’UE s’était engagée à assurer l’essentiel du soutien financé et militaire de Kiev, qui risquait d’être à court d’argent dès le premier trimestre 2026. « Le Nouvel Obs » fait le point.
· « Un message décisif pour mettre fin à la guerre »
Les dirigeants des 27 Etats membres devaient coûte que coûte trouver une solution durable pour Kiev. Les 27 vont ainsi accorder à Kiev un prêt à taux zéro, financé par le budget de l’Union européenne, que l’Ukraine n’aura à rembourser que si la Russie lui paie des réparations, a précisé devant la presse la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
« C’est un message décisif pour mettre fin à la guerre, car (Vladimir) Poutine ne fera des concessions que lorsqu’il comprendra que sa guerre ne lui rapportera rien », a assuré le chancelier allemand Friedrich Merz à l’issue de cet accord arraché au milieu de la nuit à Bruxelles.
Le dirigeant allemand soutenait pourtant depuis des mois une utilisation des avoirs gelés russes en Europe pour financer ce prêt. Il a quitté Bruxelles sans avoir eu gain de cause, et contraint par ailleurs d’accepter un report de la signature d’un accord de libre-échange avec les pays sud-américains du Mercosur, obtenu par la France et l’Italie.
• Pas de recours aux avoirs russes
Faute d’accord sur le recours aux avoirs de la banque centrale russe, totalement inédit et à haut risque, les 27 se sont ralliés à un emprunt commun. « Nous nous sommes engagés, nous avons tenu promesse », s’est félicité devant la presse le président du Conseil européen Antonio Costa, qui a mené les travaux de ce sommet.
« Après de longues discussions », il est clair que le recours aux avoirs russes « nécessite davantage de travail », avait reconnu dans la nuit de jeudi à vendredi un responsable européen, sous couvert d’anonymat. Un accord butait depuis des semaines sur la vive réticence de la Belgique, où se trouve l’essentiel de ces avoirs gelés, soit quelque 210 milliards d’euros. L’idée était d’y recourir pour financer un « prêt de réparation » de 90 milliards en faveur de l’Ukraine.
Des heures de tractations, entre diplomates puis au niveau des dirigeants européens, réunis jeudi soir en conclave, n’ont pas permis de dégager un compromis.
• Zelensky rassuré mais reste sur sa faim
« Il s’agit d’un soutien important qui renforce véritablement notre résilience », a réagi le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui s’était déplacé à Bruxelles pour mieux marteler son message, en remerciant les dirigeants européens. « Il est important que les actifs russes restent immobilisés et que l’Ukraine ait reçu une garantie de sécurité financière pour les années à venir », a-t-il écrit sur le réseau social X.
Le président ukrainien n’a été que partiellement entendu, après avoir lui aussi plaidé sans relâche pour faire payer la Russie. L’Ukraine reste toutefois assurée d’avoir les fonds nécessaires alors que les combats continuent en dépit d’intenses négociations en cours.
• Une décision inédite
« Garantir 90 milliards d’euros à un autre pays pour les deux prochaines années, je ne crois pas que cela se soit jamais vu dans notre histoire », a jugé la Première ministre danoise Mette Frederiksen, dont le pays assure la présidence du Conseil de l’UE jusqu’à la fin de l’année.
Les besoins de financement de Kiev ont été estimés à 137 milliards d’euros, l’UE s’engageant à prendre en charge les deux tiers, soit 90 milliards d’euros. Le reste devant être assuré par les autres alliés de l’Ukraine, comme la Norvège ou le Canada.
L’accord sur l’emprunt a été trouvé à 27 mais l’opération ne se fera qu’à 24, la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque – trois pays réticents à soutenir financièrement l’Ukraine – en étant exemptés.
Le président américain s’est à nouveau impatienté jeudi, invitant l’Ukraine à « bouger rapidement », avant que la Russie ne « change d’avis ». Le président Emmanuel Macron a de son côté jugé qu’il allait « redevenir utile de parler à Vladimir Poutine ». Un émissaire du Kremlin pour les questions économiques, Kirill Dmitriev, a salué vendredi une victoire du « bon sens », après la décision de l’UE de ne pas recourir aux avoirs russes gelés.

