À Tour-de-Faure, la mobilisation contre le projet photovoltaïque de TotalEnergies a permis d’arracher un premier répit : faute d’avoir utilisé sa fenêtre annuelle de défrichement, l’entreprise laisse au plateau du Carteyrou un an de sursis. Un souffle d’espoir pour les opposants, qui poursuivent leur combat pour préserver ce site naturel unique.
Depuis des semaines, ils se relaient sous la pluie, le vent et le froid pour assurer une présence régulière sur ce site encore préservé. Lundi, ils étaient une vingtaine d’adhérents de l’Association Environnementale Lot-Célé (AELC) et d’opposants au projet photovoltaïque initié à Tour-de-Faure.
Avec l’arrivée du mois de décembre, un souffle d’espoir apparaît pour ces Lotois : le projet pourrait encore être stoppé. En effet, TotalEnergies ne peut abattre les arbres que durant une fenêtre annuelle strictement limitée, du 1er septembre au 30 novembre. Or, en raison des procédures juridiques en cours, l’entreprise n’a pas engagé les coupes cette année, offrant ainsi un répit supplémentaire au Causse.
Un projet massif dans un site sensible

Le plateau bénéficie alors d’un sursis d’un an, sans machines, défrichement d’arbres ou aménagements. À l’horizon 2026, l’AELC engagera un troisième recours contre la préfecture du Lot afin qu’elle contraigne TotalEnergies à déposer une demande de Dérogation Espèces Protégées (DEP), indispensable pour reconnaître, et encadrer, l’impact sur les espèces et leurs habitats. “Sans nous, les machines seraient là depuis 2023”, estime Sophie, membre du collectif Sous les panneaux la rage.
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Sur le plateau du Carteyrou, à Tour-de-Faure, 7 000 arbres devraient être abattus. Face à ce risque, la mobilisation s’est renforcée cette année avec le collectif Sous les panneaux la rage : surveillance régulière de l’affichage obligatoire en mairie, présence systématique chaque lundi matin à l’unique accès du site, et veille active pour s’assurer de la légalité de toute intervention. La région vit du tourisme vert et de paysages préservés autour de Saint-Cirq-Lapopie, lacs et sentiers du Causse. “On est dans un coin rarissime, quasiment intact. Les gens viennent pour ça, on ne veut pas de ça chez nous”, rappelle Frédérique Amory, bénévole.
Une bataille juridique persistante
Depuis 2023, l’AELC multiplie les recours contre le permis de construire, le permis de défrichement et surtout l’absence de demande de dérogation pour la destruction d’espèces protégées. En 2025, l’association a assigné la Préfète pour l’obliger à exiger ce dossier. Sans réponse, elle saisit désormais le tribunal. Ce point pourrait devenir un élément clé pour bloquer le projet. Le site se situe en plein parc naturel régional des causses du Quercy classé Géoparc UNESCO, au cœur d’un environnement riche en orchidées, sabline des chaumes, oiseaux protégés, chauves-souris et patrimoines rupestres. Pour Marion Caillet, vice-présidente de l’AELC, l’impact serait “catastrophique et irréversible”.
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L’association compte aujourd’hui 260 adhérents, soutenue par 13 communes et par plusieurs collectifs nationaux. Tous défendent une même idée : la transition énergétique ne doit pas rimer avec destruction d’écosystèmes. Les membres rappellent qu’il existe de nombreuses surfaces déjà artificialisées où installer des panneaux, plutôt que sur des habitats naturels uniques. “On ira jusqu’au bout. On veut pouvoir se dire qu’on a tout fait pour protéger ce territoire”, conclut Sébastien Garreta, président de l’association.
La réponse de TotalEnergies
Interrogé sur le projet photovoltaïque du Carteyrou, TotalEnergies rappelle que le site est classé comme compatible avec le solaire dans les documents d’urbanisme et que le parc, 18 MW sur 19 hectares, soit environ 44 000 panneaux, a obtenu un permis de construire “définitif”, détaille Jean-François Yvelin, responsable de projet TotalEnergies en Occitanie. Seul le permis de défrichement, portant sur 7 000 arbres, reste en instance devant le Conseil d’État. Le responsable affirme avoir choisi de ne pas “engager les coupes tant que les recours ne sont pas totalement purgés”, tout en confirmant que “les travaux pourraient débuter dès qu’une décision favorable sera rendue”.
TotalEnergies met en avant une production annuelle estimée à 23 GWh, l’équivalent de la consommation électrique de 13 000 habitants, et insiste sur la “compensation forestière” annoncée, entre 35 et 40 hectares reboisés dans un rayon de 50 km autour du site. Concernant les espèces protégées, Jean-François Yvelin indique avoir relancé des inventaires naturalistes qui seraient effectués par des biologistes, mais estime que ce point ne constitue “pas un frein” au projet. La société dit rester ouverte au dialogue et assure que ses équipes sont “convaincues par la transition énergétique”.

