December 10, 2025

Grippe aviaire, dermatose bovine, peste porcine… Les éleveurs face aux épidémies

l’essentiel
Influenza aviaire hautement pathogène, dermatose nodulaire contagieuse bovine, fièvre catarrhale ovine et menace de peste porcine africaine : fin 2025, les filières d’élevage françaises affrontent une succession d’épizooties inédites par leur concomitance. Entre abattages massifs, campagnes de vaccination et zones réglementées, les tensions montent entre pouvoirs publics et syndicats.

En cette fin d’année 2025, le monde de l’élevage français fait face à une situation sanitaire inédite par son cumul : risque “élevé” d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP), épizootie installée de fièvre catarrhale ovine (FCO), émergence rapide de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) chez les bovins et menace toujours présente de peste porcine africaine (PPA).

Cette superposition d’alertes nourrit un climat d’angoisse chez les agriculteurs, déjà éprouvés par les conséquences économiques et réglementaires des précédentes crises sanitaires.

La DNC n’est pas transmissible à l’être humain

Au premier plan des inquiétudes figure la DNC bovine, apparue pour la première fois en France le 29 juin dernier en Savoie et dont un premier cas serait confirmé en Ariège depuis hier. Cette maladie virale, transmise par des insectes piqueurs, provoque fièvre, lésions cutanées nodulaires, pertes de production et, dans certains cas, la mort des animaux. Elle n’est pas transmissible à l’être humain, ni par contact, ni par consommation de produits issus d’animaux infectés, mais ses impacts zootechniques et commerciaux sont majeurs.

Au 4 décembre, 108 foyers étaient recensés dans sept départements – Savoie, Haute-Savoie, Ain, Rhône, Jura, Pyrénées-Orientales et Doubs – touchant 73 élevages, avec mise en place de zones de protection (20 km) et de surveillance (50 km) assorties de fortes restrictions de mouvements, de mesures de biosécurité et de désinsectisation.

Pour tenter d’éradiquer rapidement la maladie, l’État a choisi une stratégie d’abattage total des troupeaux dès qu’un cas est confirmé. Selon la ministre de l’Agriculture, environ 3 000 bovins ont été abattus, soit 0,02 % d’un cheptel national estimé à 16 millions de têtes, sur “un peu plus de 100 foyers”.

Parallèlement, la vaccination massive et obligatoire, intégralement financée par l’État, est déployée dans les zones réglementées, avec bascule progressive de plusieurs d’entre elles en “zones vaccinales” lorsque 75 % des bovins sont vaccinés depuis plus de 28 jours. Ce duo abattage préventif-vaccination est défendu par le ministère comme la condition d’un retour rapide à la normale et d’un allègement des restrictions dans les territoires les plus touchés.

Dermatose nodulaire contagieuse des bovins (DNC) : les zones réglementées
Dermatose nodulaire contagieuse des bovins (DNC) : les zones réglementées
DR

Contestation croissante des abattages

Mais sur le terrain, cette stratégie suscite pourtant une contestation croissante. La Confédération paysanne dénonce une politique “autoritaire, injuste et inefficace”, notamment depuis l’abattage très contesté de 83 vaches vaccinées dans une exploitation du Doubs, décidé après la détection d’un seul animal positif. Le syndicat appelle à une mobilisation nationale contre “les abattages de masse”, y compris d’animaux immunisés, et multiplie les rassemblements devant les préfectures.

La Coordination rurale, deuxième organisation agricole, demande pour sa part de n’abattre que les animaux positifs présentant des signes cliniques, tout en plaidant pour un déploiement accéléré de la vaccination afin que les troupeaux soient protégés au printemps.

Au-delà des divergences de ligne, ces prises de position traduisent le malaise d’éleveurs qui voient partir des troupeaux parfois vaccinés et déclarent ne plus comprendre la logique sanitaire des pouvoirs publics.

Une nouvelle saison de grippe aviaire

En parallèle, la filière avicole affronte, elle, une nouvelle saison de grippe aviaire sous haute tension. Depuis le 22 octobre, le niveau de risque IAHP est porté à “élevé” sur l’ensemble du territoire métropolitain. Cette décision se traduit par la mise à l’abri généralisée des volailles, le renforcement des mesures de biosécurité, des restrictions sur les mouvements d’animaux et les rassemblements, ainsi que des mesures spécifiques dans les départements les plus touchés, en particulier sur la façade atlantique.

Fin novembre, plus de 60 élevages de volailles étaient déjà concernés, avec une dynamique jugée préoccupante, notamment chez les canards et dindes, tandis que la circulation virale dans l’avifaune sauvage migratrice augmente la pression aux frontières des élevages.

Aucune transmission interhumaine n’a été observée dans le monde

La vaccination obligatoire des élevages de canards de plus de 250 animaux, mise en place depuis 2023, vise à réduire le nombre de foyers IAHP et à abaisser la “pression virale” globale. Les autorités sanitaires rappellent qu’aucun cas humain n’a été identifié en France et qu’aucune transmission interhumaine n’a été observée dans le monde. Pour la population générale, le risque est jugé “faible”, et “faible à modéré” pour les professionnels exposés.

En toile de fond, la fièvre catarrhale ovine, et plus particulièrement son sérotype 3, continue de circuler intensément. Trois sérotypes (4, 8 et 3) sont désormais présents en France, avec 6 995 foyers de FCO-3 recensés entre le 1er juin et ce 4 décembre. L’État a commandé des vaccins et un cordon sanitaire vaccinal est mis en place dans le Sud-Ouest pour anticiper la progression du sérotype 1 venu d’Espagne.

La filière porcine, enfin, vit sous la menace constante de la peste porcine africaine. La France reste officiellement indemne, mais la maladie progresse dans plusieurs pays européens, y compris en zones frontalières.

Pour les agriculteurs, l’enjeu de ces épizooties n’est plus seulement sanitaire mais aussi social et économique. La concomitance des épizooties renforce aussi l’impression d’une “crise permanente” et alimente la contestation de dispositifs jugés disproportionnés ou incompris, en particulier lorsqu’ils touchent des animaux vaccinés.

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