November 20, 2025

Pacte Dutreil sur les entreprises familiales : une dépense fiscale de 5,5 milliards d’euros, le rapport sévère de la Cour des comptes

l’essentiel
La Cour des comptes dresse un bilan sévère du pacte Dutreil, un dispositif fiscal qui exonère en partie la transmission des entreprises familiales. Elle propose de réformer le dispositif en profondeur. Les chefs d’entreprise dénoncent un rapport “déséquilibré”.

C’est un dispositif fiscal peu connu du grand public. Le pacte Dutreil, du nom de l’ancien ministre des PME Renaud Dutreil, lancé en 2003, permet sous conditions de faire bénéficier la transmission d’une entreprise familiale d’une exonération des droits de mutation à titre gratuit. Objectif : favoriser “la détention longue du capital” des entreprises et soutenir la souveraineté économique de la France.

Le coût réel pour l’État du pacte Dutreil n’a, de façon étonnante, jamais été évalué avec précision par l’administration. C’est ce qu’a voulu connaître la Cour des comptes qui a mené l’enquête avec l’Institut des politiques publiques (IPP) et a publié un rapport de 129 pages. Des donations et successions qui n’avaient pas été enregistrées comme “Pacte Dutreil” ont été réintégrées.

À lire aussi :
Cambriolage du Louvre : le musée a privilégié son “attractivité” au détriment de la sécurité, fustige la Cour des comptes

5 000 transmissions en 2025

Il en ressort que le nombre de transmissions d’entreprises ne fait qu’augmenter : 2 000 entre 2013 et 2016, 4 000 en 2023, 5 000 en 2025. Sur la période 2018-2024, ces transmissions ont concerné 523 000 salariés français dans les domaines du commerce et de la distribution principalement. La hausse s’explique par l’âge vieillissant des dirigeants d’entreprises mais aussi par des donations anticipées en raison des débats politiques actuels.

À lire aussi :
Une réserve de 86 millions d’euros… La Fondation 30 millions d’amis épinglée par la Cour des Comptes, qui la somme de dépenser davantage

Une dépense fiscale de 5,5 milliards d’euros

Quel est le coût fiscal pour les finances publiques ? Les lois de finances avancent régulièrement le chiffre de 500 millions d’euros. Or la somme est beaucoup plus élevée. Elle est évaluée à 1,2 milliard d’euros en 2020, 2 milliards en 2022, 3,3 milliards en 2023 et 5,5 milliards en 2024.

Le pacte Dutreil permet en effet de transmettre tout ou partie d’une entreprise familiale en bénéficiant d’une exonération de 75 % sur le montant de l’actif transmis. Plusieurs conditions sont à respecter : l’activité de l’entreprise doit avoir une portée opérationnelle, les actionnaires engagés par le pacte Dutreil doivent détenir collectivement une fraction minimale de la société et s’engager à les conserver collectivement pendant 2 ans. Les bénéficiaires de la transmission doivent par la suite conserver individuellement les titres pendant 4 ans. Ainsi, le taux maximal d’imposition des transmissions d’entreprises est réduit entre 11,25 % et 5,6 %.

À lire aussi :
Lac de Caussade : les deux anciens présidents de la Chambre d’agriculture du Lot-et-Garonne condamnés par la Cour des comptes

Un effet sur la pérennité des entreprises

Le rapport de la Cour des comptes a noté que le pacte Dutreil avait un effet légèrement positif sur la pérennité des entreprises, sans se traduire par une hausse de l’investissement et de l’emploi. Les Sages ont observé qu’après transmission, un peu moins de 30 % des entreprises transmises sous pacte Dutreil ont connu un changement de contrôle, contre un peu plus de 40 % des autres entreprises.

Le Medef porte un regard critique sur le rapport de la Cour des comptes. “Il repose sur une analyse […] déséquilibrée”, indique le Medef, qui dénonce “des comparaisons biaisées”, “une confusion entre transmissions et cessions” et “une interprétation exagérée du coût du dispositif”.

Si la Cour des comptes ne remet pas en cause le pacte Dutreil, elle suggère de revoir les critères d’éligibilité et de réduire l’avantage fiscal des entreprises concernées : exclure les biens et actifs non professionnels et diminuer le taux d’abattement de 75 % sur l’actif transmis.

source

TAGS: